GRB 221009A, le sursaut gamma le plus intense et le plus long jamais enregistré, a balayé notre système solaire en octobre 2022. Submergeant les plus puissants de nos détecteurs, il affiche un comportement plus inhabituel que prévu. Une nouvelle étude de synthèse suggère qu’il pourrait cacher un mécanisme inédit, fournissant des indices sur l’origine de ces évènements cosmiques extrêmes.
Un sursaut gamma survient lorsqu’une étoile massive à rotation rapide épuise son combustible et explose en supernova. Son noyau hyperdense s’effondre ensuite sur lui-même pour former un trou noir, généralement, en rejetant de gigantesques jets de plasma à une vitesse proche de celle de la lumière. Ces jets de plasma sont responsables de rayonnements gamma, et leur onde de choc entre en collision avec le mélange de gaz et de poussière formé par l’explosion de l’étoile.
Les astronomes estiment que les sursauts gamma sont — après le Big Bang — les évènements les plus lumineux et les plus énergétiques de l’Univers. Ils surviennent parfois juste après l’explosion initiale de l’étoile. Cependant, si ce laps de temps se compte en heures, en jours ou en semaines, reste un véritable mystère.
Les premiers sursauts gamma détectés datent des années 1960 et sont connus pour durer entre 0,01 et 10 000 secondes. Le 8 octobre 2022, la sonde spatiale Voyager 1 a détecté des signaux de particules lumineuses étonnamment intenses, avec comme origine identifiée un sursaut gamma. Sur plus de 10 000 sursauts gamma détectés depuis son lancement en 1977, GRB 221009A serait le plus lumineux jamais enregistré par la sonde. Le rayonnement intense du sursaut a balayé le système solaire pour atteindre la Terre 19 heures après sa détection par Voyager 1.
La nouvelle étude de synthèse, parue dans la revue Astrophysical Journal Letters, combine les données d’observations de GRB 221009A par les meilleurs instruments de détection et les relevés de sursauts gamma sur plusieurs décennies. Les résultats montrent notamment que le sursaut gamma GRB 221009A a duré plus de 300 secondes. Les scientifiques estiment qu’un sursaut de cette intensité et d’une aussi longue durée n’a lieu qu’une fois tous les 10 000 ans.
L’analyse combinée, dirigée par des chercheurs de Harvard, fournit peut-être des indices sur l’origine des sursauts gamma, notamment sur l’évènement survenant entre l’explosion de l’étoile mère et l’émission initiale de rayonnements gamma. « Il s’agit de l’un des ensembles de données les plus détaillés que nous ayons jamais collectés », explique dans un communiqué Yvette Cendes, experte au Centre de recherche d’astrophysique de Harvard et co-auteure de la nouvelle étude.
GRB 221009A : un comportement inhabituel
Les chercheurs ont combiné les données de différents observatoires terrestres et télescopes spatiaux tels que le Fermi-GBM et le Neil Gehrels Swift. Ils ont également utilisé les données du Submillimeter Array (SMA) de Harvard & du Smithsonian à Hawaï, leur permettant d’inclure les ondes millimétriques à l’analyse, fournissant ainsi de précieux indices sur l’origine de GRB 221009A.
« Lorsque les jets percutent le gaz entourant l’étoile mourante, ils produisent une « rémanence » de lumière brillante sur tout le spectre », explique Tanmoy Laskar, professeur adjoint de physique et d’astronomie à l’Université de l’Utah et auteur principal de la nouvelle étude. D’après l’expert, cette rémanence s’estompe rapidement et nécessite une grande réactivité pour pouvoir l’observer.
Grâce à sa réactivité de détection, le SMA a permis d’obtenir de précieux détails sur le comportement et l’évolution de cette rémanence pour GRB 221009A. Étant donnée la forte intensité lumineuse de la rémanence résultant de GRB 221009A, les chercheurs ont bénéficié de plus de 10 jours d’observations à mesure que sa luminosité s’estompait.
Après avoir analysé l’ensemble des données, les chercheurs ont constaté que les relevés millimétriques et d’ondes radio étaient beaucoup plus intenses que prévu, sur la base de la lumière visible et des rayons X. De brefs excès d’émissions d’ondes millimétriques et radio ont auparavant déjà été enregistrés dans d’autres sursauts gamma, mais les excès d’émission de GRB 221009A se comporteraient différemment.
« Il est clair que les données millimétriques et radio montrent un comportement imprévu », estime Cendes. D’après la chercheuse, le comportement et la composition du jet de plasma de GRB 221009A seraient beaucoup plus complexes que ceux observés dans d’autres sursauts gamma. Il est possible que les rayonnements visibles et X ne soient produits que par une partie du jet, tandis que ceux millimétriques et radio sont issus d’une autre partie. « Il est probable que nous ayons découvert un mécanisme complètement nouveau produisant des ondes millimétriques et radio en excès », ajoute-t-elle.
Par ailleurs, la rémanence de GRB 221009A serait si lumineuse que l’on pourrait probablement continuer à en étudier les émissions radio au cours des mois et même des années à venir. Ce laps de temps permettra peut-être de découvrir à la fois l’origine du comportement inhabituel de GRB 221009A et de fournir plus d’indices sur la naissance des sursauts gamma.