Une nova connue sous le nom de V1674 Herculis a été découverte le 12 juin 2021. Cette explosion se distingue des autres novas du fait qu’elle a présenté, après avoir atteint son maximum, la baisse de luminosité la plus rapide jamais observée. Outre sa luminosité et son énergie exceptionnelles, une équipe d’astronomes a repéré d’étranges émissions radio provenant de cette nova, très différentes des émissions observées habituellement lors de tels événements.
Une nova désigne une étoile qui devient soudainement très brillante ; l’augmentation de sa luminosité peut être de l’ordre de 12 magnitudes. Le phénomène est temporaire : la luminosité s’estompe lentement au fil des semaines ou mois, jusqu’à ce que l’étoile retrouve son éclat initial. Toutes les novas appartiennent à un système binaire, composé d’une naine blanche en orbite autour d’une « étoile donneuse » perdant de la masse. La subite augmentation de luminosité est due au fait que la naine blanche se trouve suffisamment proche de sa compagne pour attirer sa matière.
La matière ainsi accrétée finit par tomber sur l’étoile, dont la gravité est extrêmement élevée ; le gaz capturé — essentiellement de l’hydrogène — est comprimé et chauffé à très haute température, puis finit par atteindre une température critique provoquant une fusion nucléaire (lors de laquelle l’hydrogène est converti en hélium et autres éléments). L’énergie libérée lors de la réaction expulse l’atmosphère de la naine blanche dans l’espace, ce qui produit un éclat extrêmement lumineux. Certaines novas sont dites récurrentes, car elles ont subi plusieurs allumages par fusion depuis leur découverte, avec des intervalles de l’ordre de plusieurs décennies.
Un phénomène plus complexe qu’il n’y paraît
V1674 Herculis est une nova classique, issue d’un système composé d’une naine blanche et d’une autre naine. C’est à ce jour la nova classique la plus rapide jamais observée. Pour estimer la vitesse d’évolution d’une nova, les astronomes calculent le temps nécessaire à la lumière de l’explosion pour perdre deux magnitudes par rapport à son maximum. Les novas les plus rapides prennent moins de dix jours, tandis que les événements plus lents se situent entre 80 et 150 jours. Il n’a fallu qu’1,1 jour à V1674 Herculis pour s’estomper !
De nouvelles observations de cette nova, réalisées via le Very Long Baseline Array (VLBA) de l’Observatoire national de radioastronomie des Etats-Unis, ont révélé, contre toute attente, une émission non thermique. Cette découverte remet en question notre compréhension de ces phénomènes stellaires, qui apparaissent aujourd’hui bien plus complexes que ne le pensaient les scientifiques.
« Les novas classiques ont toujours été considérées comme de simples explosions, émettant principalement de l’énergie thermique. […]. Grâce au VLBA, nous avons pu obtenir une image très détaillée de l’une des principales complications, l’émission non thermique », a déclaré Montana Williams, une étudiante diplômée de New Mexico Tech, qui dirige les recherches sur les propriétés de cette nova. Le VLBA est un réseau de radiotélescopes dédié à l’interférométrie à très longue base (VLBI). Ce réseau comprend 10 antennes de 25 mètres chacune, réparties sur tout le territoire américain.
De précédentes observations du Fermi Large Area Telescope et du Nuclear Spectroscopic Telescope Array (NuSTAR) avaient déjà suggéré l’existence d’une émission non thermique en provenance de V1674 Herculis. Williams et ses collaborateurs ont donc examiné de plus près cette nova dans le but de confirmer ou d’infirmer ces résultats. De par son évolution de luminosité ultra-rapide, la nova était un objet d’étude particulièrement intéressant. « Cette nova est devenue 10 000 fois plus lumineuse en une seule journée, avant de revenir à son état normal au bout d’une centaine de jours », précise l’astrophysicienne.
Des émissions dues aux interactions de matière stellaire ?
À savoir que les détections par interférométrie à très longue base de novas classiques avec des compagnons nains comme V1674 Herculis sont très rares. La détection de composantes radio émanant de ce type d’événement n’a été rapportée qu’une seule fois à ce jour ! Et ce n’est pas uniquement à cause de la sensibilité des instruments d’observation : il se trouve que les spécialistes ne s’attendaient pas vraiment à ce type de rayonnement. « En raison de la théorie antérieure des novas classiques, on pensait qu’elles n’étaient pas des cibles idéales pour les études VLBI. Nous savons maintenant que ce n’est pas le cas grâce aux observations à plusieurs longueurs d’onde qui indiquent un scénario plus complexe », explique Williams.
Grâce à l’amélioration des techniques, notamment la sensibilité des instruments et l’augmentation de la largeur de bande, les scientifiques espèrent aujourd’hui détecter davantage de novas par VLBI. Il s’agit notamment de déterminer ce qui pourrait être la cause de cette émission radio, afin de corriger le modèle théorique précédent en conséquence. Pour l’instant, l’équipe pense que cette énergie non thermique pourrait provenir d’amas de gaz entrant en collision avec d’autres amas de gaz. Mais d’autres pistes sont à explorer.
Par chance, l’explosion spectaculaire de V1674 Herculis n’a pas impacté le système hôte, qui est resté presque entièrement intact. Il se pourrait ainsi que cette nova soit récurrente, ce qui fournirait à Williams et ses collègues d’autres occasions d’examiner le processus.
En combinant les données du VLBA avec celles d’autres télescopes — dont le Karl G. Jansky Very Large Array situé au Nouveau-Mexique et le NuSTAR — l’équipe espère élucider tous les mystères entourant ces explosions stellaires. Mais ce n’est pas tout : l’étude du comportement de V1674 Herculis pourrait également apporter de nouveaux indices sur l’évolution des galaxies. En effet, les astronomes expliquent que le matériau que les novas projettent dans l’espace est finalement recyclé par les galaxies voisines pour nourrir la prochaine génération d’étoiles et de planètes.