Des chercheurs augmentent d’un milliard de pour cent la conductivité d’un matériau grâce à un nouvel état quantique

nouvel état quantique augmentation conductivité matériau
| Getty Images
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Un groupe de physiciens a découvert un nouvel état quantique au sein d’un tellurure de silicium et de manganèse (Mn3Si2Te6). Cet état particulier a permis d’augmenter d’un milliard de pour cent la conductivité électrique du matériau ! Ce nouvel état quantique pourrait conduire à un nouveau paradigme pour les dispositifs quantiques et les supraconducteurs.

Pour la plupart des matériaux, l’application d’un champ magnétique ne modifie pas leur conductivité électrique. Mais certains d’entre eux, comme le tellurure de silicium et de manganèse (Mn3Si2Te6), se démarquent du lot : en présence d’un champ magnétique, leur conductivité peut alors être considérablement augmentée — les physiciens nomment ce phénomène la « magnétorésistance colossale ». Dans ce cas, un matériau peut même passer d’un comportement d’isolant à un comportement aussi conducteur qu’un fil métallique !

Cette magnétorésistance colossale n’est pas si rare ; les matériaux qui présentent cette propriété, essentiellement des oxydes de manganèse, sont souvent utilisés dans les ordinateurs. « Elle est conventionnellement associée à une polarisation de spin induite par le champ, qui réduit considérablement la diffusion du spin et la résistance électrique. Mais le tellurure de silicium et de manganèse (Mn3Si2Te6) constituait une exception intrigante à cette règle », expliquent les chercheurs dans Nature. En effet, contrairement aux autres matériaux dotés de cette propriété, le comportement de cet alliage de manganèse, de silicium et de tellure change de manière significative en fonction de la direction du champ magnétique appliqué.

:: LE T-SHIRT QUI SOUTIENT LA SCIENCE ! ::

Une augmentation de sept ordres de grandeur

Les données expérimentales, présentées dans la revue Physical Review B en 2021, ont montré que le changement extrême de conductivité ne se produisait que lorsque le champ magnétique était appliqué perpendiculairement à la surface alvéolaire du matériau. Dans tous les autres matériaux présentant une magnétorésistance, l’angle du champ magnétique n’a aucun impact sur la force de l’effet.

structure cristalline matériau
Structure cristalline du matériau Mn3Si2Te6. © Y. Ni et al., Physical Review B (2021)

Cette spécificité du Mn3Si2Te6 a suscité un vif intérêt chez les chercheurs, qui décrivaient dans leur publication de 2021 « un type de transport électrique unique et intrigant ». « Ce phénomène défie tous les modèles théoriques existants et les précédents expérimentaux », a déclaré Itamar Kimchi, physicien théoricien, professeur adjoint à l’école de physique de Georgia Tech, et co-auteur de l’étude décrivant la découverte.

Le matériau en question se présente sous la forme de cellules octogonales disposées en nid d’abeille et empilées en feuilles. L’équipe a découvert que dans chacune de ces feuilles, les électrons peuvent se déplacer selon des trajectoires circulaires le long des bords des cellules octaédriques, d’un sommet Te à l’autre — les chercheurs parlent de « courants orbitaux chiraux ». Ce sont ces courants circulaires qui sont responsables du comportement unique de ce matériau.

En l’absence de champ magnétique, les électrons se déplacent à la fois dans le sens des aiguilles d’une montre et dans le sens inverse autour de chaque octaèdre de MnTe6. Ceci occasionne des « embouteillages », qui empêchent les électrons de se déplacer rapidement dans le matériau. De ce fait, le matériau se comporte plutôt comme un isolant. Mais si un champ magnétique (d’au moins 13 teslas) est appliqué perpendiculairement à la surface en forme de nid d’abeille, un « flux de circulation » est établi et les électrons, circulant tous dans le même sens, parcourent les boucles plus rapidement : le matériau se comporte dès lors comme un conducteur.

« Les moments orbitaux de l’axe (c) des courants orbitaux chiraux du plan (ab) se couplent aux spins ferrimagnétiques du manganèse pour augmenter considérablement la conductivité », expliquent les chercheurs — a, b et c étant les paramètres de maille du cristal. Le changement est loin d’être anodin : l’équipe rapporte une augmentation de sept ordres de grandeur de la conductivité, ce qui équivaut à une augmentation d’un milliard de pour cent !

Une transition plus lente observée via l’application de courants électriques

Les chercheurs soulignent que cette transformation d’isolant à conducteur peut également être provoquée via l’application de petits courants électriques dans le matériau. Cependant, dans ce cas, le changement ne se produit pas instantanément : il faut plusieurs secondes, voire des minutes, pour que le matériau devienne conducteur.

L’équipe pense que cette transition lente d’un état à l’autre, associée à la sensibilité du matériau aux courants, pourrait conduire à de nouvelles applications et découvertes dans le domaine des dispositifs quantiques contrôlés par le courant, tels que les ordinateurs, les capteurs et les systèmes de communication.

En attendant, Itamar Kimchi et ses collaborateurs vont pousser plus avant leurs recherches pour mieux comprendre ce nouvel état quantique et éventuellement identifier d’autres matériaux qui pourraient fonctionner de la même manière que Mn3Si2Te6.

« À l’avenir, nous espérons comprendre non seulement ce qui rend ce matériau spécial, mais aussi quels ingrédients microscopiques sont nécessaires pour que des matériaux apparentés deviennent des technologies quantiques utiles dans notre futur », a déclaré Sami Hakani, étudiant diplômé de Georgia Tech et co-auteur de l’étude.

Source : Y. Zhang et al., Nature

Laisser un commentaire
electron particule elementaire L’électron est une particule élémentaire qui, avec les protons et les neutrons, constitue les atomes. C’est donc l’un des composants principaux de la matière baryonique. À ce titre, il revêt... [...]

Lire la suite