Les syndromes métaboliques et la résistance à l’insuline sont considérés comme étant des facteurs potentiels de dépression. Cependant, de manière surprenante, une étude révèle que la consommation excessive de boissons gazeuses sucrées est étroitement liée aux symptômes dépressifs, quels que soient le poids et la glycémie. Cette corrélation s’expliquerait probablement par une altération du microbiote intestinal et du système de réponse au stress, ainsi qu’une inflammation chronique.
La consommation excessive de boissons gazeuses sucrées (SSCB) est liée à de nombreux troubles de santé, allant de l’obésité aux maladies cardiométaboliques. Ces effets sont engendrés par leur forte teneur en sucre, augmentant la charge glycémique et le taux de triglycérides sériques. Sur le long terme, il se produit généralement une résistance à l’insuline (IR).
Les experts en santé publique estiment que ce type de boissons a entraîné une épidémie mondiale d’obésité. Il a notamment été rapporté que 350 milliards de litres de coca-cola sont consommés chaque jour dans le monde. Dans certains pays comme la Corée du Sud, cette consommation augmente parallèlement à l’occidentalisation. « La consommation excessive de sucres ajoutés dans les boissons gazeuses n’est pas seulement un problème dans la société occidentale », estime Ju Young-Jung, coauteur de la nouvelle étude sur le sujet et chercheur à l’hôpital Kangbuk Samsung de l’Université Sungkyunkwan (Corée du Sud).
Bien que le lien de cause à effet n’est pas encore clairement établi, des preuves épidémiologiques indiquent une étroite corrélation entre les syndromes métaboliques, l’IR et la dépression. Les SSCB étant un facteur de risque majeur pour les maladies métaboliques, les chercheurs de l’Université Sungkyunkwan ont voulu explorer leur influence potentielle sur la santé mentale. Selon leur étude, publiée dans la revue Scientific Reports, ces boissons jouent un rôle majeur dans la prévalence des risques de dépression, indépendamment du statut glycémique et de l’IR. « Les boissons gazeuses non seulement font grossir, mais elles peuvent aussi causer un autre problème : la dépression. Et boire seulement une canette de soda par jour peut vous rendre déprimé », explique Young-Jung.
Un risque de dépression dès deux verres par semaine
La nouvelle analyse concerne 136 393 personnes ayant répondu à des sondages semi-quantitatifs sur l’alimentation (fréquence, taille des portions, taux de consommation de SSBC, …) ainsi que sur la santé mentale (selon l’échelle de dépression du Center of Epidemiologic Studies). Les antécédents médicaux et différents facteurs anthropométriques ont également été mesurés, notamment la consommation d’alcool et le tabagisme, la fréquence des activités physiques, l’éducation, l’indice de masse corporelle (IMC), la tension artérielle, la glycémie à jeun, etc. En excluant les candidats souffrant de maladies sous-jacentes ou ceux sous traitement médical, 87 115 participants âgés de 39,5 ans en moyenne ont été retenus. Environ un tiers (28,9 %) de ces personnes consommaient des SSBC plus d’une fois par semaine.
Après évaluation, les chercheurs ont constaté qu’à mesure que la consommation de SSBC augmente, le risque de symptômes dépressifs augmente significativement. Ce résultat a été observé même en tenant compte des variables de contrôle (glycémie, IR, IMC, …). En effet, on pourrait penser que ces symptômes peuvent être liés aux syndromes métaboliques ou à l’IR, comme le suggèrent de précédentes études. Cependant, les analyses indiquent que la forte corrélation entre la dépression et la consommation élevée de SSBC ne pouvait s’expliquer uniquement par ces facteurs. De façon étonnante, le lien a été observé même en distinguant les sous-groupes prédiabétiques et diabétiques de ceux en bonne santé. C’est-à-dire que les niveaux de dépression étaient les mêmes pour les consommateurs de SSBC, qu’ils aient une bonne santé métabolique ou non. Les chercheurs soupçonnent alors davantage une altération du microbiote intestinal et de la réponse au stress, ou une inflammation chronique.
D’un autre côté, la consommation de SSBC en Corée du Sud est encore relativement faible, avec une moyenne nationale inférieure à 100 millilitres par jour. Le groupe de l’étude ayant enregistré la consommation la plus élevée n’en buvait que 5 fois par semaine (une portion équivaut à 200 millilitres). Pour comparer, ce chiffre est bien supérieur aux 350 millilitres journaliers aux États-Unis. On pourrait alors s’attendre à ce que le lien entre ces boissons et la dépression ne soit pas clairement observé chez les Coréens. Cependant, les experts ont constaté que les symptômes dépressifs étaient toujours plus fréquents, même chez ceux qui n’en buvaient qu’une fois par semaine (par rapport à ceux qui n’en consomment pas du tout). Des recherches précédemment menées sur des Australiens semblent confirmer cette corrélation, en révélant que ceux qui consommaient plus d’un demi-litre de SSBC par jour avaient 60% plus de risques de souffrir de dépression, de troubles liés au stress et d’avoir des idées suicidaires.
Mais là encore, le lien de cause à effet n’est pas véritablement établi. Il se pourrait notamment que les personnes souffrant de dépression aient tendance à vouloir consommer plus de SSBC et vice-versa. Cependant, il faut savoir que les sodas sans sucre (édulcorés) sont eux aussi, depuis peu, associés à des effets néfastes sur le microbiote intestinal, en raison de certains de leurs composants.