La plupart des découvertes archéologiques se font de manière fortuite, à l’occasion d’aménagements urbains et de constructions imposant la fouille du sol. Récemment, un ensemble culturel gallo-romain essentiel a été mis au jour par des archéologues français. La découverte pourrait éclairer sur les modes de vie de l’époque et donner un aperçu de la façon dont les populations celtiques locales ont progressivement intégré les pratiques religieuses et sociales romaines.
La Chapelle-des-Fougeretz, située en Bretagne près de la ville de Rennes, dans le nord-ouest de la France, est connue pour la richesse de ses vestiges archéologiques depuis les années 1970. Les premières fouilles n’ont été réalisées qu’au cours des années 1990. Les recherches archéologiques préventives les plus récentes ont débuté en 2022, précédant un projet d’aménagement.
Des archéologues de l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) ont alors découvert ce qui pourrait être un temple dédié au dieu romain de la guerre, Mars, datant du premier siècle de notre ère. Le temple, ou sanctuaire, fait partie d’un complexe romain s’étendant sur plus de 7 hectares, et a probablement été visité par des soldats romains postés dans la région.
Si la découverte de lieux sacrés antiques n’est pas rare, les recherches autour de cet ensemble cultuel révèlent non seulement des vestiges de bâtiments bien conservés, mais également l’organisation globale du sanctuaire et de son environnement. Elles offrent ainsi une immersion dans la vie quotidienne d’un important lieu de culte gallo-romain, mettant en lumière l’organisation architecturale et sociale d’un lieu central de la vie publique antique.
Un complexe gallo-romain imposant
Durant les huit mois de fouille, comme l’explique un communiqué de l’INRAP, le sanctuaire a fait l’objet d’une étude complète qui a permis de restituer son évolution depuis sa création au début de la période romaine jusqu’à son abandon au IVe siècle de notre ère. Cette date marque la chute de l’Empire romain d’Occident et l’émergence du christianisme en tant qu’organisation religieuse.
Le complexe se compose d’un vaste espace sacré, délimité par une galerie à colonnades de 60 mètres de côté. Cette dernière entoure deux temples, l’un plus grand que l’autre. Les abords du sanctuaire ont révélé la présence d’un édifice thermal de 120 m². Symbole d’un mode de vie à la romaine, ils étaient probablement à usage public et destinés aux fidèles du sanctuaire.
Une petite agglomération est également présente, composée de maisons construites en terre et bois qui n’ont laissé que peu de traces. De nombreux objets de la vie quotidienne, notamment des vases en céramique, y ont été retrouvés.
Les archéologues ont également découvert une petite nécropole de 40 tombes. Les squelettes étaient dissous par l’acidité des sols depuis longtemps, mais les objets déposés avec les défunts étaient encore présents, dont des vases en verre et en céramique, ainsi que des chaussures dont seules subsistent les semelles cloutées.
Certaines tombes étaient plus richement dotées avec des éléments de parure en argent (bracelets, épingles et boucles de ceinture), ainsi que des perles de verre ou un harnachement de cheval. Ces objets permettent de dater la nécropole de la fin de l’Antiquité, entre le IVe siècle et le Ve siècle de notre ère.
Ces découvertes aident à mieux comprendre comment les populations celtiques locales se sont intégrées à la religion, à l’ordre et aux pratiques sociales romaines, en particulier la tribu celtique gauloise des Riedones, habitant en Bretagne.
Un site dédié au dieu de la guerre ?
La découverte d’une statuette du dieu Mars laisse supposer que le sanctuaire était dédié à la divinité romaine de la guerre. Cette hypothèse s’est renforcée au cours de la fouille avec la mise au jour de nombreux éléments d’armements (épées, pointe de lance…) probablement déposés en dévotion par des militaires. Notons que pour les Gaulois locaux, Mars n’était pas un dieu guerrier mais une figure protectrice et bienveillante, qui fournissait des conseils et une aide importants dans les arts de la guérison et de la santé.
Plusieurs campagnes de radiographie ont ensuite été mises en œuvre, complétées par des acquisitions au moyen d’un scanner 3D (procédé de tomographie), afin de préciser la nature de certains objets ou groupes d’objets, notamment ceux fortement corrodés. La priorité a donc été donnée aux éléments provenant du lieu de culte — tels que les épées et le mobilier militaire rejetés dans le fossé du sanctuaire — et ceux de la nécropole, en privilégiant ceux issus de tombes majeures.
Des associations avec le dieu romain Jupiter ont également été trouvées sur le site, notamment un vase exceptionnel en bronze décoré de thèmes de Jupiter. Il possède une figure d’aigle et d’éclair sur les deux poignées. Une des poignées représente le visage de Cupidon entouré par deux ailes. Les deux anses sont ornées d’un aigle et de plusieurs éclairs stylisés, symboles de Jupiter.
Il est donc raisonnable de penser que dans ce grand complexe, plusieurs divinités étaient vénérées, dont Mars par le biais d’un temple spécialement consacré. En effet, le plus grand temple est habituellement dédié à une ou plusieurs divinités tutélaires, le plus petit abritant une ou plusieurs divinités secondaires. La poursuite des recherches devrait permettre de corroborer ou d’infirmer ces hypothèses.