Récemment, les scientifiques ont montré que ralentir les effets du vieillissement grâce au sang « jeune » ne tiendrait pas que du mythe et de la culture pop. En effet, des études ont par le passé révélé que la transfusion de sang jeune chez des personnes âgées ralentit la sénescence cellulaire, améliore les capacités cognitives et retarde l’apparition de maladies liées au vieillissement. Cependant, les avantages de la transfusion ne sont que temporaires. Cherchant à transposer ces effets sur le long terme, des chercheurs de Columbia (à New York) ont suggéré qu’un médicament contre la polyarthrite rhumatoïde pourrait rajeunir le système de production sanguin (ou système hématopoïétique). Agissant directement sur les cellules souches sanguines en bloquant une cytokine inflammatoire, le médicament permettrait la production de sang jeune, sans besoin de passer par la transfusion. Bien que la recherche soit encore préliminaire, les chercheurs espèrent rapidement passer aux essais cliniques, le médicament étant déjà commercialisé.
Le vieillissement étant un facteur de risque pour de nombreuses pathologies, toujours plus d’études se penchant sur les moyens d’en inverser ou d’en ralentir le processus. Des études récentes sur le vieillissement ont démontré qu’en injectant du sang de jeunes souris dans des souris plus âgées, ces dernières se dotaient temporairement des mêmes capacités physiologiques que les jeunes souris. L’effet inverse peut également se produire lorsque l’on transfuse du sang de souris âgés chez de jeunes souris, suggérant que le vieillissement serait un état relativement malléable.
À part la transfusion de sang jeune, d’autres essais ont été effectués, tels que la dilution du plasma âgé, afin d’en éliminer les facteurs ou marqueurs de sénescence. Cependant, les effets n’étaient que temporaires et ne suffisaient qu’à atténuer les symptômes classiques du vieillissement, tels que la perte de tonus musculaire et cardiaque. Dans le cadre d’une étude antérieure, les chercheurs de la nouvelle étude ont tenté des approches ciblant directement les cellules souches sanguines.
À rappeler que nos cellules sanguines (globules rouges, cellules immunitaires, plaquettes, etc.), sont produites à partir d’un petit nombre de cellules souches résidant dans la moelle osseuse. Avec l’âge, ces cellules souches dites hématopoïétiques produisent moins de globules rouges, moins de cellules immunitaires et ont du mal à maintenir leur intégrité génétique (augmentant le risque de cancer du sang).
Afin de tenter d’inverser les effets du vieillissement des cellules souches hématopoïétiques, l’équipe de recherche de Columbia avait observé (dans une étude antérieure) les effets de l’exercice physique et des régimes hypocaloriques sur les souris (des alternatives généralement considérées comme pouvant ralentir le vieillissement). Mais aucun changement notable n’a été relevé.
Les essais d’implantation de jeunes cellules souches et la transfusion de sang jeune ont également échoué à rajeunir les cellules souches sanguines âgées. Les chercheurs ont alors supposé que la meilleure façon d’obtenir les avantages du sang jeune sur le long terme, serait de rajeunir en amont son système de production.
Les conditions changeantes (avec l’âge) du milieu hématopoïétique constituent en théorie une grande partie du problème du vieillissement. « Un système sanguin vieillissant, parce qu’il est vecteur de beaucoup de protéines, de cytokines et de cellules, a beaucoup de conséquences néfastes pour l’organisme », explique Emmanuelle Passegué, chercheuse au Département de génétique et de développement à Columbia et co-auteure principale de la nouvelle étude. « Une personne de 70 ans avec un système sanguin de 40 ans pourrait avoir une durée de vie plus longue », suggère-t-elle.
Blocage d’une cytokine inflammatoire
D’après la nouvelle étude, décrite dans la revue Nature Cell Biology, le milieu hématopoïétique à l’intérieur de la moelle osseuse se détériorerait à mesure que l’on vieillit. Dès la cinquantaine, l’on sait en effet que les tissus osseux se dégradent progressivement. Dans cette condition, cet environnement très spécifique est submergé des molécules inflammatoires, qui entrainent en aval un dysfonctionnement des cellules souches sanguines.
L’inflammation observée dans le système hématopoïétique serait induite par l’interleukine-1B (IL-1B), dont la production peut être inhibée par les médicaments de type anakinra, couramment prescrits contre la polyarthrite rhumatoïde. Administré chez des souris, le médicament a eu des effets significatifs sur le rajeunissement des cellules souches sanguines, surtout lorsqu’il était administré sur toute la durée de vie des animaux — et non uniquement lorsqu’ils avaient déjà atteint un âge avancé.
Maintenant, la question est de savoir si le médicament peut avoir le même effet de rajeunissement sur l’Homme. « Le traitement des patients âgés avec des anti-inflammatoires bloquant la fonction IL-1B devrait aider à maintenir une production sanguine plus saine », estime Passegué. Comme l’anakinra est déjà commercialisé, l’équipe de recherche pense pouvoir passer rapidement aux essais cliniques. De plus, par le biais du système circulatoire, l’effet de rajeunissement pourrait probablement s’étendre sur l’ensemble de l’organisme.
Toutefois, il faut garder à l’esprit qu’il n’est pas recommandé de prendre des anti-inflammatoires sur une trop longue durée, au risque de provoquer des effets secondaires sur le foie ou d’autres organes. Les chercheurs devront ainsi se concentrer davantage sur l’innocuité du médicament.