Les personnes autistes exploitent parfois ce que l’on appelle le « camouflage social » pour cacher ou masquer leurs différences de comportement, dans le but d’essayer de s’intégrer socialement. Les scientifiques ont auparavant estimé que ce camouflage aurait des impacts positifs sur les personnes autistes, car il découlerait d’un mécanisme d’adaptation. Cependant, de précédentes recherches ont montré que le camouflage social est effectué au prix de beaucoup d’efforts, et aurait tendance à épuiser psychologiquement les personnes autistes. Une nouvelle étude semble confirmer cette hypothèse, en suggérant que le camouflage social chez les enfants autistes est étroitement lié à des comportements d’intériorisation, habituellement observés dans l’anxiété et la dépression. Le camouflage social autistique serait également influencé par l’âge et le sexe, et entraverait le diagnostic précoce de l’autisme.
Le camouflage social englobe un ensemble de comportements, de traits de personnalité et d’attitudes qu’une personne autiste s’efforce de mettre en place dès son plus jeune âge. Il se produit alors un décalage parfois important entre l’image que cette personne projette en public et ce qu’elle ressent. Cette stratégie comportementale est adoptée plus ou moins consciemment afin de se forger une « carapace émotionnelle » pour se protéger des préjugés sociaux néfastes. Mais elle aurait un coût psychologique élevé, allant de la fatigue mentale au « burn-out autistique ». De ce fait, il est évident que ces personnes sont davantage sujettes aux risques de dépression et d’anxiété.
La nouvelle étude, menée par des chercheurs de l’Université technologique de Sydney (Australie), avait pour objectif d’évaluer le degré de camouflage social d’enfants et d’adolescents autistes. Les sondages des chercheurs concernaient 359 filles et 374 garçons diagnostiqués avec un trouble du spectre autistique, et âgés de 4 à 18 ans. Pour effectuer leurs enquêtes, les scientifiques se sont basés sur un programme d’observation autistique, évaluant la communication et l’interaction sociale, le jeu et les comportements restreints et répétitifs.
Les parents des enfants ont également participé à l’étude, le camouflage social étant estimé selon la différence entre les scores d’évaluations sociales établis par les parents et ceux établis par les médecins. Les enfants et adolescents tentant de masquer leurs comportements autistes auraient notamment moins de difficultés à s’ouvrir à leurs proches.
Les résultats de l’étude ont montré que les parents ayant des filles autistes rapportaient plus de difficultés sociales chez leurs enfants que ceux ayant des garçons autistes. Le camouflage social serait ainsi davantage prononcé chez les filles que chez les garçons autistes. Cette différence entre les sexes n’a pas été perçue par les cliniciens. L’étude, décrite dans la revue Autism Research, montre également que les enfants autistes de plus de 13 ans ont significativement plus tendance à utiliser le camouflage social que ceux moins âgés.
Par ailleurs, les scores de camouflage élevés étaient associés à des symptômes d’intériorisation plus élevés. Ces symptômes étant couramment observés chez les personnes souffrant de dépression et d’anxiété, les résultats soulignent clairement la difficulté que le camouflage social représente pour les personnes autistes. Pourtant, certains chercheurs ont auparavant associé ce camouflage à une adaptation psychologique positive pour les personnes autistes. Ils estiment qu’il s’agit d’une stratégie de survie. Or, les individus autistes adoptent ce camouflage au prix de situations stressantes et néfastes pour leur santé. De plus, cette corrélation entre le camouflage social et l’intériorisation serait indépendante de l’âge et du sexe des enfants.
Un camouflage social adopté dès le plus jeune âge
En guise d’explication pour l’adoption précoce du camouflage social chez les enfants autistes, certains chercheurs suggèrent une théorie selon laquelle les enfants se conformeraient tout simplement à ce que l’on attend d’eux. Chez la plupart des enfants (autistes ou non), en effet, le développement du cerveau s’effectue en partie par le biais des interactions sociales. Ces dernières contribuent à faire apparaître un grand nombre de comportements dès les premières années de la vie de l’enfant. Selon ces théories, les enfants se réfèrent systématiquement aux adultes qui les entourent et cherchent leur approbation dans chacun de leurs comportements. Le but étant de se faire accepter et de s’intégrer, les enfants adopteront les comportements « approuvés » par leur entourage.
À l’instar de tous les autres enfants, les enfants autistes auraient le même désir d’être approuvés et acceptés malgré les difficultés à tisser des liens sociaux. Peut-être inconsciemment, aucun parent n’accepte d’emblée les comportements autistes, presque tous veulent instinctivement les corriger. Les enfants autistes se rendent alors compte que leurs comportements ne sont pas souvent conformes à ce que l’on attend d’eux et apprennent tant bien que mal à les camoufler dès leur plus jeune âge. De ce fait, ces enfants auraient tendance à copier délibérément le langage corporel, les intérêts et les sujets de conversation préférés d’une autre personne.
L’autisme serait plus difficile à diagnostiquer chez les filles
D’après les chercheurs de la nouvelle étude, le camouflage social serait un obstacle potentiel pour le diagnostic précoce de l’autisme. Et comme mentionné précédemment, ces comportements de camouflage seraient plus prononcés chez les filles autistes que chez les garçons. Ce qui explique probablement pourquoi l’on recense plus de garçons autistes que de filles.
À noter toutefois que l’étude comporte certaines limites, y compris le fait qu’elle ne permette pas d’établir un lien de cause à effet. L’on ne peut notamment pas savoir si le camouflage social chez les individus autistes engendre des comportements d’intériorisation ou inversement. De plus, les chercheurs se seraient uniquement basés sur des données précollectées, au lieu de questionner directement les enfants.