L’évolution de la calotte glaciaire du Groenland révèle un passé plus vert qu’on ne le pensait et un avenir incertain. Les recherches indiquent que même sans réchauffement supplémentaire, une fonte significative est probable. Cette situation, loin d’être locale, aurait des implications mondiales, notamment une élévation du niveau de la mer. L’urgence d’actions pour limiter le réchauffement climatique et préparer les adaptations nécessaires est tout de même soulignée.
Dans le vaste paysage de l’actualité environnementale, le Groenland occupe une place de plus en plus prépondérante. Cette immense île, principalement recouverte de glace, est devenue un indicateur clé des changements climatiques. Les scientifiques du monde entier scrutent avec inquiétude l’évolution de sa calotte glaciaire, dont la fonte pourrait avoir des conséquences dramatiques à l’échelle mondiale.
Récemment, des chercheurs de plusieurs universités et laboratoires internationaux, dont l’Université du Vermont et l’Université d’État de l’Utah (USU), ont étudié l’histoire climatique de cette région en utilisant les données du Camp Century. Ils ont découvert qu’elle a connu des périodes de fonte significatives dans le passé, notamment il y a 400 000 ans. La zone est donc extrêmement sensible. Même si le réchauffement climatique était stoppé, une grande partie de la calotte glaciaire du Groenland pourrait fondre. Elle entraînerait une élévation significative du niveau de la mer, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour les zones côtières du monde entier. Leurs travaux sont disponibles dans la revue Science.
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Un projet top secret dévoile le passé du Groenland
Les auteurs basent leurs résultats sur l’analyse de sédiments sous-glaciaires du Groenland. Ces sédiments ont été extraits d’une carotte de glace prélevée à Camp Century, une station de recherche située dans le nord-ouest du Groenland, au passé militaire extraordinaire datant de la guerre froide.
Tammy Rittenour, professeur au Département des géosciences de l’USU et co-auteur de l’étude, relate dans un communiqué : « En 1960, l’armée américaine a lancé un effort top secret appelé Project Iceworm dans le nord-ouest du Groenland pour construire un réseau de sites de lancement nucléaires mobiles sous la calotte glaciaire. Dans le cadre de ce projet, ils ont également invité des scientifiques et des ingénieurs à mener des expériences dans le cadre d’un projet de ‘couverture’ très médiatisé, connu sous le nom de Camp Century, pour étudier la compétence de travailler et de mener à bien des missions militaires sous la glace et dans des conditions de froid extrême ».
Entravés par des blizzards brutaux et des conditions de glace instable, le bunker et les tunnels souterrains ont été abandonnés en 1966. Des échantillons de sédiments prélevés au fond d’une carotte de glace de plus de 1200 mètres de long extraite du site en plusieurs parties ont été oubliés pendant des décennies, jusqu’à ce qu’ils soient récemment redécouverts.
Rittenour explique : « Nous avons très peu d’échantillons de ce qu’il y a en dessous de la calotte glaciaire du Groenland, car la plupart des missions de fourrage s’arrêtent lorsqu’elles atteignent la base de la glace. Ces sédiments redécouverts du Camp Century représentent une capsule temporelle unique et intacte des conditions passées ».
Un passé plus vert qu’on ne le pensait
Une carotte de glace, un échantillon cylindrique de glace et de sédiments prélevé dans la calotte glaciaire, permet aux scientifiques d’étudier les couches de glace et de sédiments accumulées au fil des millénaires. Chaque couche représente une année ou une période spécifique de l’histoire climatique de la région, un peu comme les anneaux d’un tronc d’arbre.
En analysant les sédiments de la carotte de glace retrouvée sur le site, les chercheurs ont pu déterminer que le nord-ouest du Groenland avait connu une période sans glace durant le Stade Isotopique Marin 11. L’île arctique était alors beaucoup plus verte. Cette découverte est d’une importance capitale, car elle remet en question notre compréhension du passé climatique du Groenland.
Tammy Rittenour souligne : « Nous avions toujours supposé que la calotte glaciaire était restée à peu près la même pendant près de 2,5 millions d’années. Mais notre enquête indique qu’elle a suffisamment fondu pour permettre la croissance de mousses, d’arbustes et d’insectes bourdonnants au cours d’une période interglaciaire appelée Marine Isotope Stage 11, il y a entre 424 000 et 374 000 ans ».
Un avenir déjà scellé ?
Le passé du Groenland, marqué par des périodes de fonte significative de la glace, pose des questions cruciales sur son avenir. Les scientifiques sont unanimes : la fonte des glaces du Groenland est non seulement en cours, mais elle pourrait également s’accélérer dans les années à venir.
Rittenour explique que la dernière fonte, il y a à peine 416 000 ans, était une période de réchauffement anormalement longue avec des niveaux modérément élevés de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Elle ajoute : « Ce qui est alarmant dans cette découverte, c’est que les niveaux de CO2 d’aujourd’hui sont 1,5 fois plus élevés. Même si les humains arrêtaient brusquement les activités qui contribuent aux émissions de gaz à effet de serre, nous aurions encore des niveaux de CO2 élevés pour des centaines, voire des milliers d’années à venir ». En d’autres termes, une grande partie de la calotte glaciaire du Groenland serait toujours vouée à fondre.
Une préoccupation mondiale
La fonte de la calotte glaciaire du Groenland n’est pas un problème isolé qui ne concerne que cette région. Au contraire, elle aurait des conséquences dramatiques à l’échelle mondiale. L’une des conséquences les plus directes et les plus préoccupantes est l’élévation du niveau de la mer qui en résulterait.
Il y a 416 000 ans, l’épisode de réchauffement a provoqué une élévation du niveau de la mer d’au moins 1,5 m autour du globe. Rittenour souligne : « Certains de nos scénarios testés suggèrent des niveaux de la mer jusqu’à 60 m plus élevés qu’aujourd’hui ».
En effet, la calotte glaciaire du Groenland est l’une des plus grandes réserves d’eau douce de la planète. Si elle devait fondre entièrement, le niveau de la mer pourrait augmenter de plus de 7 mètres. Même une fonte partielle pourrait entraîner une élévation significative du niveau de la mer, menaçant les villes côtières et les communautés insulaires du monde entier. Il est donc crucial de prendre des mesures pour limiter le réchauffement climatique et se préparer aux changements à venir.