C’est une première en Europe : le LUMI, le supercalculateur le plus puissant du continent, a été relié à un ordinateur quantique, le HELMI, du Centre de recherche technique de Finlande (VTT), pour offrir aux scientifiques une puissante plateforme de calcul hybride, qui pourrait résoudre les problèmes les plus complexes, qu’aucune des deux machines ne serait capable de résoudre seule.
Le LUMI (Large Unified Modern Infrastructure) est un supercalculateur de 309 PFlop/s, hébergé à Kajaani, dans un centre de données du Centre de technologie de l’information pour la science (CSC). Tout juste inauguré au mois de juin, il occupe actuellement la 3e place du Top 500 des supercalculateurs, juste devant le Leonardo italien de 175 PFlop/s. C’est non seulement le plus puissant supercalculateur d’Europe, mais aussi l’un des plus économes en énergie — se classant à la 7e place de la liste Green500, avec 51 GFlops/watts. Le HELMI, un ordinateur quantique à 5 qubits, est hébergé par le VTT. Tous deux sont opérationnels depuis 2021, mais ils viennent d’être connectés pour offrir encore plus de puissance de calcul.
« LUMI est désormais l’infrastructure de supercalcul quantique la plus puissante au monde, en plus d’être une plateforme de premier plan pour l’intelligence artificielle. Cela signifie que nous disposons de tous les moteurs du futur de l’informatique intégrés de manière transparente et prêts à être utilisés », a déclaré Pekka Manninen, directeur de LUMI. Un accès pilote à l’infrastructure sera accordé aux universitaires et organismes de recherche finlandais. Les chercheurs pourront ainsi essayer et expérimenter l’informatique quantique pour diverses utilisations.
Des calculs encore plus rapides et plus précis
À ce jour, les quelques ordinateurs quantiques existants sont difficilement exploitables en tant que systèmes autonomes. Ainsi, bien qu’ils soient extrêmement puissants, ils doivent être supervisés par des ordinateurs classiques. Mais ici, le HELMI n’est pas relié à un simple ordinateur : il s’agit du supercalculateur le plus puissant d’Europe ! Grâce à cette connexion, le LUMI pourra résoudre certains problèmes complexes encore plus rapidement, avec plus de précision et en utilisant moins d’énergie.
« Les utilisateurs développent un algorithme hybride du côté de LUMI et soumettent le travail au système de file d’attente de LUMI pour exécution. Les travaux quantiques sont transmis à HELMI de manière sécurisée via HTTPS et le backend de HELMI contrôle l’électronique matérielle pour effectuer le calcul quantique réel. Le résultat est renvoyé du côté de LUMI au programme qui a fait l’appel. Le programme peut alors combiner le résultat avec tout calcul classique qu’il a pu effectuer. Il peut ensuite lancer l’itération suivante ou afficher les résultats à l’utilisateur », détaille à ComputerWeekly Ville Kotovirta, chef de l’équipe des algorithmes quantiques au VTT.
La puissance de calcul combinée des deux machines ouvre la voie à d’ambitieux projets de recherche, dans plusieurs secteurs. Par exemple, les applications d’apprentissage automatique permettant de générer de nouvelles structures moléculaires à partir de données moléculaires existantes pourraient être plus rapides et plus précises, ce qui accélérerait considérablement le processus de conception de nouveaux matériaux ou le développement de nouveaux médicaments.
D’autres avantages concrets de cette plateforme hybride sont également attendus dans des domaines où la précision et la qualité des prédictions informatiques sont cruciales, mais où le temps pour trouver la réponse est limité. C’est par exemple le cas des prévisions météorologiques à court terme, en particulier lors de la survenue d’événements extrêmes menaçant potentiellement les populations.
Une plateforme de test pour se préparer à la « révolution quantique »
L’analyse en temps réel des données satellites pourrait également permettre de détecter un feu de forêt naissant avant qu’il ne se propage de manière incontrôlée. L’optimisation des chaînes d’approvisionnement, des itinéraires de voyage et de la gestion des portefeuilles sont d’autres exemples d’applications pour lesquelles l’association du calcul haute performance et de l’informatique quantique présente un intérêt certain.
Au sein de ce nouveau binôme, le supercalculateur pourrait par ailleurs aider à optimiser les algorithmes quantiques et post-traiter les données de mesure pour atténuer les erreurs de calcul. Les ordinateurs quantiques sont en effet très vulnérables aux erreurs sur les qubits, et plus le nombre de qubits augmente, plus grand est le risque d’erreurs ; les supercalculateurs faciliteront le développement des codes correcteurs nécessaires.
La connexion nouvellement établie donne finalement un aperçu des possibilités de l’informatique quantique, et permettra aux scientifiques d’expérimenter différentes façons d’utiliser efficacement cette nouvelle technologie. L’informatique quantique est encore méconnue et implique de développer des algorithmes et des approches de résolution de problèmes totalement nouveaux. Le VTT met tout en œuvre pour se préparer à la « révolution quantique » à venir : il développe actuellement un ordinateur quantique de 20 qubits et une mise à niveau à 50 qubits est d’ores et déjà prévue pour 2024.
En attendant, la connexion LUMI-HELMI sera l’occasion de tester différentes approches de programmation avant que les ordinateurs quantiques ne soient largement répandus — l’objectif étant de tirer le meilleur des deux mondes, quantique et classique, et d’apprendre à répartir les tâches de calcul de façon optimale entre ces deux technologies. Après une phase pilote réservée aux universitaires, il est prévu d’ouvrir la connexion à un public plus large.