Rien ne peut aller plus vite que la lumière, dans la conception que nous avons des lois de la physique, incluant trois dimensions spatiales et une dimension temporelle. Mais qu’arriverait-il si nous pouvions dépasser cette vitesse ? Récemment, des chercheurs ont franchi cette limite et mis en évidence un système qui n’entre pas en conflit avec la physique existante, et pourrait même ouvrir la voie à de nouvelles théories, dont une incluant un univers à trois dimensions temporelles pour une seule dimension spatiale.
Au début du XXe siècle, Albert Einstein a complètement redéfini notre façon de percevoir le temps et l’espace. L’espace tridimensionnel a gagné une quatrième dimension — le temps. Les concepts de temps et d’espace, jusqu’ici séparés, étaient inextricablement liés. C’est la théorie de la relativité restreinte, reposant sur deux hypothèses — le principe de relativité de Galilée et la constance de la vitesse de la lumière.
Plus précisément, la relativité restreinte est limitée aux objets en mouvement par rapport à des référentiels inertiels. En d’autres termes, les observateurs en mouvement relatif vivent le temps différemment : il est parfaitement possible que deux événements se produisent simultanément du point de vue d’un observateur, mais se produisent à des moments différents du point de vue d’un autre. Et les deux observateurs auraient raison. La simultanéité est relative.
Typiquement, ce principe s’applique aux observateurs qui se déplacent les uns par rapport aux autres à des vitesses inférieures à la vitesse de la lumière. Mais des observateurs se déplaçant à des vitesses supérieures à la vitesse de la lumière pourraient également suivre ces lois physiques, comme l’explique Andrzej Dragan, co-auteur d’une nouvelle étude publiée dans la revue Classical and Quantum Gravity.
Récemment, ses collègues et lui ont défini un nouveau cadre pour décrire de façon cohérente les phénomènes physiques mettant en jeu des vitesses proches de celle de la lumière. Ce qu’ils ont proposé est une « extension de la relativité restreinte », qui combine trois dimensions de temps avec une seule dimension d’espace, par opposition aux trois dimensions d’espace et une dimension de temps que nous connaissons.
Relier mécanique quantique et théorie de la relativité
Cette nouvelle étude s’appuie sur des travaux antérieurs de certains des mêmes chercheurs, qui postulent que les perspectives supraluminiques (au-delà de la vitesse de la lumière) pourraient aider à relier la mécanique quantique à la théorie de la relativité restreinte d’Einstein — l’une des quêtes fondamentales des physiciens.
Cette hypothèse révolutionnaire des professeurs Andrzej Dragan et Artur Ekert de l’Université d’Oxford a été présentée pour la première fois il y a deux ans dans le New Journal of Physics. Ils y ont considéré le cas simplifié des deux observateurs dans un espace-temps composé de deux dimensions : une dimension spatiale et une dimension temporelle.
Dans leur dernière publication, avec leurs collègues, ils vont plus loin, comme le précise le communiqué, en présentant des conclusions sur l’espace-temps quadridimensionnel complet. Les auteurs partent du concept d’espace-temps correspondant à notre réalité physique : à trois dimensions spatiales et une dimension temporelle. Cependant, du point de vue de l’observateur supraluminique, une seule dimension de ce monde conserve un caractère spatial, celle le long de laquelle les particules peuvent se déplacer. « Les trois autres dimensions sont des dimensions temporelles », explique Dragan.
De ce fait, du point de vue d’un tel observateur, la particule « vieillit » indépendamment dans chacune des trois dimensions temporelles. Dragan ajoute : « Mais de notre point de vue, cela ressemble à un mouvement simultané dans toutes les directions de l’espace, c’est-à-dire la propagation d’une onde sphérique de mécanique quantique associée à une particule ».
De plus, les auteurs notent que dans ce modèle, la vitesse de la lumière dans le vide resterait constante même pour les observateurs allant plus vite que cette dernière, ce qui préserve l’un des principes fondamentaux d’Einstein.
Une nouvelle définition de la vitesse
Sur la base de ce nouveau modèle, les objets supraluminiques ressembleraient alors à une particule se dilatant dans l’espace comme une bulle. L’objet à grande vitesse, d’autre part, « éprouverait » plusieurs chronologies différentes.
Cependant, les chercheurs admettent que le passage à un modèle « d’espace-temps 1+3 » soulève de nouvelles questions, malgré les réponses qu’il apporte. Ils suggèrent qu’une extension de la relativité restreinte pour inclure des cadres de référence plus rapides que la lumière est nécessaire.
En d’autres termes, la prise en compte d’observateurs supraluminiques dans la description nécessite une nouvelle définition de la vitesse et de la cinématique. Cela implique une combinaison de concepts de la relativité restreinte, de la mécanique quantique et de la théorie classique des champs (qui vise à prédire comment les champs physiques interagissent entre eux).
Pour les auteurs, en incluant les solutions supraluminiques, toutes les particules commencent à se déplacer le long de plusieurs trajectoires à la fois, conformément au principe quantique de superposition. Pour un observateur supraluminique, la particule ponctuelle newtonienne classique n’a plus de sens, et le champ devient la seule grandeur utilisable pour décrire le monde physique, note Dragan.
Toutes les particules semblent donc avoir des propriétés quantiques, ainsi que des propriétés issues de la relativité restreinte étendue. Comme mentionné précédemment, les nouvelles questions sont nombreuses : « Est-ce que ça marche dans l’autre sens ? Pouvons-nous détecter des particules normales pour les observateurs supraluminiques, c’est-à-dire des particules se déplaçant par rapport à nous à des vitesses supraluminiques ? Ce n’est pas si simple », conclut Krzysztof Turzyński, co-auteur.