Une particule « démoniaque » découverte dans un supraconducteur pourrait expliquer leur fonctionnement

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L’observation récente d’un « démon » dans le ruthénate de strontium (un métal noté Sr2RuO4) confirme une prédiction vieille de 67 ans. Cette découverte, au-delà de valider une théorie longtemps discutée, ouvre la voie à une meilleure compréhension des métaux multibandes. Les retombées de cette étude pourraient influencer des domaines connexes, tels que la supraconductivité.

La recherche en physique des solides dévoile régulièrement des phénomènes qui élargissent notre compréhension du monde quantique. Parmi les phénomènes étudiés depuis des décennies, les plasmons, des oscillations quantiques de densité de charge, occupent une place particulière.

Récemment, des scientifiques ont mené une étude approfondie sur un matériau particulier, le Sr2RuO4. Ils ont révélé l’existence de ces oscillations prédites il y a 67 ans, jusqu’ici jamais observées dans un métal tridimensionnel. Cette découverte, réalisée par l’Université de l’Illinois, au-delà de sa portée historique, pourrait avoir des répercussions significatives sur notre compréhension des métaux multibandes et ouvrir de nouvelles perspectives dans le domaine. L’étude est publiée dans la revue Nature.

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Les plasmons, ces « démons » insaisissables

Les plasmons ont été introduits pour la première fois en 1952. Ils désignent des oscillations collectives des électrons dans un matériau, généralement à la surface d’un conducteur. Les interactions électriques font que les électrons se combinent pour former des unités collectives. Concrètement, avec suffisamment d’énergie, ils forment les plasmons avec une nouvelle charge et une nouvelle masse.

Cependant, la masse est généralement si importante que les plasmons ne peuvent pas se former avec les énergies disponibles à température ambiante. Cependant, l’équipe de recherche a trouvé une exception : si un solide possède des électrons dans plus d’une bande d’énergie, comme cela est le cas pour de nombreux métaux, leurs plasmons respectifs peuvent se combiner dans un schéma déphasé pour former un nouveau plasmon sans masse et neutre : un démon.

Puisque les démons sont sans masse, ils peuvent se former avec n’importe quelle énergie, et peuvent donc exister à toutes les températures. Cela a conduit à spéculer qu’ils ont des effets importants sur le comportement des métaux multibandes.

La neutralité des démons signifie qu’ils ne laissent pas de signature dans les expériences standard sur la matière condensée. Peter Abbamonte, professeur de physique à l’Université de l’Illinois et co-auteur de l’étude, explique dans un communiqué : « La grande majorité des expériences sont réalisées avec de la lumière et mesurent les propriétés optiques, mais être électriquement neutre signifie que les démons n’interagissent pas avec la lumière ». Il ajoute : « Un type d’expérience complètement différent était nécessaire ».

Un métal idéal pour des expériences uniques

Le Sr2RuO4 (ruthénate de strontium) est un métal particulier qui présente une structure électronique complexe. Il est dit « multibande » lorsque plusieurs de ses bandes électroniques traversent l’énergie de Fermi. L’énergie de Fermi est l’énergie totale des électrons les plus énergétiques dans un matériau à température nulle. Le Sr2RuO4 possède trois bandes électroniques principales : α, β et γ. Ces bandes décrivent les états électroniques possibles à différents niveaux d’énergie. Cette complexité structurelle fait du Sr2RuO4 un candidat idéal pour l’observation de phénomènes quantiques uniques, comme les « démons ».

Les bandes β et γ du Sr2RuO4 sont particulièrement intéressantes, car elles présentent des vitesses et des courbures distinctes. La « vitesse » d’une bande fait référence à la vitesse à laquelle les électrons se déplacent à travers elle, tandis que la « courbure » décrit comment l’énergie de la bande change en fonction du vecteur d’onde. Ces différences rappellent la conceptualisation originale d’un « démon », car elles suggèrent la possibilité d’excitations collectives uniques dans le matériau.

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a. Surface de Fermi montrant les trois espèces d’électrons, α, β et γ. b. Illustration conceptuelle du démon dans Sr2RuO4, qui est une modulation dans les remplissages des bandes γ et β qui maintient la densité électronique globale constante. © A. A. Husain et al., 2023

De simples mesures viennent à bout du « démon »

Dans leur quête pour déceler le mystérieux « démon » dans le métal Sr2RuO4, les chercheurs ont utilisé une approche méticuleuse et innovante. Ils ont utilisé l’outil M-EELS (Microscopic Electron Energy Loss Spectroscopy), un véritable « microscope pour les énergies ». En effet, il s’agit d’une technique qui permet d’étudier les excitations électroniques dans un matériau. En d’autres termes, elle permet de voir comment les électrons interagissent et échangent de l’énergie à l’échelle microscopique.

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Un morceau de ruthénate de strontium (Sr2RuO4) monté sur une rondelle de cuivre pour la spectroscopie électronique. © Husain et al., 2023.

Les auteurs ont donc scruté les interactions électroniques au sein du métal, cherchant une signature spécifique de cette insaisissable excitation. En observant comment les électrons perdaient de l’énergie lors de leurs interactions, ils ont identifié une excitation dont la vitesse correspondait étroitement aux prédictions théoriques du « démon » de Pines d’il y a 67 ans.

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La dispersion du mode « démon » a été observée dans une certaine direction à deux températures différentes : 30 K (en bleu) et 300 K (en rouge). Ces observations sont comparées à une prédiction théorique (en gris). © A. A. Husain et al., 2023

Ils ont également vérifié si cette excitation pouvait être autre chose, comme un plasmon de surface. Mais ils ont constaté que sa vitesse était trop basse pour cela, confirmant ainsi la présence du jusqu’à présent insaisissable « démon » au cœur du Sr2RuO4.

Cette confirmation expérimentale ouvre la voie à de nouvelles études et à une meilleure compréhension des métaux multibandes. Les implications dans d’autres domaines, tels que la supraconductivité, restent à explorer.

Source : Nature

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