Le PDG du cigarettier Philip Morris International (PMI) Jacek Olczak s’est entretenu samedi 4 mars dernier dans les colonnes du Financial Times pour évoquer l’engagement de son groupe contre le tabac, et pour la promotion des alternatives à la cigarette traditionnelle. Décryptage d’un positionnement paradoxal mêlant enjeux de santé et financiers.
Cela peut sembler invraisemblable mais c’est pourtant bien réel : l’industriel du tabac Philip Morris International (PMI) veut arrêter à moyen-terme la commercialisation de cigarettes pour réorienter ses activités vers les alternatives prétendument moins dangereuses pour la santé. Une politique prônée par son PDG Jacek Olczak, qui a notamment pu en livrer les détails début mars auprès du quotidien britannique Financial Times.
Ce long portrait a de quoi susciter la colère des activistes anti-tabac puisque Jacek Olczak met en avant les atouts des alternatives à la cigarette et rappelle les ravages du tabac. Une position pouvant être considérée comme paradoxale et hypocrite de la part d’un homme à la tête du numéro un mondial du secteur.
Jacek Olczak rejette tout d’abord les accusations d’opportunisme visant son groupe depuis qu’il a annoncé en 2016 son choix de basculer son modèle économique vers les alternatives à la cigarette. D’après lui, c’est par pragmatisme et par sens des affaires que PMI veut quitter la cigarette.
Baptisé « Unsmoke the world » (un monde sans fumée), le plan de PMI visant à éradiquer progressivement la cigarette est avant tout une stratégie industrielle, selon Jacek Olczak. « La réussite des alternatives à la cigarette peut être énorme parce que nous avons une base de consommateurs qui, malheureusement, ne peuvent pas résoudre leur problème (de tabagisme) seuls », explique-t-il.
Le PDG ne veut pas accentuer le trait sur les motivations éthiques de son groupe dans cette conversion. Peut-être afin d’éviter d’être taxé de cynique par les observateurs. Il indique plutôt que la stratégie sans fumée de PMI est efficace et durable. « On peut aider aux niveaux individuels et de la société, et c’est bon pour les affaires. Les alternatives à la cigarette sont beaucoup plus durables », précise Jacek Olczak.
Si on peut remettre en cause les motivations de PMI dans sa mutation, cette dernière est d’ores et déjà une réalité. En 2022, les alternatives à la cigarette représentent 36% du chiffre d’affaires de la multinationale. Les ventes sont en croissance exponentielle depuis plusieurs années. Une réussite notamment due à Iqos, le dispositif de tabac chauffé le plus commercialisé au monde.
L’industriel du tabac compte réaliser 50% de son chiffre d’affaires grâce aux alternatives au tabac d’ici deux ans, et arrêter de vendre des cigarettes dans les pays développés (notamment le Grande-Bretagne et le Japon) à l’horizon 2033.
« Il y a des personnes, encore aujourd’hui, qui disent ‘Qui peut avoir confiance en Philip Morris… parce que mon ennemi d’hier continuera à être mon ennemi demain’, mais parfois le changement vient du secteur lui-même. Est-ce que vous n’utiliserez pas d’énergie renouvelable parce qu’elles sont produites par BP ? », questionne le dirigeant polonais.
Selon Jacek Olczak, PMI a longtemps « été en déni » de sa responsabilité face aux multiples preuves scientifiques mettant en lumière la dangerosité de la cigarette. « Mais dès que vous reconnaissez qu’il y a un problème, vous commencez à libérer toutes les énergies pour trouver des solutions », poursuit-il. C’est la raison pour laquelle Philip Morris International a investi massivement dans les alternatives à la cigarette depuis 7 ans, mais aussi dans le secteur pharmaceutique et médical, d’après son PDG.