En analysant des échantillons de météorites, des chercheurs ont déduit qu’au moment de sa formation, le Soleil a survécu à une explosion de supernova à proximité. Il aurait été épargné grâce à son nuage moléculaire, lui servant à la fois de cocon pour sa formation et de bouclier pour se protéger de l’onde de choc. Cette découverte met en lumière un nouveau paradigme dans notre compréhension de la formation des systèmes planétaires.
À l’instar de toutes les étoiles, le Soleil s’est formé au sein d’un nuage moléculaire de gaz et de poussières. Ce nuage se condense et se fragmente pour former des noyaux préstellaires, qui s’effondrent gravitationnellement sur eux-mêmes en donnant naissance à un embryon stellaire, ou protoétoile. Cet embryon évolue ensuite selon différentes phases d’accrétion jusqu’à atteindre sa masse finale. À ce stade, l’étoile nouvellement née est encore entourée d’un disque composé des restes du gaz moléculaire à partir duquel elle s’est formée et qui servira de disque protoplanétaire.
Ce processus de formation fait partie de la gamme de conditions permettant à notre système solaire d’abriter la vie. Mais afin de véritablement comprendre les mécanismes à l’origine de ces propriétés, il est essentiel de caractériser précisément la structure du nuage moléculaire ayant donné naissance à notre soleil. Cependant, le système solaire étant aujourd’hui âgé de 4,6 milliards d’années, les traces de son environnement de naissance se sont depuis longtemps dissipées dans l’espace.
Pour retracer les conditions régnant au sein de cet environnement primitif, les scientifiques se basent entre autres sur l’analyse des météorites. En effet, certaines météorites se sont détachées des astéroïdes qui se sont formés à partir des matériaux environnant le Soleil primitif, au cours des 100 000 premières années de sa vie. De ce fait, elles peuvent conserver des vestiges de l’environnement de naissance de notre étoile et permettent de reconstituer son évolution, ainsi que celle de son système planétaire.
Grâce à cette méthode, des chercheurs de l’observatoire astronomique national et de plusieurs universités du Japon ont découvert des traces d’une explosion de supernova proche de notre système solaire. L’équipe de recherche a notamment retrouvé différentes concentrations d’un isotope radioactif de l’aluminium dans des météorites. Ce qui suggère qu’une quantité importante de cet isotope se trouvait dans notre environnement stellaire au moment de sa formation, il y a 4,6 milliards d’années.
D’après les résultats, publiés dans la revue The Astrophysical Journal Letters, l’explication la plus probable est que cet excédent de matériau radioactif provienne d’une supernova à proximité. Heureusement, la présence de certaines conditions a permis à notre étoile de survivre (peut-être de justesse) à cette explosion, qui aurait pu lui être fatale.
Comment le Soleil a-t-il survécu à l’explosion ?
Les plus anciens composants primitifs retrouvés dans les météorites sont des condensats riches en calcium-aluminium (CAI). Ces météorites se sont formées dans le disque protoplanétaire, au cours de la première période de l’évolution du système solaire. Les analyses isotopiques de CAI de météorites collectées par les chercheurs japonais ont révélé la présence de plusieurs radionucléides à courte durée de vie (SLR), provenant probablement de la rétroaction des étoiles massives voisines. Cette rétroaction aurait été déterminante pour la suite de l’évolution du système solaire.
D’un autre côté, de récentes recherches ont également suggéré que la distribution de densité dans le nuage moléculaire donnant naissance aux étoiles a également influencé leur formation. « Pour étudier la formation et l’évolution des étoiles et de leurs systèmes planétaires, il est donc crucial de prendre en compte la structure dense, non uniforme et filamentaire du nuage moléculaire hôte », expliquent les chercheurs dans leur étude.
Ce nuage moléculaire serait notamment filamenteux et les étoiles de masse faible ou intermédiaire (telles que le Soleil) se forment le long de filaments denses. Celles de masse plus élevée se forment en revanche au niveau des points de jonction, formés par l’enchevêtrement de ces filaments. Dans ce contexte, les filaments sont des structures gazeuses cylindriques denses, tandis que les points de jonction sont des structures compactes hyperdenses, au niveau desquelles plusieurs filaments fusionnent.
Selon les chercheurs de la nouvelle étude, il faudrait environ 300 000 années à l’onde de choc d’une supernova pour briser le filament ayant abrité le Soleil au moment de sa formation. Quant aux météorites retrouvées par les scientifiques, elles se seraient détachées des astéroïdes qui se sont formés au moment où notre étoile se trouvait encore à l’intérieur de son filament hôte.
Alors que l’explosion de la supernova pourrait être suffisamment puissante pour « souffler » tout système planétaire en formation se trouvant à proximité, notre jeune étoile aurait été heureusement protégée par son nuage moléculaire (le filament), à la fois au moment de sa formation et au cours de son évolution. De ce fait, si le Soleil avait parachevé sa formation plus tôt, il aurait été très probablement emporté par l’onde de choc de l’explosion, le disque protoplanétaire étant plus diffus à ce moment.
En plus d’agir tel un tampon sur l’onde de choc de la supernova, le filament aurait aussi protégé le jeune Soleil des rayonnements à haute énergie émis par les étoiles massives l’avoisinant. Ces étoiles voisines auraient en effet pu « photo-évaporer » le disque protostellaire et affecter la masse finale du Soleil — un élément qui aurait pu impacter négativement l’apparition de la vie sur Terre.
Par ailleurs, ce filament aurait également capturé et canalisé les isotopes radioactifs issus des débris de la supernova, les amenant au niveau de l’environnement de naissance englobant le Soleil et incrustant les astéroïdes se formant autour. Les météorites retrouvées par les chercheurs de la nouvelle étude proviendraient ainsi de ces astéroïdes.