La compréhension traditionnelle de la gravité, façonnée par les travaux de Newton et d’Einstein, est mise à l’épreuve par de nouvelles observations. Le professeur Kyu-Hyun Chae, s’appuyant sur les données de l’observatoire spatial Gaia, a étudié les mouvements de milliers d’étoiles binaires. Ses découvertes suggèrent des comportements qui contredisent les théories gravitationnelles établies, même celle de la matière et de l’énergie noires. Si validées, ces conclusions pourraient redéfinir notre perception des forces qui structurent l’Univers.
La gravité, force fondamentale régissant les mouvements des corps célestes, a longtemps été définie par les travaux de Newton et d’Einstein. Pourtant, à l’ère des télescopes spatiaux et de la technologie avancée, nos conceptions traditionnelles sont mises à l’épreuve.
Récemment, une étude menée par le professeur Kyu-Hyun Chae de l’Université Sejong remet en question notre compréhension de la gravité. En analysant les dynamiques de 26 500 étoiles binaires larges par le biais des données de l’observatoire spatial Gaia de l’Agence spatiale européenne, Chae a mis en lumière des anomalies dans les mouvements orbitaux des étoiles. Ces anomalies suggèrent que les lois gravitationnelles de Newton et d’Einstein pourraient ne pas s’appliquer dans des conditions de faible accélération.
Ces découvertes pourraient bien redéfinir notre perception des forces qui structurent l’Univers et valider une nouvelle théorie de la gravité. Ses travaux sont publiés dans la revue The Astrophysical Journal.
Un défi aux théories établies par les étoiles binaires
Les étoiles binaires sont des paires d’étoiles qui gravitent l’une autour de l’autre. Chae a observé que lorsque ces étoiles présentent de faibles accélérations, elles révèlent un comportement intrigant : leur accélération est supérieure de 30 à 40% à ce que les modèles actuels prévoient. Plus précisément, alors que la relativité générale d’Einstein et la loi de gravité de Newton anticipent une certaine accélération pour ces étoiles, les observations montrent qu’elles se déplacent plus rapidement. Cela suggère que, dans certaines conditions de faible accélération, nos théories actuelles pourraient ne pas être complètes ou exactes.
Cependant, cette anomalie ne se manifeste pas constamment. Pour des accélérations supérieures à 10 nm/s², les étoiles binaires se comportent exactement comme le prévoient les théories de Newton et d’Einstein. Ces observations montrent donc une cohérence avec les prédictions traditionnelles à des accélérations plus élevées, mais révèlent des écarts significatifs à des accélérations plus faibles. Cette dualité soulève des questions fondamentales sur la nature de la gravité et sur la manière dont nous la comprenons.
Théorie MOND, ou l’alternative à la matière noire
Il y a quarante ans, le paysage de la physique théorique a été ébranlé par une proposition audacieuse de Mordehai Milgrom. Face aux anomalies observées dans les mouvements des galaxies, qui ne correspondaient pas aux prédictions basées sur la gravité telle que nous la comprenons, Milgrom a introduit une nouvelle perspective. Plutôt que de postuler l’existence de matière noire invisible pour expliquer ces anomalies, il a suggéré que c’était notre compréhension de la gravité elle-même qui devait être revue.
Sa théorie, baptisée dynamique newtonienne modifiée (MOND), propose que la loi de gravité de Newton, qui fonctionne bien à des échelles familières, puisse nécessiter des modifications à des accélérations extrêmement faibles, comme celles observées dans les régions extérieures des galaxies. Au lieu d’attribuer les courbes de rotation des galaxies à la présence de matière noire, MOND suggère que la gravité elle-même pourrait se comporter différemment à ces faibles accélérations.
AQUAL, une autre théorie de la gravité
Au-delà de la théorie MOND, une autre proposition a été mise en avant pour expliquer les anomalies gravitationnelles observées à faibles accélérations : la théorie AQUAL. Le nom « AQUAL » provient de « A QUAdratic Lagrangian », ce qui signifie qu’elle est basée sur une formulation mathématique spécifique de la gravité. Cette théorie a été co-développée par Mordehai Milgrom, le même physicien derrière MOND, et Jacob Bekenstein, un physicien renommé décédé en 2015.
La théorie AQUAL est une tentative pour fournir une base plus fondamentale à la dynamique newtonienne modifiée (MOND). Elle modifie la manière dont la gravité est décrite mathématiquement, en particulier à faibles accélérations. L’idée principale est que la force de gravité pourrait ne pas suivre les lois newtoniennes ou einsteiniennes standards lorsque les objets se déplacent très lentement.
Les observations de Chae sur les étoiles binaires semblent corroborer cette théorie. Les déviations qu’il a observées dans le mouvement des étoiles correspondent à ce que la théorie AQUAL prédirait. Ces analyses offrent ainsi une preuve potentielle que notre compréhension actuelle de la gravité nécessite une révision, du moins dans certaines conditions spécifiques.
Implications pour la cosmologie
Les observations de Chae, si elles sont validées par la communauté scientifique, pourraient avoir des implications profondes sur notre compréhension de l’Univers. La relativité générale d’Einstein est actuellement la pierre angulaire de notre compréhension de la gravité, décrivant comment les masses courbent l’espace-temps autour d’elles. Cependant, si les anomalies observées à faibles accélérations, comme celles décrites par MOND, sont confirmées, cela signifierait que la relativité générale n’est pas complète ou exacte dans certaines conditions.
Une telle confirmation conduirait à la nécessité d’une nouvelle théorie qui engloberait à la fois la relativité générale et les phénomènes décrits par MOND. Cette théorie étendue devrait expliquer les mouvements observés sans avoir recours à des concepts comme la matière noire ou l’énergie noire.
Actuellement, la matière noire et l’énergie noire sont des éléments essentiels de notre modèle cosmologique. Milgrom déclare dans un communiqué : « La découverte de Chae est le résultat d’une analyse très complexe de données de pointe. Mais pour une découverte d’une telle portée, — et elle est en effet de très grande portée —, nous avons besoin d’une confirmation par des analyses indépendantes, de préférence avec de meilleures données futures ».