Une molécule synthétique ciblant le métabolisme mitochondrial a complètement rétabli les fonctions cognitives de souris chez lesquelles une forme expérimentale de maladie d’Alzheimer avait été induite au préalable. Alors que la plupart des traitements visent à éliminer les plaques amyloïdes caractérisant la maladie, ce nouveau médicament aborde une approche innovante et démontre une efficacité à la fois rare et fulgurante.
La maladie d’Alzheimer est traditionnellement associée à l’accumulation de plaques de protéines amyloïdes au niveau des neurones, selon la fameuse théorie de la « cascade amyloïde ». La littérature scientifique de ces trois dernières décennies suggère majoritairement que ces agrégats protéinés sont responsables de la perte neuronale associée à la maladie. Cependant, la théorie est actuellement remise en question, les traitements ciblant ces protéines ne démontrant que peu d’efficacité.
De nouvelles hypothèses sont suggérées, telles que le dysfonctionnement du métabolisme mitochondrial. Une étude antérieure explorant cette théorie suggère que chez les personnes souffrant d’Alzheimer, les mitochondries sont endommagées de sorte qu’elles ne peuvent plus produire suffisamment d’énergie, leur métabolisme étant dérégulé. En effet, un métabolisme mitochondrial sain maintient l’activité optimale des neurones et contribue à leur protection, notamment en minimisant les dommages liés aux réactions oxydatives. En revanche, en cas d’altération, il se produit une inflammation puis une perte synaptique et neuronale, ainsi qu’une réponse immunitaire réduite.
La nouvelle étude, décrite dans la revue Translational Neurodegeneration, vise à développer une nouvelle stratégie thérapeutique centrée sur les mitochondries. Il est important de savoir qu’à l’heure actuelle, aucune thérapie contre Alzheimer ne cible le métabolisme mitochondrial. « Nous adoptons une approche très différente des efforts que nous avons vus jusqu’à présent pour les médicaments contre Alzheimer », explique l’auteur principal de l’étude Varda Shoshan-Barmatz, chercheur à l’Université Ben Gourion à Néguev (Israël).
La nouvelle molécule conçue par les chercheurs cible une protéine servant de canal anionique voltage-dépendant-1 (VDAC1) et spécifiquement liée au dysfonctionnement mitochondrial, lorsqu’elle est surexprimée. D’après les experts, elle serait retrouvée en grande quantité près des cellules nerveuses présentant les plaques amyloïdes typiques d’Alzheimer.
Un rétablissement complet des fonctions cognitives
En tant que canal ionique, VDAC1 joue un rôle fondamental dans le métabolisme et l’homéostasie des ions calcium (Ca 2+). Lorsqu’elle est exprimée en quantités normales au niveau des mitochondries, elle se positionne en tant que point de convergence pour différents signaux de survie et de mort cellulaire. Par contre, en étant surexprimée, elle entrave l’activité mitochondriale et entraine la perte des neurones. Les chercheurs de la nouvelle étude ont découvert qu’elle est produite de manière exacerbée dans le cerveau des souris chez lesquelles une forme de maladie d’Alzheimer avait été induite.
La nouvelle molécule synthétique, appelée VBIT-4, se lie à cette protéine en inhibant son activité pro-apoptotique et empêche le dysfonctionnement mitochondrial. Sa conception est basée sur la synthèse de recherches antérieures, rassemblant un grand nombre de composés susceptibles d’interagir avec la VDAC1.
Le nouveau composé a ensuite été testé in vitro sur des neurones et in vivo sur un groupe de 30 souris modèles d’Alzheimer, sur une période de 5 mois. Parallèlement, un nombre équivalent de souris malades n’a pas reçu le médicament. Résultats : dans les cultures neuronales, la surexpression de VDAC1 et la mort cellulaire ont été inhibées avec succès.
Après différents tests au début de l’expérience, les souris traitées présentaient encore des pertes de mémoire et des capacités cognitives amoindries. Cependant, ces facultés ont été considérablement améliorées à la fin des essais, en comparaison de celles des souris n’ayant pas été traitées. Les souris traitées auraient d’ailleurs retrouvé une mémoire et une cognition équivalentes à celles des souris saines.
En examinant de plus près le cerveau des souris traitées, les scientifiques ont remarqué qu’il y avait une quantité normale de neurones, tandis que la perte était massive chez celles n’ayant pas été traitées. « La molécule a empêché la mort des cellules neuronales et donc d’autres changements associés à la maladie d’Alzheimer, notamment la neuroinflammation et les dysfonctionnements neurométaboliques », explique Varda Shoshan-Barmatz.
Fait remarquable : la molécule aurait fait preuve d’efficacité sans toutefois réduire significativement l’accumulation de plaques amyloïdes. Ces résultats soulignent le besoin de nouvelles orientations de stratégies thérapeutiques, plutôt que de se concentrer uniquement sur les plaques amyloïdes. Par ailleurs, certains des traitements visant à éliminer ces dernières ne parviennent pas à réduire suffisamment les symptômes de démence.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que les résultats des chercheurs israéliens ne sont pour l’instant observés que sur un ensemble assez réduit de modèles. Plus de recherches seront ainsi nécessaires pour véritablement confirmer l’efficacité de la molécule de synthèse. Les auteurs de l’étude sont, quant à eux, optimistes et envisagent l’application clinique d’ici une décennie.