La vitamine D a de nombreuses vertus. On lui prête notamment un rôle préventif contre le déclin cognitif. Ces conclusions reposent toutefois sur des données d’observation concernant la vitamine D sous sa forme circulante, la 25-hydroxyvitamine D3 sérique. Peu d’études ont été menées en revanche sur la vitamine D contenue dans le cerveau et son lien avec la démence. Des chercheurs de l’Université Tufts, aux États-Unis, se sont intéressés au sujet.
On estime que 55 millions de personnes dans le monde souffrent de démence ; d’ici 2050, la prévalence mondiale de la démence devrait dépasser 150 millions. Dans ce contexte, les scientifiques s’efforcent de trouver rapidement le moyen de prévenir la maladie, ou du moins de ralentir son évolution, en examinant tous les facteurs possibles. « De nombreuses études ont impliqué des facteurs alimentaires ou nutritionnels dans la performance ou la fonction cognitive chez les personnes âgées, y compris de nombreuses études sur la vitamine D », note la Dre Kyla Shea, qui étudie le rôle des micronutriments dans les maladies et les incapacités liées à l’âge.
La vitamine D soutient de nombreuses fonctions dans le corps : elle intervient dans l’absorption du calcium et du phosphore, et de ce fait, assure la bonne santé des os et la tonicité musculaire. Elle contribue également à renforcer le système immunitaire. Les poissons gras, certains champignons, les produits laitiers et les aliments enrichis en vitamine D, entre autres, de même qu’une brève exposition au soleil, permettent de couvrir les besoins en vitamine D.
Un risque de démence inférieur de 25% à 33%
Comme le souligne la spécialiste, toutes les études effectuées jusqu’à présent reposent sur les apports alimentaires ou sur le taux sanguin de vitamine D. Son équipe et elle ont souhaité examiner dans quelle mesure la vitamine D présente dans le cerveau était elle aussi liée au déclin cognitif. Pour ce faire, ils ont analysé des échantillons de tissu cérébral de 290 participants au Rush Memory and Aging Project — une étude à long terme initiée en 1997, conçue pour identifier les facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer et des troubles connexes.
Les capacités cognitives des participants (qui ne montraient aucun signe de démence au moment de leur recrutement) ont été régulièrement évaluées tout au long de cette étude, à mesure qu’ils vieillissaient ; 40% d’entre eux ont reçu un diagnostic de démence lors de leur dernière évaluation clinique. Les participants avaient en moyenne 92 ± 6 ans au moment de leur décès.
Des prélèvements de tissu cérébral ont été effectués pour analyses. L’équipe de Tufts s’est intéressée en particulier à la présence de vitamine D dans quatre régions du cerveau : le gyrus temporal moyen (MT), le gyrus frontal moyen (MF), le cervelet (CR) et la substance blanche du cerveau antérieur (AWS).
Les chercheurs ont pu constater que la vitamine D était effectivement présente dans les tissus cérébraux, sous forme de 25-hydroxyvitamine D3. Ils rapportent que la probabilité d’être atteint de démence ou de déficience cognitive légère lors de la dernière évaluation cognitive avant le décès était de 25% à 33% inférieure avec des niveaux élevés de 25(OH)D3 dans les quatre régions cérébrales examinées.
Des niveaux élevés de vitamine D étaient également corrélés à une meilleure fonction cognitive globale et à un déclin cognitif plus lent. En particulier, des concentrations plus élevées de 25(OH)D3 dans l’AWS étaient associées à une meilleure mémoire épisodique et à une meilleure vitesse perceptive.
Des mécanismes protecteurs qui restent à éclaircir
« Cette recherche renforce l’importance d’étudier comment les aliments et les nutriments créent une résilience pour protéger le cerveau vieillissant contre des maladies telles que la maladie d’Alzheimer et d’autres démences connexes », souligne Sarah Booth, directrice du Jean Mayer USDA Human Nutrition Research Center on Aging à Tufts et co-auteure de l’étude.
Les niveaux de vitamine D dans le cerveau n’étaient cependant associés à aucun des marqueurs physiologiques associés à la maladie d’Alzheimer, tels que l’accumulation de plaque amyloïde, la maladie à corps de Lewy ou la preuve d’accidents vasculaires cérébraux chroniques ou microscopiques — ce qui peut indiquer que la 25(OH)D3 dans le cerveau concerne des neuropathologies non étudiées ici, précisent les chercheurs.
Il est également possible que les concentrations cérébrales de 25(OH)D3 puissent être un indicateur de la résilience cognitive, de sorte que les individus présentant des niveaux plus élevés peuvent afficher moins de signes de déficience cognitive malgré une charge neuropathologique élevée, ajoutent-ils. En d’autres termes, on ne sait toujours pas comment la vitamine D influence la fonction cérébrale. « Nous devons faire plus de recherches pour identifier la neuropathologie à laquelle la vitamine D est liée dans le cerveau avant de commencer à concevoir de futures interventions », conclut la Dre Shea.
À noter par ailleurs que la plupart des participants étaient blancs ; or, il est avéré que les taux de vitamine D varient sensiblement d’une population à l’autre. L’équipe prévoit donc de mener d’autres études de suivi à partir d’une cohorte plus diversifiée.
En attendant que le rôle de la vitamine D dans le maintien des fonctions cognitives soit éclairci, les experts recommandent toutefois de ne pas prendre de trop fortes doses de vitamine D à titre préventif. Un excès de vitamine D peut en effet conduire à une hypercalcémie, qui se manifeste par une perte d’appétit, des nausées et des vomissements. La dose recommandée de vitamine D est de 600 UI pour les personnes âgées de 1 à 70 ans et de 800 UI pour les personnes plus âgées.