Depuis la première détection d’ondes gravitationnelles en 2015, de multiples collisions de trous noirs ont été enregistrées par le Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory (LIGO) et les observatoires partenaires, Virgo et KAGRA. Des mises à jour récentes permettent aux détecteurs d’être encore plus sensibles. Une nouvelle campagne d’observation a été entamée ce 24 mai pour une durée de 20 mois. Elle vise à explorer les secrets les plus profonds de l’Univers.
Prédites en 1915 par Albert Einstein, dans le cadre de sa théorie générale de la relativité, les ondes gravitationnelles sont des ondulations de l’espace-temps, générées par des événements cosmiques particulièrement violents, tels que qu’une collision d’étoiles à neutrons ou une fusion de trous noirs. La première détection directe de ces ondes a eu lieu en 2015, par les interféromètres du LIGO — un projet conjoint du MIT, du Caltech et de nombreuses autres institutions. Cet observatoire se compose de deux détecteurs, l’un situé dans l’État de Washington, l’autre en Louisiane.
Ces deux dernières années, l’installation a bénéficié de nombreuses améliorations, qui rendent les détecteurs encore plus sensibles. Pour exploiter ces nouvelles capacités, une nouvelle campagne d’observation de la collaboration LIGO-Virgo-KAGRA (LVK) a démarré ce 24 mai, pour une durée de 20 mois — dont deux mois de pause pour maintenance, au cours desquels d’autres travaux seront entrepris pour améliorer encore les performances de l’instrument. Seul LIGO est actif pour le moment ; Virgo, l’observatoire situé en Italie, et KAGRA, situé au Japon, se joindront à cette campagne plus tard dans l’année, après quelques mises à jour.
Une sensibilité accrue d’environ 30%
Les premiers signaux d’ondes gravitationnelles ont été détectés en 2015, suite à la collision de deux trous noirs dont la masse était environ 30 fois supérieure à celle du Soleil (ce fut d’ailleurs la première observation d’une fusion de trous noirs binaires). L’ondulation de l’espace-temps générée par l’événement — localisé à plus d’un milliard d’années-lumière — a provoqué un infime changement de longueur (de l’ordre d’un millième de la largeur d’un proton !) au niveau du bras de quatre kilomètres de l’interféromètre.
En 2017, LIGO et Virgo ont détecté les ondes gravitationnelles liées à la fusion de deux étoiles à neutrons : l’événement a provoqué une explosion, appelée kilonova, qui a été observée par des dizaines de télescopes dans le monde. Ce fut la première fois que les ondes gravitationnelles et le rayonnement électromagnétique émanant d’une même source étaient observés simultanément.
Jusqu’à présent, la collaboration LVK a détecté plus de 80 fusions de trous noirs, deux fusions probables d’étoiles à neutrons et quelques événements qui étaient très probablement des fusions de trous noirs avec des étoiles à neutrons.
Grâce aux récentes mises à jour, les détecteurs de LIGO affichent une sensibilité accrue d’environ 30%. Cela signifie qu’ils peuvent observer une plus grande fraction de l’Univers, jusqu’à 5 milliards d’années-lumière de distance, et qu’ils sont capables de détecter des ondes gravitationnelles à un rythme encore plus élevé. Michael Landry, responsable de l’observatoire LIGO du Complexe nucléaire de Hanford dans l’État de Washington, estime que plusieurs centaines d’événements seront détectés au cours de la campagne.
Cette sensibilité accrue permettra aux scientifiques de collecter davantage de données sur les trous noirs et les étoiles à neutrons, et « augmente les chances de trouver quelque chose de nouveau », souligne Jess McIver, porte-parole adjoint de la collaboration scientifique du LIGO ; ils auront également la possibilité de mieux tester la théorie générale de la relativité, qui jusqu’à présent, n’a jamais été mise en défaut.
Déterminer l’origine des binaires de trous noirs
Les scientifiques espèrent détecter de nouvelles types de sources d’ondes gravitationnelles, notamment une étoile à neutrons isolée, explique Landry à Live Science : « Elle produirait un signal d’ondes gravitationnelles continu, présent pendant toute la durée de vie de l’expérience. Si nous le détectons, ce sera un événement considérable ».
Ils espèrent par ailleurs étayer leurs connaissances sur les systèmes binaires de trous noirs, qui demeurent l’une des plus grandes sources d’ondes gravitationnelles, mais dont l’origine reste floue. Les données collectées par les interféromètres pourraient par exemple aider à déterminer si ces systèmes sont issus de deux étoiles distinctes, nées ensemble, qui ont évolué simultanément en supernovas ou s’il s’agit de deux trous noirs isolés qui ont fini par se rapprocher l’un de l’autre.
Albert Lazzarini, directeur adjoint du laboratoire LIGO, affirme qu’un certain nombre d’événements candidats ont d’ores et déjà été repérés avant même le début officiel de la campagne. « La plupart de ces événements impliquent des systèmes binaires de trous noirs, bien que l’un d’entre eux puisse inclure une étoile à neutrons. Les taux semblent conformes aux attentes », a-t-il déclaré. Le 18 mai, LIGO a ainsi détecté ce qui pourrait être une collision entre une étoile à neutrons et un trou noir. « En supposant que le candidat est d’origine astrophysique, la probabilité que l’objet compact plus léger soit compatible avec une masse d’étoile à neutrons est > 99%», précisent les chercheurs.
Il est prévu que l’observatoire bénéficie d’autres mises à niveau d’ici la fin de la décennie, ce qui lui permettra de détecter plusieurs événements de fusion cosmique chaque jour. Et ce n’est pas tout : d’autres observatoires s’ajouteront à la collaboration LVK dans quelques années, tels que le LIGO-India, ou encore le Cosmic Explorer et le télescope Einstein. À terme, ce vaste réseau de détecteurs permettra de sonder le tissu de l’espace-temps à très haute résolution et de détecter des millions de sources par an.
« Si les détecteurs sont un facteur 10 plus sensibles, nous pourrions revenir sur les toutes premières étoiles et voir toutes les fusions de trous noirs de masse stellaire dans l’histoire de l’Univers », confirme Sheila Dwyer, scientifique à l’Observatoire de Hanford.