Une équipe de chercheurs de l’Université de l’Illinois Urbana-Champaign démontre qu’il est possible de transformer un ancien puits de pétrole ou de gaz en un système efficace de stockage d’énergie géothermique. Le sous-sol en question ne produit pas lui-même suffisamment de chaleur, mais peut constituer un excellent réservoir de stockage, artificiel et durable, pour la chaleur excédentaire produite par les industries proches. Cette chaleur serait ensuite utilisée pour produire de l’électricité en cas de demande accrue.
Le bassin de l’Illinois est un bassin à basse température, ce qui signifie qu’il ne produit pas naturellement d’énergie géothermique pour générer de l’électricité. Les formations du sous-sol plus profond ont toutefois les propriétés thermiques et hydrauliques adéquates pour établir un réservoir géothermique artificiel. Ce sous-sol est en effet constitué de roches très poreuses et de minéraux dotés d’une grande conductivité thermique. L’ensemble est entouré de couches isolantes qui permettent de retenir la chaleur.
« Un grand nombre des propriétés qui rendent une formation rocheuse souterraine idéale pour l’extraction du pétrole et du gaz le sont également pour le stockage géothermique », explique Tugce Baser, professeure de génie civil et environnemental, qui a dirigé l’étude. Ainsi, cette approche innovante permet de réaffecter des installations d’extraction de ressources fossiles en un système de production d’électricité plus respectueux de l’environnement. « C’est une situation gagnant-gagnant », souligne la chercheuse.
Une efficacité de stockage de plus de 80%
C’est la première fois qu’une équipe se penche sur le potentiel géothermique du bassin de l’Illinois. Sur la base de données provenant d’observations de terrain et d’études de modélisation numérique préliminaires permettant de sonder les propriétés de stockage du sous-sol, Baser et son équipe ont choisi de tester leur concept dans le Cypress Sandstone — une unité rocheuse poreuse située à environ 900 mètres sous la surface du site d’essai.
Pour tester la capacité de stockage de chaleur du site, ils ont injecté de l’eau préchauffée à 50 °C dans un ancien puits de gaz pendant trois jours. Après avoir fermé le puits, l’équipe a surveillé les changements de pression, les conditions thermiques et hydrauliques pendant cinq jours. Cet essai à grande échelle a été réalisé en avril 2021.
Les résultats de l’essai sur le terrain, combinés à la modélisation numérique de différents schémas opérationnels, indiquent que l’efficacité du stockage d’énergie pourrait atteindre 82% ! Les fluides extraits pourraient quant à eux générer une puissance électrique de 5,74 MW en cinq ans, pour un schéma d’injection et de production mensuelles simultanées avec une période de charge initiale de 90 jours, précise l’équipe dans Renewable Energy.
Ainsi, ce système offre non seulement une approche économique et environnementale du stockage thermique — du fait qu’il repose sur des infrastructures existantes — mais aussi une efficacité de stockage élevée. Le système proposé pourrait même être économiquement viable et rentable : les chercheurs rapportent en effet un coût net global moyen de production d’électricité de 0,138 $ par kilowattheure. « Nos résultats montrent que le bassin de l’Illinois peut être un moyen efficace de stocker l’énergie thermique excédentaire provenant de sources industrielles et éventuellement de sources plus durables comme l’éolien et le solaire », résume Baser.
Une solution potentielle au problème des puits abandonnés
D’après une enquête récente, on recense dans le monde entre 20 et 30 millions de puits de pétrole et de gaz abandonnés par l’industrie pétrolière ! En France, ils seraient plus de 12 500. La plupart de ces anciens forages n’ont pas été refermés (du fait qu’aucun exploitant n’a accepté de prendre en charge les coûts occasionnés) et laissent échapper des matières dangereuses — notamment du méthane, un puissant gaz à effet de serre — dans l’air, la terre et l’eau.
Selon un ancien travailleur américain de l’industrie pétrolière, Curtis Shuck, un puits de pétrole abandonné produirait toutes les huit secondes 0,085 m3 de méthane. Avec la fondation Well Done qu’il a créée, il s’efforce de refermer ces puits très polluants, en les saturant de ciment jusqu’à la surface. L’effet est immédiat : les émissions de méthane sont réduites à zéro. L’opération a néanmoins un coût, pris en charge par quelques généreux donateurs : il faut compter 30 000 $ par puits. Parallèlement, Joe Biden s’est engagé à débloquer des milliards de dollars pour remédier au problème et colmater tous les puits abandonnés du pays.
L’approche proposée par Baser et son équipe est donc intéressante sur bien des aspects et s’inscrit pleinement dans le contexte de transition énergétique actuel. Non seulement elle permet de produire de l’électricité à moindres frais et sans émissions nocives, mais elle offre aussi un moyen de transformer ces anciens puits de pétrole en quelque chose d’utile.