En octobre, le trou noir à rayonnement X le plus proche de nous a été découvert. Récemment, un nouveau trou noir a été détecté à seulement 1600 années-lumière de la Terre, par le télescope Gemini North à Hawaï. Il s’agit du premier trou noir inactif de masse stellaire dans notre arrière-cour cosmique. Sa proximité avec la Terre offre une cible d’étude intéressante pour faire progresser notre compréhension de l’évolution des systèmes binaires.
Les trous noirs sont les objets les plus extrêmes de l’Univers. Il est admis qu’au centre de toutes les galaxies réside probablement un trou noir supermassif des millions ou des milliards de fois plus massif que le soleil, sans que les scientifiques ne connaissent leur origine exacte.
Néanmoins, ces derniers pensent que des trous noirs plus petits se forment à partir d’étoiles massives qui se sont effondrées, après leur phase de vie thermonucléaire. De ce fait, ces trous noirs de masse stellaire — environ 5 à 100 fois la masse du Soleil — sont beaucoup plus courants, avec environ 100 millions rien que dans la Voie lactée.
Il faut savoir que l’on peut les identifier grâce aux rayons X émis lorsqu’ils consomment le matériau d’un compagnon stellaire à proximité, dans les systèmes à double étoile. Malgré cette luminosité intense, seuls quelques-uns d’entre eux ont été confirmés à ce jour. Contrairement à ces trous noirs « actifs », les trous noirs dormants ne font strictement rien : ils n’attirent aucune étoile ou matériau à proximité. Par conséquent, aucun rayon X n’en sort, ils restent invisibles.
Récemment, des astronomes utilisant le télescope Gemini North à Hawaï, l’un des télescopes jumeaux de l’ Observatoire international Gemini, exploité par le NOIRLab de la NSF, ont découvert le trou noir dormant le plus proche de la Terre, surnommé Gaia BH1. Il est environ 10 fois plus massif que le Soleil et est situé à environ 1600 années-lumière, dans la constellation d’Ophiuchus, ce qui le rend trois fois plus proche de la Terre que le précédent détenteur du record, un binaire à rayons X situé dans la constellation de Monoceros. L’étude a été publiée dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Un trou noir dormant
L’équipe a réussi à déterminer la présence d’un trou noir en observant le mouvement du compagnon de ce dernier, une étoile semblable au Soleil qui orbite autour du trou noir à peu près à la même distance que la Terre autour du Soleil.
Kareem El-Badry, astrophysicien au Centre d’astrophysique du Harvard & Smithsonian et de l’Institut Max Planck d’astronomie, auteur principal de l’étude, explique dans un communiqué : « Prenez le système solaire, mettez un trou noir là où se trouve le Soleil, et le Soleil là où se trouve la Terre, et vous obtenez ce système. Bien qu’il y ait eu de nombreuses détections revendiquées de systèmes comme celui-ci, presque toutes ces découvertes ont par la suite été réfutées. Il s’agit de la première détection sans ambiguïté d’une étoile semblable au Soleil sur une large orbite autour d’un trou noir de masse stellaire dans notre galaxie ».
Comme mentionné précédemment, bien qu’il y ait probablement des millions de trous noirs de masse stellaire dans la Voie lactée, ceux qui ont été détectés ont été découverts par leurs interactions énergétiques avec une étoile compagne, générant de puissants rayons X et des jets de matière. Si un trou noir ne se nourrit pas activement (c’est-à-dire qu’il est en sommeil), il se fond simplement dans son environnement.
Une recherche limitée dans le temps
L’équipe a initialement identifié le système comme hébergeant potentiellement un trou noir en analysant les données du vaisseau spatial Gaia de l’Agence spatiale européenne. Celui-ci a capturé les minuscules irrégularités dans le mouvement de l’étoile causées par la gravité d’un objet massif invisible.
Pour explorer le système plus en détail, El-Badry et son équipe se sont tournés vers l’instrument Gemini Multi-Object Spectrograph sur Gemini North, aux qualités d’observation et de rapidité appréciables. En effet, l’équipe n’avait qu’une courte fenêtre pour effectuer ses observations de suivi.
El-Badry souligne : « Lorsque nous avons eu les premières indications que le système contenait un trou noir, nous n’avions qu’une semaine avant que les deux objets soient à la distance la plus proche sur leurs orbites. Les mesures à ce stade sont essentielles pour faire des estimations de masse précises dans un système binaire. La capacité de Gemini à fournir des observations sur une courte période a été essentielle au succès du projet. Si nous avions raté cette fenêtre étroite, nous aurions dû attendre une autre année ».
L’équipe a donc pu mesurer la vitesse de l’étoile compagne alors qu’elle tournait autour du trou noir, et connaitre la mesure précise de sa période orbitale. Les chercheurs ont également identifié le corps central comme étant un trou noir environ 10 fois plus massif que le Soleil.
Des informations précieuses sur les systèmes binaires
Malheureusement, les modèles actuels des astronomes sur l’évolution des systèmes binaires peinent à expliquer comment la configuration particulière du système Gaia BH1 a pu se produire. Plus précisément, l’étoile qui a donné naissance au trou noir nouvellement détecté aurait été au moins 20 fois plus massive que le Soleil. Cela signifie qu’il n’aurait vécu que quelques millions d’années.
Les auteurs expliquent que si les deux étoiles se formaient en même temps, cette étoile massive se serait rapidement transformée en une supergéante, gonflant et engloutissant l’autre étoile avant qu’elle n’ait eu le temps de devenir une véritable étoile de la séquence principale brûlant de l’hydrogène, comme notre soleil.
Les scientifiques sont dans une impasse quant au fait que l’étoile de masse solaire ait pu survivre à cet épisode, se retrouvant comme une étoile apparemment normale. Les modèles théoriques qui autorisent la survie concluent tous que cette dernière aurait dû se retrouver sur une orbite beaucoup plus étroite que ce qui est observé.
Il est alors évident qu’il existe des lacunes importantes dans notre compréhension de la formation et de l’évolution des trous noirs dans les systèmes binaires, ce qui suggère également l’existence d’une population encore inexplorée de trous noirs dormants dans les binaires.