Pour une planification durable et adaptée au bien-être humain, l’urbanisation doit prendre en compte un grand nombre de paramètres pouvant accaparer des milliers d’heures aux architectes. Les plans urbains conçus à l’aide d’un nouvel outil d’intelligence artificielle (IA) prendraient beaucoup moins de temps et surpassent de 50% ceux des experts humains en matière d’accessibilité aux services et aux espaces verts, ainsi que d’optimisation de la circulation — les clés d’un avenir urbain durable.
Bien que les automobiles aient considérablement amélioré la mobilité et les échanges commerciaux, elles ont engendré de nombreux impacts négatifs au niveau socio-économique et environnemental. En ville, elles ont changé la dynamique de la planification urbaine, en ouvrant la voie à des réseaux routiers tentaculaires. Ces réseaux ont exacerbé l’étalement urbain, réduisant la disponibilité en espaces verts, en terres arables et en zones tampons. Cette réduction favorise les inondations et les îlots de chaleur.
De plus, l’augmentation de l’utilisation des véhicules à moteur a rendu certaines villes irrespirables, d’épaisses couches de pollution obstruant constamment le ciel. Mis à part les conséquences climatiques évidentes, cela affecte la qualité de vie en ville, sans compter les coûts énergétiques et l’augmentation des écarts de condition sociale.
En vue de ces impacts négatifs, la planification urbaine durable devient impérative. Cela nécessite une meilleure compréhension de la répartition spatiale des installations et de la population. En effet, l’urbanisation ne cantonne pas uniquement à l’allocation de bâtiments et consiste davantage à la conception de lieux où il fait bon vivre.
Le concept récent de « ville de 15 minutes » s’aligne sur l’équilibre entre la disponibilité en infrastructures et la réduction des impacts sur l’environnement et le bien-être humain. Pour ce faire, la mobilité et la disponibilité des services sont améliorées tout en réduisant la dépendance aux véhicules (motorisés). En somme, tout ce qui est supermarché, école ou tout autre centre sont accessibles en quelques minutes de marche, tandis que les services non prioritaires sont situés à plus grande distance — le tout agrémenté d’espaces verts stratégiquement placés. Non seulement cela peut résoudre les problèmes d’espace, mais la préservation de la santé publique et de l’environnement est également optimisée.
De tels concepts sont déjà disponibles dans quelques pays, tels que Singapour. Cependant, la planification urbaine durable est extrêmement complexe et se limite pour l’instant à des espaces ou quartiers relativement réduits. D’après une nouvelle étude menée par l’Université chinoise de Tsinghua, l’IA pourrait aider les experts du domaine à concrétiser plus rapidement cette vision et à l’étendre à plus grande échelle.
Exécution des tâches chronophages en quelques secondes
Afin de surmonter la difficulté liée aux espaces géographiques irréguliers et diversifiés, la nouvelle IA a été formée sur la base d’un graphique, décrivant la topologie urbaine sous des formes arbitraires. Dans ce contexte, la planification urbaine est établie par le biais de prises de décision séquentielles, s’appuyant sur le graphique de base. Pour les conceptions sur de vastes espaces, l’IA développée est un modèle d’apprentissage par renforcement, reposant sur des réseaux de neurones artificiels.
Pour éprouver leur outil, les scientifiques l’ont chargé de concevoir des plans de zones urbaines s’étendant sur environ 3 pâtés de maisons. Après seulement 2 jours de formation, l’IA a pu établir des tracés de plans routiers et d’utilisation de sols adaptés au concept de « ville de 15 minutes » ainsi qu’aux politiques et aux besoins d’aménagement locaux. L’automatisation des étapes de planification a permis de gagner énormément de temps. Notamment, l’outil a exécuté en quelques secondes des tâches nécessitant normalement 50 à 100 minutes pour les architectes humains.
Grâce à des expériences basées sur des communautés virtuelles et réelles, il a été constaté que les plans conçus par l’IA surpassaient d’environ 50% ceux conçus par les humains. D’après l’étude, publiée dans la revue Nature Computational Science, cette mesure concerne l’accès optimisé aux services et aux espaces verts et les niveaux de circulation. En soumettant les plans à 100 experts en urbanisation, l’outil a remporté beaucoup plus de votes. Cependant, bien qu’il comporte des fonctionnalités permettant d’étendre la planification à de plus grands espaces urbains, la conception de villes entières est beaucoup plus complexe. Des îlots de 4 pâtés de maisons nécessiteraient notamment 2 fois plus de processus décisionnels.
D’un autre côté, l’IA se place uniquement en tant qu’assistant et n’est nullement destinée à remplacer les experts humains, ont précisé les chercheurs. La gestion en amont et en aval par un expert humain reste primordiale. En comparant les flux de travail humain-IA à ceux exclusivement humains, le duo a pu augmenter de 12% et 5% l’accès aux services de base et aux parcs (respectivement).
D’autre part, l’automatisation des tâches les plus chronophages permettrait à l’expert humain de se concentrer sur celles plus difficiles et davantage axées sur l’humain, telles que l’engagement du public et l’esthétique. L’évaluation communautaire est une étape indispensable pour la conception de villes durables, soutenant le bien-être de leurs résidents. Ces derniers aideront à analyser des paramètres essentiels tels que le niveau de réduction de la nuisance sonore, de la chaleur et de la pollution, ainsi que le confort apporté par les espaces verts.