Des photos d’une beauté à couper le souffle de nuages irisés, nacrés, colorant le ciel du cercle polaire arctique d’une douceur enchanteresse, comme une aurore boréale aux multiples reflets, ont été prises à divers endroits, dont en Islande, en Norvège et en Finlande. Ces nuages stratosphériques sont le résultat d’une combinaison de facteurs précis et rares. Ce spectacle coloré cache malheureusement un côté bien plus sombre, détruisant notre couche d’ozone.
Les aurores boréales pour l’hémisphère Nord et australes pour l’hémisphère Sud font partie des phénomènes lumineux atmosphériques les plus spectaculaires du ciel nocturne. Elles ont fasciné, effrayé et inspiré les humains pendant des siècles. Plus récemment, des photographes ont déployé des efforts remarquables pour tenter de capturer la beauté de ces événements.
De nos jours, elles deviennent presque « banales », par la multiplication des canaux de diffusion des images professionnelles et d’amateurs, même vues de l’ISS. Ressemblant étrangement à ces dernières, des nuages irisés ont sublimé à plusieurs endroits le ciel du cercle polaire arctique ces derniers jours. Des photographes amateurs ont pu capturer ce phénomène dans d’époustouflants clichés. Mais l’origine de ces nuages est bien différente de celle des aurores boréales, avec des conséquences néfastes pour notre planète.
Arborez un message climatique percutant 🌍
Une explication similaire à celle de l’arc-en-ciel
Pour les aurores boréales « classiques », ce que nous admirons dans le ciel sont des atomes et des molécules de notre atmosphère qui entrent en collision avec des particules solaires. Les motifs ondulés et les « rideaux » de lumière caractéristiques des aurores sont causés par les lignes de force du champ magnétique terrestre.
Pour les nuages multicolores, il s’agit de conditions météorologiques précises rendant ce spectacle possible. En 2016, de tels nuages étaient apparus bien plus bas en latitude, au-dessus de l’Écosse. Le présentateur météo de la BBC Scotland, Christopher Blanchett, avait alors expliqué : « Ces nuages accrocheurs aux couleurs de l’arc-en-ciel se forment dans la stratosphère terrestre à environ 21336 m, bien au-dessus de l’endroit où se trouvent normalement d’autres nuages et dans un air beaucoup plus froid, autour de -78 °C [voire -81 °C] ».
En effet, ces nuages sont connus sous le nom de nuages stratosphériques polaires (PSC). Normalement, les nuages ne se forment pas dans la stratosphère en raison de son extrême sécheresse. Cependant aux hautes latitudes, pendant l’hiver, la température stratosphérique devient parfois suffisamment basse pour favoriser la formation de nuages.
L’apparence colorée de ces nuages est due au fait qu’ils contiennent de petites particules de glace de taille comparable, d’environ 10 µm de diamètre, chacune d’entre elles diffractant la lumière du soleil d’une manière similaire. Les nuages restent souvent entièrement illuminés pendant environ 20 minutes après le coucher du soleil en raison de leur haute altitude (15 à 25 km), ce qui donne un aspect spectaculaire au ciel crépusculaire.
Le 25 janvier 2023, des conditions de gel extrêmes dans la stratosphère ont permis une rare apparition, assez étendue, de nuages stratosphériques polaires irisés à travers le cercle polaire arctique, y compris l’Islande, la Norvège et la Finlande, selon Spaceweather.com.
La grande ironie des nuages multicolores
Appelés « Mother of Pearl » par les Scandinaves en raison de leur aspect irisé, rappelant celui de la nacre des coquillages ou les couleurs des perles naturelles, il faut savoir qu’il existe deux types distincts de nuages stratosphériques polaires. Les nuages de type I sont composés d’acide nitrique et d’eau (et parfois aussi d’acide sulfurique), tandis que les nuages de type II ne contiennent que de la glace d’eau.
Les premiers sont responsables de réactions chimiques, avec le chlore, se produisant à leur surface, servant de catalyseur, entraînant une transformation de la composition stratosphérique. Le chlore est apporté à la stratosphère principalement à partir de sources industrielles, notamment les chlorofluorocarbures (CFC) utilisés dans des produits tels que les réfrigérateurs et les bombes aérosol. Le chlore artificiel passe de formes plus bénignes à des formes hautement réactives avec l’ozone, des radicaux libres actifs — par exemple le monoxyde de chlore (ClO).
Cette conversion entraîne un appauvrissement substantiel de la couche d’ozone, et détruit l’acide nitrique lors de ces réactions. Or, ce dernier peut se lier aux radicaux libres nocifs pour les rendre inactifs. Selon l’Agence de Protection de l’Environnement des États-Unis, un seul atome de chlore dans la stratosphère peut détruire plus de 100 000 molécules d’ozone.
Concrètement, la couche d’ozone dans la stratosphère absorbe une partie du rayonnement solaire, l’empêchant d’atteindre la surface de la planète. Plus important encore, il absorbe la partie de la lumière UV appelée UVB. Ces derniers sont associés à de nombreux effets nocifs, notamment des cancers de la peau, des cataractes et des dommages à certaines cultures et à la vie marine.
C’est une grande ironie que ces beaux nuages participent à une chaîne d’événements qui se traduit par l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique par le chlore artificiel, en d’autres termes à des « trous » dans la couche d’ozone. Toutefois, les nuages récemment observés dans le cercle polaire arctique semblent être des nuages stratosphériques polaires de type II.
Un phénomène qui se multiplie
L’irisation des nuages est relativement rare. Le nuage doit être mince et contenir beaucoup de gouttelettes d’eau ou de cristaux de glace de la même taille. Lorsque cela se produit, les rayons du soleil ne rencontrent que quelques gouttelettes à la fois. Pour cette raison, les nuages semi-transparents ou les nuages en pleine formation sont les plus susceptibles de montrer une irisation.
Néanmoins, selon les experts, la survenue de tels nuages risque de se produire bien plus souvent en raison du changement climatique et des conditions météorologiques de plus en plus extrêmes. Rappelons à toutes fins utiles que tous les ans, au-dessus de l’Antarctique lors du printemps austral, un appauvrissement de la couche d’ozone se produit à cause d’un vortex stratosphérique. Or, il était reconnu jusqu’à récemment qu’il faisait trop chaud au-dessus de l’Arctique pour qu’un tel phénomène se produise.
Malheureusement, avec le changement climatique, ces dernières années, l’atmosphère au-dessus de l’Arctique a été plus froide que d’habitude et les nuages stratosphériques polaires ont duré jusqu’au printemps. En conséquence, les niveaux d’ozone ont diminué, malgré un récent rapport qui faisait état d’une diminution générale du trou de la couche d’ozone. Les conséquences de nos activités se répercutent absolument dans tous les compartiments de notre planète, de la stratosphère au fond des mers. L’urgence d’action semble de plus en plus un euphémisme.