Le télescope spatial James Webb est en service depuis moins d’un an, mais les données fournies dépassent les attentes, avec des images époustouflantes et des découvertes scientifiques inespérées. Mercredi 11 janvier, une équipe de chercheurs de la mission James Webb a annoncé la première exoplanète rocheuse confirmée à l’aide du télescope. Elle a presque la même taille que la Terre et se trouve à seulement 41 années-lumière de nous.
Le télescope spatial James Webb est le premier observatoire scientifique spatial au monde. Il s’agit d’un programme international mené par la NASA avec ses partenaires, l’ESA (Agence spatiale européenne) et l’ASC (Agence spatiale canadienne). Depuis son lancement en décembre 2021, James Webb ne cesse de franchir les jalons dans les prouesses scientifiques et révolutionne notre vision de l’Univers.
Dernièrement, il a permis d’établir les atmosphères de plusieurs exoplanètes chaudes déjà connues et d’y repérer pour la première fois du dioxyde de carbone. Il a fourni des images de galaxies comme jamais auparavant, ainsi que des détails précieux sur les planètes de notre système solaire. Selon Jason Kalirai, directeur du Johns Hopkins Applied Physics Laboratory’s (APL) Space Exploration Sector et ancien scientifique du projet Webb, « des missions comme Webb sont parmi les projets les plus audacieux que la NASA a jamais entrepris, particulièrement bien placés pour répondre aux questions fondamentales sur notre planète et sa place dans le cosmos ».
Récemment, une équipe dirigée par des chercheurs du Johns Hopkins Applied Physics Laboratory a, pour la première fois, confirmé la découverte d’une exoplanète — une planète en orbite autour d’une autre étoile — avec le télescope spatial James Webb.
Officiellement enregistrée sous le nom de LHS 475b, la planète orbite autour d’une étoile naine rouge à environ 41 années-lumière de notre système, dans la constellation Octans. Elle a presque exactement la même taille que la Terre, avec 99% de son diamètre. Les résultats de l’équipe ont été présentés lors d’une conférence de presse de l’American Astronomical Society (AAS) ce mercredi 11 janvier 2023.
James Webb confirme sa première exoplanète
L’équipe a choisi d’observer cette cible avec Webb après avoir soigneusement examiné les cibles d’intérêt du Transiting Exoplanet Survey Satellite (TESS) de la NASA. Cet instrument ne pouvait que faire allusion à l’existence de la planète en raison des limites de ses caméras et du faible signal de cette dernière. Le spectrographe proche infrarouge de Webb (NIRSpec) cependant, a facilement confirmé la planète après seulement deux observations de son transit l’été dernier — le passage de la planète devant son étoile.
Pour capturer ces données, Webb a observé le système stellaire LHS 475 pendant près de 3 heures, commençant environ 1,5 heure avant le transit et terminant environ 30 minutes après le transit. Le transit lui-même a duré environ 40 minutes. La courbe présentée lors de la conférence comprend un total de 1158 mesures de luminosité individuelles, soit environ une toutes les neuf secondes.
Les chercheurs expliquent que la planète est extrêmement proche de son étoile, complétant une orbite en seulement deux jours terrestres.
L’astrophysicien APL Kevin Stevenson, co-responsable de l’étude, déclare dans un communiqué : « Je pense que les exoplanètes rocheuses sont la nouvelle frontière avec JWST. Tout comme les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer de la NASA ont ouvert un nouveau domaine avec la découverte d’exoplanètes chaudes de la taille de Jupiter, JWST va ouvrir une toute nouvelle voie de recherche sur des mondes plus petits et rocheux qui étaient autrefois indétectables depuis la Terre ».
Une atmosphère qui reste floue, mais pleine d’espoir
Parmi tous les télescopes en fonctionnement, seul Webb est capable de caractériser les atmosphères d’exoplanètes de la taille de la Terre. L’équipe a tenté d’évaluer ce qui se trouve dans l’atmosphère de la planète en analysant son spectre de transmission.
En effet, NIRSpec est conçu pour observer des objets célestes proches de nous, tels que les exoplanètes. Les atmosphères de ces mondes absorbent une partie de la lumière infrarouge émise par leur étoile mère, lors de leur transit autour d’elle. Un spectre de transmission est alors réalisé en comparant la lumière des étoiles filtrée à travers l’atmosphère d’une planète à la lumière des étoiles non filtrée détectée lorsque la planète est à côté de l’étoile.
Plus précisément, en collectant la lumière de l’étoile et en la divisant en un spectre, NIRspec permet aux astronomes de rechercher les infimes quantités de lumière qui manquent — absorbées par l’atmosphère de la planète — à des longueurs d’onde spécifiques. Ils peuvent alors identifier les produits chimiques présents dans l’atmosphère de la planète et extraire d’autres informations physiques.
Malgré le fait qu’elle soit bien plus proche de son étoile que ne l’est la Terre du Soleil, les chercheurs prévoient que la planète pourrait avoir conservé une atmosphère, étant donné que la température de l’étoile est inférieure à la moitié de celle du Soleil.
Néanmoins, bien que les données montrent qu’il s’agit d’une planète tellurique de la taille de la Terre (de quelques centaines de degrés plus chaude), les chercheurs n’ont pu confirmer, à l’heure actuelle, la présence effective d’une atmosphère. Erin May, également du laboratoire de physique appliquée de l’Université Johns Hopkins, explique : « Le télescope est si sensible qu’il peut facilement détecter une gamme de molécules, mais nous ne pouvons pas encore tirer de conclusions définitives sur l’atmosphère de la planète ».
Cependant, le spectre a permis à l’équipe d’exclure quelques possibilités, comme une atmosphère dominée par l’hydrogène, comme celle de Jupiter, ou une atmosphère épaisse dominée par le méthane, comme la plus grande lune de Saturne, Titan.
L’équipe note également que s’il est possible que la planète n’ait pas d’atmosphère, certaines compositions atmosphériques n’ont pas été exclues, comme une atmosphère de dioxyde de carbone pur. Lustig-Yaeger, de l’APL de l’Université Johns Hopkins et co-responsable de l’étude, déclare : « De manière contre-intuitive, une atmosphère contenant 100% de dioxyde de carbone est tellement plus compacte qu’elle devient très difficile à détecter ».
Des mesures encore plus précises sont nécessaires pour que l’équipe puisse distinguer une atmosphère de dioxyde de carbone pur de l’absence totale d’atmosphère. Les chercheurs devraient obtenir des spectres supplémentaires avec une troisième observation l’été prochain.
De plus, comme mentionné précédemment, la planète est de quelques centaines de degrés plus chaude que la Terre. De fait, les scientifiques suggèrent que l’observer lors d’une éclipse secondaire — lorsque la planète commence tout juste à orbiter derrière son étoile — leur permettrait de déterminer si la planète a des nuages. Cet élément pourrait aider à déterminer si l’atmosphère de la planète est comparable à celle de Vénus — nuageuse et riche en dioxyde de carbone.
Lustig-Yaeger est enthousiaste quant à l’avenir des recherches : « Nous sommes à la pointe de l’étude des petites exoplanètes rocheuses. Nous avons à peine commencé à effleurer la surface de ce à quoi pourraient ressembler leurs atmosphères ».
Les découvertes des chercheurs montrent la possibilité de localiser des planètes de la taille de la Terre en orbite autour d’étoiles naines rouges. Stevenson conclut : « Cette confirmation de planète rocheuse met en évidence la précision des instruments de la mission. Et ce n’est que la première des nombreuses découvertes à venir ».