Le « COVID long » est une maladie de type chronique et résiduel faisant suite à une infection par le SARS-CoV-2, dans laquelle les symptômes persistent plusieurs mois ou années. Ces symptômes persistants affectent surtout le système nerveux central, et impactent considérablement le quotidien des patients souffrant de la maladie. De ce fait, les chercheurs tendent progressivement à considérer le COVID long en tant que maladie principalement neurologique. Et de nouvelles recherches suggèrent que les symptômes neurologiques persistants seraient d’origine auto-immune. Ces nouveaux indices permettront peut-être de développer des stratégies thérapeutiques plus adaptées pour les personnes souffrant de COVID long.
Dans le monde, près de 43% des personnes infectées par le COVID auraient développé le COVID long selon une étude de synthèse datant de 2021. Des enquêtes plus récentes estiment ce taux à une personne sur cinq. Les premiers cas de COVID long ont été constatés chez les patients présentant la forme aiguë de la maladie et ayant nécessité une hospitalisation. Comme ces personnes présentaient de graves lésions organiques (aux poumons) facilement détectables, les rapports de symptômes neurologiques ont été relativement minimisés.
Cependant, en vue du nombre croissant de personnes signalant des symptômes inhabituels plusieurs mois après l’infection, les scientifiques ont commencé à constater que les symptômes neurologiques de la maladie sont en fin de compte assez répandus. Ces patients présentent notamment de la fatigue chronique, un « brouillard cérébral », divers problèmes cognitifs et sensoriels, etc.
Bien que l’incidence du COVID long soit plus élevée chez les patients présentant une forme grave et chez les personnes âgées, il peut également survenir chez les jeunes en bonne santé et les personnes ayant contracté une forme légère de la maladie. Les personnes souffrant de pathologies sous-jacentes (asthme, diabète, obésité, maladies auto-immunes, etc.) courent également plus de risques de développer le COVID long.
Les symptômes les plus couramment observés dans les cas de COVID long seraient de nature neurologique. Comme ces personnes présentent des difficultés cognitives, la maladie peut considérablement impacter leur quotidien, surtout dans le cadre professionnel. Certains patients ont même signalé un brouillard cérébral plus de trois ans après leur infection. « Je pense maintenant au COVID comme une maladie neurologique autant que je le considère comme une maladie pulmonaire », souligne William Pittman, médecin au centre UCLA Health à Los Angeles (États-Unis).
Des symptômes post-viraux déjà observés
À savoir que des symptômes post-viraux similaires ont déjà été observés dans d’autres infections virales, telles que le VIH/SIDA, ou d’autres virus grippaux. Espérant aboutir à des solutions durables pour le COVID long, les scientifiques orientent leurs recherches sur ses points communs avec les dommages neurologiques causés par le VIH et d’autres virus.
Les symptômes du COVID long auraient également de fortes ressemblances avec ceux de la mononucléose (causée par le virus d’Epstein-Barr). L’infection à ce virus causerait notamment également un dysfonctionnement cognitif, de la fatigue chronique et un dérèglement immunitaire. Ce groupe de symptômes est catégorisé dans ce que l’on appelle l’encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique (EM/SFC), et peut survenir longtemps après l’infection. « L’un des modèles que nous observons est celui des patients qui répondent définitivement aux critères de l’EM/SFC. C’est quelque chose que nous voyons et traitons tout le temps chez les patients Covid long », explique Pittman.
Le virus activerait l’auto-immunité
À l’instar de l’EM/SFC, plusieurs études ont émis l’hypothèse selon laquelle les symptômes du COVID long sont d’origine auto-immune. Les anticorps produits par notre organisme pour contrer le virus cibleraient ainsi également les cellules saines. De ce fait, les symptômes inflammatoires persistent, même après l’élimination du virus. Plusieurs études impliquant des personnes atteintes du COVID long auraient d’ailleurs détecté des auto-anticorps interagissant avec les neurones.
De plus, le système immunitaire serait particulièrement actif au niveau cérébral chez les personnes signalant des symptômes neurologiques suite à la COVID. Cette importante activité immunitaire ne serait pas forcément causée par la présence du virus dans le cerveau, mais plutôt par des réponses inflammatoires médiées par les macrophages. Les autopsies de personnes décédées de COVID semblent confirmer cette hypothèse, car l’activation immunitaire dans leur cerveau aurait été disproportionnée — par rapport à une charge virale relativement faible. L’ARN viral, pouvant déclencher des réponses immunitaires, serait également présent dans le cerveau jusqu’à 230 jours après l’infection.
Par ailleurs, ces études montrent que les macrophages auraient été profondément « marqués » de sorte à rester actifs sur une longue durée. Et comme ces macrophages n’effectuent pas forcément de défense sélective, ils peuvent produire de grandes quantités de cytokines inflammatoires, pouvant impacter les cellules saines (et provoquant une inflammation cérébrale persistante).
Des chercheurs ont également révélé que les personnes atteintes de COVID long et présentant des symptômes cognitifs auraient des marqueurs immunitaires spécifiques dans leur liquide céphalo-rachidien. Ces marqueurs seraient communément liés au dysfonctionnement endothélial, signifiant un défaut dans l’intégrité de la barrière hématoencéphalique. Ces découvertes confirment que le COVID long « n’est pas un trouble psychologique ou psychosomatique (comme certains veulent le faire croire), c’est une maladie neuro-immunitaire », conclut Joanna Hellmuth, neurologue à l’Université de Californie, à San Francisco.