La mission InSight de la NASA mesure la sismicité de Mars depuis près de quatre ans. Son objectif ? Déterminer la structure interne de la planète pour éclairer les processus de formation et d’évolution des planètes telluriques du système solaire. Les dernières données sismiques collectées par les scientifiques semblent indiquer la présence d’une source chaude à des profondeurs de 30 à 50 kilomètres, compatible avec une activité magmatique récente.
En examinant la façon dont les ondes sismiques générées par des séismes ou des impacts de météorites se propagent à l’intérieur de Mars, les scientifiques sont à même de déterminer précisément sa structure interne, de la croûte jusqu’au noyau. Depuis le début de la mission InSight, le 26 novembre 2018, plus de 1300 tremblements de mars ont été enregistrés, avec des magnitudes comprises entre 1 et 4. Les épicentres de la plupart des séismes étaient localisés non loin des Cerberus Fossae (les Fosses de Cerbère), un graben (un fossé tectonique causé par un effondrement entre deux failles) comportant une série de fissures sismiques, situées à environ 1600 km du lieu d’atterrissage de la sonde.
Les experts pensent que Mars était volcaniquement très active par le passé, mais que la planète est restée relativement calme depuis plusieurs millions d’années et qu’elle est aujourd’hui « géologiquement morte ». À partir des données relayées par InSight, une équipe internationale de chercheurs, dirigée par l’ETH Zurich, a étudié une vingtaine d’événements sismiques martiens récents : leurs analyses indiquent la présence d’un probable dépôt de magma non loin des Fosses de Cerbères — ce qui expliquerait pourquoi bon nombre des tremblements de terre enregistrés proviennent de cette région.
La preuve d’une activité volcanique relativement récente
« [Les données montrent] que la plupart des failles de surface largement distribuées ne sont pas sismiquement actives, et que la sismicité provient principalement d’une seule population de structures tectoniques, les Fosses de Cerbère », écrivent les chercheurs dans Nature Astronomy. En analysant les caractéristiques spectrales des ondes sismiques, ils se sont aperçus qu’elles étaient essentiellement de basse fréquence — une propriété généralement associée à des conditions volcaniques.
L’équipe en a conclu qu’il devait exister une sorte de corps chaud ou de chambre magmatique dans cette région, ce qui signifie que la planète pourrait être toujours géologiquement active et que cette activité joue toujours un rôle dans la formation de la surface martienne. Ils ont découvert que les tremblements de terre se situaient principalement dans la partie la plus interne de Cerberus Fossae. Les épicentres étaient tous localisés près d’une structure décrite précédemment comme une « jeune fissure volcanique ».
Leurs conclusions ont été corroborées par des images satellites montrant des dépôts sombres autour de cette fissure, vraisemblablement de la poussière, preuve d’une activité volcanique relativement récente. « La teinte plus foncée de la poussière est une preuve géologique d’une activité volcanique plus récente – peut-être au cours des 50 000 dernières années – ce qui est relativement jeune en termes géologiques », explique Simon Stähler, sismologue à l’ETH Zurich et premier auteur de l’étude.
Des tremblements de terre de haute fréquence ont été détectés par ailleurs le long des fosses de Cerbère — dans une zone plus fragile et peu profonde, potentiellement dans les plans de faille associés aux flancs du graben. « Ensemble, ces séismes libèrent un moment sismique annuel de 1,4 à 5,6 ×1015 N m par an, soit au moins la moitié de la sismicité de la planète entière », précise l’équipe.
Des fosses façonnées par des processus magmatiques
L’étude des processus géologiques martiens est importante pour mieux comprendre les processus similaires qui se déroulent sur Terre. Mars est non seulement notre plus proche voisine, mais aussi la seule (selon les connaissances actuelles) à posséder un noyau de fer, de nickel et de soufre, et qui aurait été dotée d’un champ magnétique par le passé. En outre, de plus en plus de preuves soutiennent que de vastes étendues d’eau liquide existaient autrefois sur cette planète, de même qu’une atmosphère beaucoup plus dense qu’elle ne l’est aujourd’hui.
En résumé, Mars présente (ou a présenté) plusieurs points communs avec la Terre. Les instruments envoyés à sa surface (rovers, hélicoptère, sismomètre) permettent d’obtenir des données bien plus complètes et précises que ne le permet l’exploration orbitale. Mais la combinaison de toutes ces données offre un aperçu fiable de l’histoire passée et actuelle de la planète rouge. « Bien qu’il y ait encore beaucoup à apprendre, les preuves d’un magma potentiel sur Mars sont intrigantes », a déclaré Anna Mittelholz, postdoctorante à l’ETH Zurich et à l’Université de Harvard, et co-auteure de l’étude.
La planète désertique que l’on connaît aujourd’hui était bien plus active il y a environ 3,6 milliards d’années, comme le prouvent les impressionnants vestiges volcaniques de la planète : la région de Tharsis Montes, qui est la plus grande chaîne volcanique connue de notre système solaire, et l’Olympus Mons, un volcan dont l’altitude est presque trois fois supérieure à celle du mont Everest !
Des recherches antérieures sur les fosses de Cerbère ont suggéré que la région était encore volcaniquement active au cours des 10 derniers millions d’années. Les résultats de cette nouvelle étude suggèrent que Mars n’est pas encore tout à fait morte. Selon Stähler, il est possible que les fosses soient l’un des derniers vestiges de cette région volcanique autrefois active. Les données suggèrent par ailleurs que le processus dynamique pourrait continuer à se propager vers l’est.