Une nouvelle étude montre une fois de plus que les microplastiques peuvent infiltrer presque tous nos organes, y compris le cerveau. Cependant, les résultats, issus d’expériences sur des souris, montrent en plus de cela que leur ingestion induit des changements de comportement comparables à la démence et qui s’aggravant avec l’âge. Ainsi, les microplastiques pourraient potentiellement être impliqués dans la pathogenèse de maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer.
En raison de la croissance constante de sa production et de sa consommation, le plastique est devenu un problème de pollution environnementale majeur. En effet, la grande majorité des objets en plastique finissent dans les décharges ou dans l’environnement, le recyclage étant généralement plus coûteux que d’en produire à nouveau. Au contact de différents facteurs environnementaux (abrasion chimique ou physique, ultraviolet, …), ces matériaux se dégradent en microplastiques, pouvant contaminer l’air, l’eau et la nourriture. Ce qui en fait l’un des polluants les plus répandus de la planète. Il est important de noter qu’ils peuvent aussi servir d’agents liants pour les peintures, les détergents, ainsi que certains produits d’hygiène tels que le dentifrice et la crème solaire.
En étant inhalés ou ingérés, les microplastiques peuvent s’infiltrer dans presque tous nos tissus. Ils ont par exemple été retrouvés dans les voies respiratoires, les reins, le foie et même le lait maternel et le placenta. Bien que la prévalence des contaminations aux microplastiques soit bien connue, leurs réelles implications pour la santé humaine demeurent en grande partie inexplorées. « Les recherches actuelles suggèrent que ces microplastiques sont transportés dans tout l’environnement et peuvent s’accumuler dans les tissus humains. Cependant, celles sur les effets des microplastiques sur la santé, en particulier chez les mammifères, sont encore très limitées », explique dans un communiqué l’un des auteurs de l’étude, Jamie Ross, de l’Université de Rhode Island.
D’autres chercheurs ont précédemment rapporté que la présence de microplastiques dans l’organisme peut induire un stress oxydatif, altérer les réponses inflammatoires et le métabolisme énergétique. Ils peuvent également servir de vecteurs à des agents pathogènes ou à des toxines. La nouvelle étude, décrite dans l’International Journal of Molecular Science, est l’une des rares à en évaluer les effets sur la santé cérébrale. Plus intéressant encore, elle évalue la manière dont l’âge pourrait influencer les effets de la contamination aux microplastiques.
Des effets néfastes s’aggravant avec l’âge
Dans le cadre de leur expérience, Ross et ses collègues ont sélectionné 80 souris femelles âgées de 4 et 21 mois. Pendant trois semaines, les souris ont été réparties pour recevoir différentes concentrations de microplastiques (de 0 à 0,125 mg/ml) dilués dans de l’eau, qu’elles pouvaient boire à leur rythme. Cette technique a été choisie de sorte à permettre une exposition continue avec un minimum de stress, ceci afin de ne pas biaiser les résultats comportementaux. L’eau a été mélangée régulièrement afin de ne pas laisser décanter les microplastiques. La consommation de l’eau et le poids corporel des animaux ont été surveillés.
Les chercheurs ont constaté que les souris exposées aux microparticules de plastique présentaient des résultats comportementaux inhabituels. Les souris âgées et ayant ingéré des concentrations élevées de microplastiques montraient des comportements similaires à la démence chez l’Homme. Notamment, elles étaient beaucoup plus désorientées lors de tests d’orientation par rapport aux souris jeunes et ayant ingéré des doses plus faibles de microplastiques.
En évaluant l’exposition au niveau physiologique, l’équipe a constaté que les microplastiques s’accumulaient dans quasiment tous les tissus des organes incluant le foie, les reins, le tractus gastro-intestinal, le cœur, la rate, les poumons et le cerveau. D’après les chercheurs, ils étaient profondément encastrés dans le tissu des souris et sont de ce fait parvenus à franchir la barrière hématoencéphalique. Les particules étaient également présentes dans les selles et les urines des animaux.
La présence de microparticules de plastique dans le tissu cérébral peut avoir des conséquences non négligeables. Afin de corroborer cette hypothèse, les chercheurs de Rhode Island ont quantifié les taux de protéines d’acide fibrillaire gliales (GFAP) des tissus cérébraux des souris. Il s’agit d’un marqueur soutenant de nombreux processus cellulaires au niveau du cerveau, et dont la diminution caractérise certaines maladies neurodégénératives comme Alzheimer. L’expression de la protéine a significativement diminué chez les souris exposées aux microplastiques (par rapport aux témoins), quel que soit leur âge. Par ailleurs, les tissus hépatiques et cérébraux des souris exposées présentaient des altérations de certains marqueurs immunitaires. Ce groupe avait également dans le foie environ 2 fois plus de cytokines impliquées dans les réponses inflammatoires.
Les résultats de l’étude suggèrent que les microplastiques pourraient être impliqués dans la neurodégénérescence. En effet, il faut garder à l’esprit que les véritables origines des maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer font encore aujourd’hui débat. Ce qui entrave le développement de traitements adaptés. Cette nouvelle recherche fournit peut-être un indice supplémentaire dans ce sens, d’autant plus que la prévalence de la démence ne cesse d’augmenter au fil des ans. En prochaine étape, les chercheurs comptent explorer plus avant ces différentes implications, notamment en cherchant à comprendre de quelle manière les microplastiques perturbent l’homéostasie cérébrale.