Spiranthes hachijoensis, une nouvelle espèce d’orchidée aux pétales évoquant de délicates sculptures de verre, a récemment été découverte au Japon. Longtemps confondue avec une autre orchidée du genre Spiranthes, également appelée « tresses des dames », cette magnifique espèce est en réalité bien présente sur le territoire japonais.
Le genre Spiranthes comprend environ 50 espèces d’orchidées, réparties dans les régions tropicales humides et tempérées des Amériques, d’Eurasie et d’Australie. Les fleurs, généralement petites et blanches, parfois teintées de rose, sont disposées en spirale autour d’une tige centrale, d’où le nom vernaculaire de la plante « tresses des dames ». Ces petites orchidées sont très présentes et appréciées au Japon, mentionnées dès le VIIIe siècle dans le « Manoyoshu », le plus ancien recueil de poèmes de l’archipel.
Au Japon, la flore est largement étudiée et documentée dans des archives couvrant plusieurs siècles, il est donc extrêmement rare de découvrir de nouvelles espèces. Cependant, l’identification des espèces de Spiranthes a été principalement réalisée par des analyses morphologiques. La distinction entre les espèces est entravée par la plasticité des phénotypes, les caractéristiques morphologiques convergentes et l’hybridation.
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L’identification du groupe Spiranthes sinensis, ou spiranthes chinoises, a été particulièrement difficile en raison de sa vaste répartition géographique (dans tout l’Est et le sud-est de l’Asie) et de sa grande diversité morphologique. Les variations environnementales peuvent en effet engendrer des différences morphologiques au sein d’une même espèce chez les plantes.
Pendant longtemps, on pensait que les spiranthes du Japon continental étaient constituées d’une seule espèce : Spiranthes australis. Il aura fallu plus de 10 ans d’études approfondies aux chercheurs de l’Université de Kobe (au Japon) pour déterminer précisément les caractéristiques distinguant Spiranthes hachijoensis, qui appartient au grand complexe Spiranthes sinensis.
Initialement repérée près de l’île de Hachijo — d’où son nom — par des scientifiques, cette délicate orchidée aux pétales translucides est étonnamment très connue des amateurs de jardinage. Elle est en effet très présente sur les balcons et jardins privés, ainsi que sur les pelouses et les parcs publics. « Cette recherche suggère que d’autres nouvelles espèces pourraient se cacher dans des lieux communs, éliminant ainsi le besoin de s’aventurer dans des forêts tropicales humides éloignées pour les découvrir », suggèrent les chercheurs dans un communiqué.
Comparaisons morphologiques et génétiques
Selon la nouvelle étude, publiée dans le Journal Of Plant Research, Spiranthes hachijoensis pousse souvent à proximité des Spiranthes australis — proximité qui a probablement induit les scientifiques en erreur pendant des années. Après des observations approfondies, les chercheurs de Kobe ont remarqué que le nouveau taxon fleurit environ un mois plus tôt que S. australis, entraînant peut-être un isolement reproductif entre les deux espèces. Ainsi, l’autogamie et la phénologie de floraison (floraison plus précoce) de S. hachijoensis seraient responsables de spéciation sympatrique (espèces s’épanouissant dans la même zone sans s’hybrider) des deux espèces.
D’un point de vue morphologique, S. hachijoensis se distingue par une tige florale glabre, tandis que celle de S. australis est couverte d’une fine couche duveteuse. Les chercheurs de la nouvelle étude l’ont également comparée à d’autres spécimens cueillis à travers l’archipel du Japon, Taïwan et le Laos. Les échantillons ont été récoltés en milieu sauvage, mais proviennent également de jardins domestiques. Résultats : la nouvelle espèce se distingue de S. hongkongensis et de S. nivea par son rachis, ses ovaires et ses sépales dépourvus de duvet.
Ces comparaisons morphologiques ont ensuite été appuyées par des analyses génétiques. Les résultats indiquent que, bien que les différences morphologiques avec d’autres spiranthes paraissent à première vue infimes, les analyses ADN révèlent que la nouvelle espèce présente d’importantes divergences moléculaires par rapport à ses proches « cousines ».
« Notre approche à multiples facettes soutient fortement la reconnaissance de S. hachijoensis comme une espèce morphologiquement, phénologiquement, phylogénétiquement et écologiquement distincte », concluent les chercheurs dans leur étude. Cette découverte souligne d’ailleurs la nécessité de repenser les méthodologies d’identification botanique, notamment en explorant une plus large gamme d’environnements distincts, y compris les plus communs.