Des chercheurs de l’Université Aalto, en Finlande, ont créé un nouveau type de cristal photonique temporel capable d’amplifier les ondes électromagnétiques. Cette capacité a des applications potentielles dans diverses technologies, notamment les communications sans fil, les circuits intégrés et les lasers.
Un cristal temporel est une structure dont les atomes sont disposés périodiquement non seulement dans l’espace (comme un cristal classique), mais aussi dans le temps. Concrètement, cela signifie que les particules composant la structure peuvent se déplacer et revenir à leur état d’origine de façon périodique. Le concept a été proposé pour la première fois en 2012 par le physicien américain Frank Wilczek.
En tant que degré de liberté supplémentaire, le temps permet d’étendre considérablement le potentiel des matériaux électromagnétiques artificiels. Ainsi, quelques années plus tard, ont été théorisés les premiers cristaux photoniques temporels, des matériaux artificiels dont les propriétés électromagnétiques (telles que la permittivité ou la perméabilité) sont périodiquement et rapidement modulées dans le temps tout en restant uniformes dans l’espace. Des chercheurs sont aujourd’hui parvenus à créer de tels cristaux fonctionnant à des fréquences micro-ondes et ont montré qu’ils pouvaient amplifier la lumière.
Des cristaux temporels qui reposent sur un matériau 2D
Les cristaux photoniques classiques sont des structures périodiques de matériaux diélectriques, semi-conducteurs ou métallo-diélectriques, dans lesquelles la propagation des ondes électromagnétiques est modifiée de façon périodique ; l’indice de réfraction est « spatialement périodique ». Dans les cristaux photoniques temporels, l’indice de réfraction est périodiquement modulé dans le temps, sur des échelles de temps ultrarapides. En théorie, lorsqu’un émetteur est placé dans un tel cristal temporel, ces cristaux devraient amplifier l’émission.
En tant que véritables homologues temporels des cristaux photoniques classiques, ils peuvent imiter leur comportement. Par analogie avec les « bandes interdites de fréquence » propres à ces derniers, la modulation des cristaux photoniques temporels entraîne des « bandes interdites d’impulsion photonique », au sein desquelles l’onde électromagnétique croît de façon exponentielle dans le temps.
Jusqu’à présent, la recherche sur les cristaux photoniques temporels s’est concentrée sur les matériaux en vrac (poudres, minerais ou tout autre matériau solide et fluide), qui sont des structures tridimensionnelles. Cependant, leur synthèse et l’observation expérimentale de leur physique sont très difficiles en raison de l’exigence stricte d’une modulation uniforme des propriétés des matériaux dans les échantillons volumétriques.
Une équipe composée de chercheurs de l’Université d’Aalto, de l’Institut technologique de Karlsruhe (KIT) et de l’Université de Stanford a donc tenté une nouvelle approche : ils ont étendu le concept de cristaux photoniques temporels aux structures artificielles bidimensionnelles, appelées métasurfaces.
Dans ce cas, les cristaux s’étendent dans une dimension temporelle et seulement deux dimensions spatiales (le long desquelles la métasurface est uniforme). « Nous avons constaté que la réduction de la dimensionnalité d’une structure 3D à une structure 2D facilitait considérablement la mise en œuvre, ce qui a permis de réaliser des cristaux temporels photoniques dans la réalité », explique Xuchen Wang, chercheur au KIT et premier auteur de l’étude décrivant l’expérience.
Vers l’amélioration des technologies de communication
L’équipe a ainsi pu démontrer expérimentalement, et pour la première fois, que les cristaux photoniques temporels peuvent amplifier la lumière incidente et ce, avec un gain élevé. Ce phénomène d’amplification est dû à la disposition des photons dans le cristal. Ceux-ci suivent un schéma qui se répète dans le temps ; cela signifie qu’ils sont synchronisés et cohérents, ce qui peut conduire à des interférences constructives et donc, à l’amplification de la lumière. « Lorsque la fréquence de modulation est proche du double de la fréquence incidente, l’amplification est maximale, car l’onde est au centre de la bande interdite », précisent les chercheurs dans leur article.
Les cristaux photoniques temporels bidimensionnels ont donc de nombreuses applications potentielles. En amplifiant les ondes électromagnétiques, ils pourraient rendre les émetteurs et les récepteurs sans fil plus puissants ou plus efficaces. Un revêtement de surface conçu à partir de tels cristaux pourrait par ailleurs aider à réduire la décroissance du signal — qui reste aujourd’hui un problème majeur de la transmission sans fil.
Les chercheurs soulignent également que les cristaux photoniques temporels 2D pourraient être utilisés pour simplifier la conception des lasers. Les cavités laser nécessitent actuellement d’utiliser plusieurs miroirs, composés d’un empilement de couches aux indices de réfraction différents, dont le rôle est de diriger le faisceau vers le milieu amplificateur.
Enfin, l’équipe a constaté que ces cristaux n’amplifient pas seulement les ondes électromagnétiques qui les frappent depuis l’espace environnant, mais aussi les ondes de surface — qui se déplacent le long de l’interface entre les cristaux et leur environnement. Or, les ondes de surface sont utilisées pour la communication entre les composants électroniques dans les circuits intégrés. Lorsqu’elles se propagent, elles subissent cependant des pertes matérielles qui réduisent l’intensité du signal. En intégrant des cristaux photoniques temporels 2D dans le système, il serait possible d’amplifier l’onde de surface et ainsi, d’améliorer l’efficacité de la communication.