Découverte d’une pointe de flèche façonnée à partir d’une météorite tombée il y a 3500 ans

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La pointe de flèche en fer météorique de Mörigen. | Collection Bernisches Historisches Museum. zvg/Thomas Schüpbach
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Des chercheurs ont identifié une pointe de flèche datant de l’âge du bronze, trouvée en Suisse, forgée à partir d’une météorite. Les analyses la rapprochent de la météorite de Kaalijarv (Estonie). Cette découverte révèle l’aptitude des artisans de l’époque à utiliser des matériaux rares et soulève des questions sur les échanges commerciaux de l’âge du bronze, suggérant une interaction ancienne entre l’homme et les matériaux célestes.

L’interaction entre l’homme et son environnement a toujours été au cœur des découvertes archéologiques. Parmi elles, certains objets se distinguent par leur origine ou leur composition, offrant un aperçu unique des compétences et des ressources des civilisations anciennes.

C’est le cas d’une flèche de 2,9 g, datant de 800-900 ans avant notre ère (soit de l’âge du bronze) trouvée près du lac de Bienne en Suisse au 19e siècle. Elle fait partie des collections du Muséum d’Histoire Naturelle et a été identifiée en février 2021. Selon ces analyses récentes, elle a été forgée à partir d’une météorite. Elle offre alors un nouvel éclairage sur les compétences des artisans de l’époque et suggère une dimension cosmique dans la relation entre nos ancêtres et les matériaux qu’ils utilisaient. Les travaux sont publiés dans la revue Journal of Archaeological Science.

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Des analyses révélatrices d’un passé hors norme

Les chercheurs, soucieux de préserver l’intégrité de la flèche, ont opté pour des méthodes d’analyse non destructives afin de déterminer sa composition. Elles comprennent la microscopie optique, la microscopie électronique à balayage, la tomographie par rayons X, la fluorescence des rayons X, l’émission de rayons X induite par les muons (MIXE) et la spectrométrie gamma hautement sensible.

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Coupes tomographiques aux rayons X de la pointe de flèche de Mörigen. Les zones les plus brillantes (= les plus denses) correspondent au fer métallique. © B. A. Hofmann et al., 2023

Elles ont permis de confirmer que la flèche avait bien été forgée à partir d’une météorite, comme le souligne un communiqué du Muséum. La détection d’aluminium 26 prouve que la météorite a été exposée au rayonnement cosmique pendant une longue période dans l’espace.

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Spectre gamma de la pointe de flèche de Mörigen obtenu au laboratoire souterrain GeMSE. L’encart montre le petit, mais significatif pic de 26Al cosmogénique à 1808,7 keV. © B. A. Hofmann et al., 2023

Plus précisément, sa composition élémentaire a révélé des concentrations notables de nickel et de cobalt, des éléments typiquement présents dans les météorites ferreuses. Ces météorites sont des fragments d’astéroïdes composés principalement de fer et de nickel, et leur présence sur Terre est le résultat de collisions cosmiques.

Ce qui est particulièrement intrigant, c’est que la provenance de cette flèche ne coïncide pas avec le champ de dispersion des météorites de fer de Twannberg. Ce champ, situé non loin du lieu de découverte de la flèche, est connu pour être une zone où de nombreux fragments de météorites ferreuses ont été retrouvés.

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Le site où la pointe de flèche a été trouvée sur le lac de Bienne n’est qu’à quelques kilomètres au sud des endroits où la météorite de Twannberg et ses fragments ont été trouvés (entourés en jaune). © Image satellite Sentinel-2 du 29 mai 2023. NMBE

Avec environ 8,3% de nickel, la teneur de cet élément dans la pointe de flèche est presque deux fois plus élevée que dans la météorite de Twannberg. Une forte teneur en germanium montre également qu’il s’agit très probablement d’une météorite de type IAB.

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Teneurs en fer, cobalt et nickel de la pointe de flèche, comparées à la météorite de Twannberg. © B. A. Hofmann et al., 2023

De plus, il a pu être démontré que la concentration plutôt faible d’aluminium 26 indique que l’échantillon provient de l’intérieur d’une météorite qui avait à l’origine une masse d’au moins 2 tonnes. Il n’y a que quelques grandes météorites de fer IAB connues en Europe. Cela suggère que la matière première utilisée pour forger cette flèche pourrait provenir d’une autre source, peut-être même d’une région éloignée.

Une source plus probable : Kaalijarv

Il faut savoir que l’Europe compte plusieurs sites où des météorites sont tombées au fil des siècles. Parmi ces sites, celui de Kaalijarv en Estonie se distingue particulièrement. La météorite de Kaalijarv est associée à un événement marquant. La chute de cette météorite a produit plusieurs cratères atteignant 100 m de diamètre, témoignant de son impact significatif sur la région. Cet événement s’est produit aux alentours de 1500 ans avant notre ère, une période coïncidant avec l’âge du bronze.

La période de l’âge du bronze, qui s’étend approximativement de 2200 à 800 avant notre ère, a été marquée par des avancées technologiques majeures, notamment dans le travail des métaux. La présence de fragments de la météorite de Kaalijarv à cette époque suggère que les artisans ont pu tomber sur ces fragments lors de leurs explorations ou de leurs voyages. Ils auraient pu être attirés par les propriétés particulières de ces fragments météoritiques.

Ainsi, la découverte de la flèche en Suisse, dont la composition semble correspondre à celle de la météorite estonienne, laisse penser que les artisans de l’âge du bronze non seulement connaissaient l’existence de ces fragments célestes, mais qu’ils les valorisaient également en les intégrant dans leurs créations, témoignant de leur curiosité et de leur ingéniosité.

Des implications pour la recherche archéologique

Au-delà de l’aspect technique, cette découverte ouvre une fenêtre sur le réseau complexe d’échanges qui existait à l’âge du bronze. Le fer météoritique n’était pas un matériau courant, et son utilisation soulève la question de son origine et de son acheminement.

Comment un matériau provenant d’une météorite tombée en Estonie a-t-il pu se retrouver entre les mains d’artisans en Suisse ? Cela suggère l’existence de routes commerciales bien établies, où des biens précieux et rares étaient transportés sur de longues distances. Ces échanges ne se limitaient pas seulement aux biens, mais étaient également des vecteurs de diffusion d’idées, de techniques et de cultures.

Enfin, cette pointe de flèche en fer météoritique nous incite à nous interroger sur l’ampleur réelle de l’utilisation de tels matériaux à l’époque. Si une telle flèche a été découverte, combien d’autres objets fabriqués à partir de météorites restent-ils enfouis, attendant d’être mis au jour ?

Source : Journal of Archaeological Science

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