Des physiciens spécialisés en dynamique des fluides de l’Université de Waterloo, au Canada, présentent un prototype d’urinoir spécifiquement conçu pour limiter les éclaboussures. Pour le mettre au point, ils ont analysé la miction des chiens et se sont inspirés des coquilles de nautiles. Le résultat réduit considérablement le nombre de gouttelettes indésirables et ce, quelle que soit la taille de l’utilisateur.
Il arrive à tous les hommes de marquer par inadvertance le sol des toilettes ou de la salle de bain, voire de s’éclabousser eux-mêmes, de quelques gouttes d’urine au moment de la miction. Ce problème persiste depuis l’invention de l’urinoir, il y a plus d’un siècle. Des physiciens se sont récemment penchés sur le sujet. « Nous avons découvert que lorsqu’un jet de liquide ou un train de gouttes heurte une surface rigide en dessous d’un certain angle d’impact critique, presque aucune éclaboussure n’est générée », résument-ils.
À partir de données sur la miction des chiens et plusieurs tests effectués avec des jets d’eau à différents débits et hauteurs, les chercheurs ont déterminé que pour l’homme moyen, l’angle « magique » qui génère le moins d’éclaboussures lors de la miction est d’environ 30 degrés. Ils ont donc entrepris de concevoir l’urinoir idéal, qui garantit que le jet d’urine soit toujours coupé à un angle égal ou inférieur à cet angle critique. Leurs recherches ont été présentées le 22 novembre lors de la réunion de la division de la dynamique des fluides de l’American Physical Society, à Indianapolis.
Un angle « magique » suivi instinctivement par les chiens
L’angle critique a pu être déterminé par la modélisation de la façon dont les chiens urinent. Selon Zhao Pan, qui a dirigé l’étude, les chiens savent instinctivement qu’en levant la patte, ils se rapprochent de « l’angle magique » entre le jet d’urine et un arbre, ou toute autre surface verticale, qui minimise les éclaboussures.
Les chercheurs ont ensuite évalué « le potentiel d’éclaboussures » de plusieurs modèles d’urinoirs, en dirigeant un jet d’eau sur des urinoirs de test fabriqués en mousse très dense recouverte d’époxy. Au cours de ce test, ils ont comparé deux modèles expérimentaux (l’urinoir du centre et le deuxième en partant de la droite, visibles sur l’image ci-dessus) à un modèle standard disponible dans le commerce (ici le deuxième en partant de la gauche) et à un modèle qui n’est pas sans rappeler la célèbre œuvre d’art « Fontaine » du peintre et plasticien Marcel Duchamp (le premier en partant de la gauche).
Ils ont testé différentes vitesses et hauteurs de jet sur chaque urinoir, puis ont essuyé les éclaboussures produites avec du papier absorbant. La masse de ces papiers mouillés, comparée à celle du papier sec, a permis de déduire la quantité d’éclaboussures générées dans chaque cas — la plus grande différence de masse correspondait donc aux urinoirs les plus susceptibles de provoquer des éclaboussures.
50 fois moins d’éclaboussures qu’un urinoir standard
Alors que la plupart des urinoirs installés dans les toilettes publiques ressemblent à des boîtes ovales ou rectangulaires peu profondes, les tests effectués par l’équipe ont montré qu’une forme plus allongée réduisait considérablement les éclaboussures.
Le modèle de prédilection des chercheurs (le deuxième en partant de la droite sur l’image) était haut et étroit, avec une surface intérieure incurvée, permettant aux personnes de toutes tailles d’atteindre le fameux angle de 30 degrés. « Il y a un écoulement régulier à la surface, ce qui empêche les gouttelettes de s’envoler », explique Kaveeshan Thurairajah, étudiant en génie mécanique à l’Université de Waterloo. Comme la courbure de l’objet est inspirée d’une coquille de nautile, l’équipe l’a baptisé « Nauti-Loo ». Lors du test du papier absorbant, les urinoirs standards ont généré jusqu’à 50 fois plus d’éclaboussures que ce nouveau modèle !
« Nos validations numériques et expérimentales montrent que nos conceptions d’urinoirs sont supérieures à l’utilisation typique d’un urinoir populaire disponible sur le marché, ainsi qu’aux conditions de miction où les jets d’urine sont très instables (par exemple, à bord des bateaux et des avions, qui subissent des perturbations) », souligne l’équipe.
À noter qu’un urinoir plus arrondi, doté d’une ouverture triangulaire, s’est avéré deux fois plus efficace que le Nauti-Loo (en matière de réduction des éclaboussures). Il n’a toutefois pas été retenu par l’équipe du fait qu’il ne peut pas être utilisé par des personnes de toutes tailles.
Grâce à cette étude, il se pourrait que le Nauti-Loo finisse par être produit en série, mais l’équipe n’a pas encore déterminé le coût de sa fabrication. Zhao Pan pense que le remplacement des urinoirs standards par cette version optimisée pourrait rendre les toilettes beaucoup plus propres et réduire la main-d’œuvre, l’eau et les produits chimiques nécessaires à leur nettoyage périodique.