La pandémie de COVID-19 aura eu des conséquences inattendues, hors du secteur de la santé, lors du passage aux cours en ligne. En effet, il est reconnu que la « beauté » influence nombre de domaines de la vie quotidienne, de manière consciente ou non. Récemment, un chercheur a constaté que les étudiantes jugées « attirantes » obtenaient, dans le contexte des cours à distance, des notes moins hautes pour les cours avec une interaction enseignant-étudiant significative. Cette étude pointe du doigt le problème de la discrimination liée à la beauté dans l’univers éducatif, qui serait bien plus important pour les femmes.
L’attractivité physique est importante dans de nombreux aspects de la vie. Un large éventail de publications reconnait que la beauté a un impact sur le succès d’une personne. Par exemple, les personnes attirantes ont tendance à obtenir des salaires et des notes plus élevés et sont moins susceptibles d’être condamnées par la justice.
Cependant, les études divergent sur la question de savoir si ce phénomène est uniquement dû à une discrimination basée sur cette apparence physique ou si les individus attirants sont plus productifs, comme certaines études l’ont évoqué.
Récemment, la COVID-19 a permis de tester si l’obtention des grades universitaires implique une différence due à la discrimination physique ou aux différences de productivité entre les personnes. En effet, pendant la pandémie, les universités suédoises, comme celles des autres pays, ont transformé leurs cours présentiels en cours en ligne, de mars 2020 à septembre 2021. Pendant cette période, l’accès des enseignants aux visages des étudiants était grandement réduit, et donc la discrimination également. L’étude, menée par Adrien Mehic, de l’Université de Lund, est publiée dans la revue Economic Letters.
Une étude robuste dans un cadre subjectif
Pour étudier l’influence de la beauté, A. Mehic s’est appuyé sur les données de cinq cohortes consécutives du programme de génie industriel de cinq ans à l’Université de Lund, soit 300 étudiants, dont 37% de femmes. Parmi les professeurs, un peu plus des deux tiers étaient des hommes. La première cohorte a commencé le programme en 2015 et la dernière en 2019. Ces données ne prennent en compte que les notes des deux premières années du cycle qui sont obligatoires.
Au total, les étudiants suivent 15 cours durant ces deux années. L’auteur différencie les cours qualitatifs, où les enseignants interagissent avec les étudiants, des cours quantitatifs, où les professeurs enseignent des notions ne nécessitant que très peu d’interactions (mathématiques et physique). Par exemple, pour les cours de marketing, de gestion de la chaîne d’approvisionnement et d’administration des affaires, les examens prennent souvent la forme de travaux de groupe et de séminaires. Cela implique un degré relativement élevé d’interaction enseignant-élève. Dans les cours de mathématiques, l’examen écrit ne permet pas de discrimination : soit la réponse est juste soit elle est fausse, que l’étudiant soit beau ou non.
Pour évaluer l’attractivité des étudiants, A. Mehic explique dans un communiqué qu’il s’est basé sur un panel de 74 personnes (de 17 à 32 ans) ne connaissant pas les étudiants. Ils ont noté les photos de ces derniers en utilisant une échelle croissante de 1 à 10, se concentrant sur la beauté du visage. Étant donné que le nombre d’étudiants dans l’échantillon était relativement important, chaque personne n’a évalué que la moitié des images, ce qui signifie que chaque visage a reçu en moyenne 37 évaluations. La beauté moyenne était légèrement inférieure à 5, ce qui suggère une certaine distribution des évaluations de « beauté » idéalement aléatoire (moyenne centrée), selon la courbe de Student.
Une pandémie antidiscriminatoire ?
Avant la pandémie, lorsque les cours se déroulaient en présentiel, il est apparu dans les données que les étudiants attrayants réussissaient nettement mieux que les autres dans les cours qualitatifs. Les résultats sont valables aussi bien pour les garçons que pour les filles. Cependant, il n’y avait pas d’effet correspondant dans les cours quantitatifs, ce qui est probablement dû aux niveaux inférieurs d’interaction enseignant-élève dans ces cours, comme mentionné précédemment.
Par la suite, lorsque l’enseignement s’est fait par l’intermédiaire de conférences en ligne, après le début de la pandémie, les notes des étudiantes attirantes ont diminué dans les cours qualitatifs. Pour l’auteur, étant donné que les enseignants ne pouvaient pas facilement voir les visages des élèves en ligne, ces résultats suggèrent que la différence de note pour les femmes attirantes est probablement due à la discrimination. L’effet persiste même après ajustement en fonction du sexe du professeur, ce qui implique que ce résultat n’est pas entièrement motivé par les professeurs masculins discriminant en faveur des étudiantes attirantes.
Étonnamment, cette discrimination basée sur la beauté a persisté chez les hommes. En d’autres termes, les étudiants jugés beaux continuaient à avoir de meilleures notes lors des cours en ligne. Ce fait pourrait révéler, selon A. Mehic, que les hommes attirants sont plus productifs que les autres. Des recherches supplémentaires sont cependant nécessaires pour en établir précisément l’explication.
Cependant, d’après la littérature existante, il est reconnu que les hommes attirants sont plus travailleurs et ont des réseaux sociaux plus ouverts, et donc une influence plus grande sur autrui. Ces compétences sociales ont été liées à la créativité dans d’autres études. Ces traits liés à des performances scolaires supérieures sont susceptibles de persister, quel que soit le mode d’enseignement (présentiel ou à distance).
Finalement, la pandémie a révélé l’ampleur de la discrimination soutenue par la beauté concernant les femmes dans les domaines universitaires, alors que pour les hommes, la beauté semblerait être seulement un attribut productif, induisant de meilleures notes. Cependant, ce dernier point s’éloigne de la portée de l’étude est n’est qu’hypothétique.