Les astronomes ont longtemps cherché à déchiffrer les interactions entre les trous noirs supermassifs et leurs disques d’accrétion. Une étude récente a révélé des profils à double pic dans des lignes d’émission infrarouge proche d’une galaxie active, III Zw 002. Ces observations, réalisées avec le télescope Gemini North, pourraient offrir des éclairages inédits sur la structure des disques d’accrétion des trous noirs.
Les trous noirs supermassifs, au cœur de nombreuses galaxies, demeurent l’un des mystères les plus intrigants de l’univers. Alors que leur existence est largement acceptée par la communauté scientifique, la dynamique précise de leur interaction avec les disques d’accrétion environnants reste un domaine d’étude en plein essor.
Récemment, une équipe d’astronomes, menée par Denimara Dias dos Santos à l’Instituto Nacional de Pesquisas Espaciais, au Brésil, a signalé la première détection de profils à double pic dans des lignes d’émission infrarouge proche d’une galaxie active nommée III Zw 002. Cette recherche a été réalisée grâce au télescope Gemini North et pourrait éclairer certains des aspects les moins compris de ces géants cosmiques, mais aussi élargir notre perspective sur la dynamique des galaxies. Elle est publiée dans la revue The Astrophysical Journal Letters.
Une structure essentielle aux trous noirs, mais difficile à identifier
Les disques d’accrétion sont composés de gaz et de poussière agglomérés en une structure circulaire. Ces masses gravitent autour des trous noirs supermassifs, qui par leur force gravitationnelle, attirent continuellement la matière du disque vers eux. Cette matière, en tombant vers le trou noir, libère une énorme quantité d’énergie qui se manifeste à travers tout le spectre électromagnétique.
Les disques d’accrétion, bien qu’essentiels à notre compréhension des trous noirs supermassifs, posent un défi majeur en matière d’observation. Leur position, souvent à des millions voire des milliards d’années-lumière de la Terre, combinée à leur dimension réduite à l’échelle cosmique, rend leur imagerie directe extrêmement complexe avec les technologies actuelles. De plus, étant donné qu’ils sont souvent éclipsés par la luminosité écrasante des objets célestes environnants, leur détection devient encore plus ardue.
Des lignes d’émissions révélatrices
Plutôt que de tenter d’observer directement ces disques, les astronomes se sont tournés vers leurs manifestations indirectes dans le spectre électromagnétique. L’une de ces manifestations est le motif des lignes d’émission à double pic. En termes simples, lorsqu’un disque d’accrétion émet de la lumière, certains de ses rayonnements produisent des signatures spécifiques dans le spectre. Ces signatures, ou profils à double pic, sont le résultat de la rotation rapide du disque autour du trou noir, où différentes parties du disque se déplacent à des vitesses différentes par rapport à l’observateur.
La détection de ces profils à double pic est donc une indication claire de la présence d’un disque d’accrétion. De plus, en analysant la forme, la largeur et la position de ces pics, les astronomes peuvent en déduire des informations précieuses sur la structure du disque, sa vitesse de rotation, sa température et même sa composition.
En effet, ces lignes d’émission font référence à un phénomène quantique. Les atomes, en fonction de leur énergie, peuvent absorber ou émettre de la lumière à des longueurs d’onde spécifiques. Lorsqu’un atome est excité, il se trouve dans un état d’énergie supérieur. Lorsqu’il revient à un état d’énergie inférieur, il émet de la lumière à une longueur d’onde caractéristique. Ces émissions lumineuses, lorsqu’elles sont analysées, forment des « lignes » distinctes dans un spectre, permettant aux scientifiques d’identifier la présence et la nature des éléments dans une source lumineuse.
Observations dans l’infrarouge
Dans les études antérieures, ces profils à double pic étaient principalement détectés dans la plage de longueurs d’onde du spectre visible. Plus précisément, ils étaient observés dans les lignes d’émission H-alpha et H-bêta. Ces deux lignes sont des signatures spécifiques de l’hydrogène. La ligne H-alpha est produite lorsque les électrons dans les atomes d’hydrogène passent du troisième niveau d’énergie au deuxième, tandis que la ligne H-bêta résulte du passage du quatrième niveau au deuxième.
Cependant, la récente avancée a permis d’élargir cette observation au-delà de la plage visible, en explorant le domaine de l’infrarouge proche. Dans ce spectre, les chercheurs ont identifié pour la première fois des profils à double pic non ambigus. Les lignes d’émission détectées étaient la ligne Paschen-alpha et la ligne O I. La ligne Paschen-alpha est une autre signature de l’hydrogène, similaire à H-alpha et H-bêta, mais elle est produite lorsque les électrons passent du quatrième niveau d’énergie au troisième. La ligne O I, quant à elle, est une signature de l’oxygène neutre.
Implications pour de futures recherches
L’équipe a comparé ses observations avec les modèles de disques existants pour extraire des paramètres spécifiques sur le BLR et le trou noir supermassif dans III Zw 002. Le BLR, ou Broad Line Region, est la région autour du trou noir où les gaz se déplacent à des vitesses si élevées qu’ils émettent des lignes d’émission larges dans le spectre.
Ces prédictions suggèrent que le trou noir a une masse comprise entre 400 et 900 millions de fois celle du Soleil. L’équipe prévoit de continuer à surveiller III Zw 002 pour observer comment son disque d’accrétion se comporte avec le temps. La détection de ces profils à double pic dans l’infrarouge proche élargit considérablement le champ d’observation et ouvre de nouvelles perspectives pour la compréhension des disques d’accrétion et de leur interaction avec les trous noirs supermassifs.