Chanter ou écouter de la musique pendant la grossesse a des effets bénéfiques sur le développement cognitif du bébé. Mais quels sont les mécanismes qui régissent cette plasticité neuronale ? Une nouvelle étude révèle que la musique prénatale améliore la capacité du nouveau-né à coder la parole et à acquérir plus rapidement le langage.
De nombreuses femmes chantent pour leur bébé ou écoutent de la musique pendant leur grossesse. Plusieurs recherches ont montré que les expériences auditives fœtales façonnent les préférences linguistiques et musicales des nouveau-nés. Dès les premiers instants de leur vie, ils reconnaissent la voix de leur mère et montrent une plus grande réactivité lorsque celles-ci leur répètent les berceuses chantées pendant la grossesse.
Des études ont également révélé que les stimulations auditives avant la naissance accélèrent l’apprentissage chez les nouveau-nés. « Même si nous avions montré précédemment que les fœtus peuvent apprendre des détails de langage, nous ne savions pas combien de temps ils retenaient ces informations », explique Eino Partanen, du département de recherche sur le cerveau cognitif de l’Université d’Helsinki. Les expériences auditives prénatales permettraient d’étendre sur de plus longues durées les effets de l’apprentissage précoce.
La période entre la 27e semaine de grossesse et 6 mois après la naissance est cruciale pour le développement du système auditif et nerveux de l’enfant. La nouvelle étude, décrite dans la revue Developmental Science, a expérimenté des stimulations auditives quotidiennes prénatales au cours des dernières semaines de grossesse. D’après les chercheurs de l’étude, les nouveau-nés stimulés naîtraient avec une meilleure capacité d’encodage neuronal des sons traduisant la parole.
Une meilleure plasticité neuronale
La parole correspond à l’utilisation concrète d’une langue, tandis que le langage représente la capacité à communiquer au moyen d’une langue. Les sons produits pour la parole sont d’une grande diversité et varient d’un individu à l’autre, selon l’anatomie de ses conduits et outils vocaux. Les organes entourant les conduits vocaux (lèvres, langue, joues et dents) peuvent modifier leur forme et ainsi les sons qui en résultent. « Parler, c’est comme jouer d’un instrument de musique. Pour les voyelles, les cordes vocales sont la source sonore et le conduit vocal est l’instrument », explique Antoine Serrurier, chercheur à l’université RWTH d’Aix-la-Chapelle.
Dans le cadre de la nouvelle étude, les chercheurs ont mesuré la réponse de suivi de fréquence (FFR), un potentiel évoqué auditif neurophonique indiquant la capacité de codage neuronal de la parole, chez les nouveau-nés. En effet, la réponse FFR est conditionnée par les variations sonores de la parole et du langage et peut être affectée par l’environnement fœtal et acoustique prénatal. Ainsi, les chercheurs suggèrent d’utiliser cette mesure comme un biomarqueur pour détecter et prévenir précocement le risque de trouble du langage.
La nouvelle recherche est basée sur la comparaison des enregistrements FFR de 60 nouveau-nés en bonne santé, nés à terme et âgés de 12 à 72 heures. Parmi eux, 29 ont été quotidiennement exposés à la musique quelques semaines avant leur naissance, tandis que les 31 autres ne l’ont pas été. L’exposition prénatale a été évaluée par le biais d’un questionnaire, dans lequel les mères rapportaient la fréquence à laquelle elles chantaient ou écoutaient de la musique avec des écouteurs. Les électroencéphalogrammes des bébés ont été analysés selon deux stimuli vocaux différents : le stimulus de syllabe vocale « da », couramment utilisé dans les recherches sur la FFR et les nouveau-nés, et le stimulus « oa », permettant d’analyser le codage des fréquences sonores auxquelles les bébés ont été exposés pendant la grossesse.
Les résultats ont révélé que ceux ayant été quotidiennement exposés à la musique bénéficiaient d’une amélioration dans le codage neuronal des stimuli vocaux. Plus précisément, ces nouveau-nés ont pu coder avec plus de facilité la fréquence sonore de la parole. Cette capacité leur permettrait d’acquérir plus aisément le langage. D’après les chercheurs, la musique atteint le système auditif des bébés par le biais de composants sonores rythmiques à basse fréquence, qui permettent d’acquérir une meilleure plasticité neuronale.
Toutefois, il a également été constaté que la stimulation musicale prénatale n’influait pas sur la vitesse de transmission neuronale. Néanmoins, l’étude montre que ces stimulations pourraient être utilisées pour des applications cliniques spécifiques. Des études antérieures ont d’ailleurs démontré les effets bénéfiques de la stimulation musicale dans le développement neuronal des nouveau-nés prématurés.