Face aux défis de l’exploration lunaire, les chercheurs s’intéressent aux méthodes de fusion par laser du régolithe. Le but étant de faire fondre cette couche de poussière/sable lunaire afin de créer des infrastructures solides, offrant des surfaces optimales pour les véhicules lunaires. Cette approche pourrait aussi réduire la dépendance vis-à-vis des matériaux terrestres, facilitant ainsi les missions prolongées et minimisant les risques liés à la poussière lunaire pour les équipements et les astronautes.
La poussière lunaire, ou régolithe, avec ses particules fines et chargées, pose un défi majeur pour les missions lunaires car il risque d’endommager l’équipement et pourrait même constituer un danger pour la santé des astronautes. Les scientifiques, dans une quête pour atténuer ces risques et optimiser les missions, explorent des méthodes pour transformer ce défi en opportunité, dont le fait d’utiliser le régolithe lui-même comme matériau de construction pour les infrastructures lunaires.
C’est dans ce contexte qu’une expérimentation menée dans le cadre du projet PAVER de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a mis à l’épreuve une solution innovante : utiliser des lasers pour faire fondre le régolithe lunaire afin de créer des infrastructures solides telles que des routes et des plates-formes d’atterrissage, directement sur la Lune. Les travaux de l’équipe sont disponibles dans la revue Scientific Reports.
La technologie laser au service de la construction
Le projet PAVER implique un laser CO2, un type de laser capable de produire un faisceau hautement concentré permettant de fondre le régolithe. Dans le cadre de l’expérience, un matériau simulant le régolithe (EAC-1A) a pu être fondu dans des conditions de laboratoire. L’objectif était de créer des échantillons solides qui non seulement démontreraient la faisabilité de la construction avec du régolithe, mais aussi exploreraient les propriétés et la durabilité du matériau résultant.
Les auteurs ont expérimenté des faisceaux laser de différentes puissances et tailles (jusqu’à 12 kilowatts et 100 millimètres de diamètre respectivement) afin de créer un matériau robuste, bien qu’ils aient établi que le croisement ou le chevauchement du trajet du faisceau laser entraînait des fissures. Ils ont développé une stratégie impliquant un faisceau laser de 45 millimètres de diamètre pour produire des formes géométriques triangulaires à centre creux d’environ 250 millimètres.
L’aspect interverrouillable des pièces produites par cette méthode (comme des pavés rectangulaires) est crucial pour plusieurs raisons. D’abord, cela assure une stabilité structurelle, permettant aux pavés de s’assembler de manière cohérente et de résister aux conditions lunaires, telles que les fluctuations de température extrêmes et les impacts de micrométéorites. Ensuite, cela permet une certaine flexibilité dans la conception des infrastructures, puisque les pavés peuvent être arrangés de différentes manières pour créer diverses formes et structures.
L’implication majeure de cette méthode est la réduction potentielle des problèmes liés à la poussière lunaire, qui est non seulement un irritant pour les astronautes, mais aussi un danger pour les équipements, en raison de sa capacité à adhérer et à endommager les surfaces. En transformant le régolithe en pavés solides, la poussière est contenue et stabilisée, minimisant ainsi sa présence dans l’environnement lunaire proche.
Des routes lunaires faites de régolithe
L’augmentation des activités humaines sur la Lune, symbolisée par des initiatives telles que le programme Artemis de la NASA et les projets lunaires de la Chine, souligne un besoin impératif de développer des infrastructures robustes pour soutenir à la fois les missions à court terme et les colonies à long terme. Artemis vise non seulement à faire atterrir « la première femme et le prochain homme » sur la Lune d’ici 2025, mais aussi à établir une présence humaine durable d’ici la fin de la décennie. De même, la Chine a exprimé des ambitions de construire une station de recherche scientifique internationale dans les années 2030.
Dans ce contexte, les nouveaux pavés offrent une solution potentielle pour créer des infrastructures solides et durables. Elles pourraient être utilisées pour construire des routes, facilitant ainsi le mouvement des véhicules et des astronautes sur la surface lunaire. De plus, elles pourraient servir à établir des plates-formes d’atterrissage, offrant des zones stables et sécurisées pour que les vaisseaux spatiaux puissent atterrir et décoller.
En outre, l’utilisation du régolithe comme matériau de construction primaire réduirait considérablement le besoin de transporter des matériaux depuis la Terre. Le transport spatial est extrêmement coûteux et complexe, avec des coûts estimés à environ 10 000 dollars pour l’envoi de seulement 0,45 kg de charge utile dans l’espace.
Pour reproduire cette méthode de fabrication sur la Lune, les auteurs estiment qu’il serait possible d’utiliser une lentille d’environ 2,37 mètres carrés (pour agir comme un concentrateur de lumière solaire) à la place du laser. La taille relativement petite de l’équipement nécessaire serait un avantage pour les futures missions lunaires.
Prochaines étapes et défis à relever
Bien que les résultats soient prometteurs, des défis demeurent. Les pavés, bien que solides, étaient sujets à la rupture, liée à des défauts microscopiques identifiés lors des analyses. L’amélioration de la robustesse du matériau est donc une étape cruciale à venir. De plus, des tests supplémentaires dans des conditions similaires à celles de la Lune, notamment en matière de gravité et d’atmosphère, sont nécessaires pour valider pleinement cette technologie pour une utilisation en conditions réelles.
L’amélioration de la robustesse du matériau sera donc une priorité dans les phases ultérieures de la recherche. Cela pourrait impliquer l’ajustement des paramètres du laser, tels que la puissance et la durée d’exposition, ou l’exploration de différentes techniques de fusion et de refroidissement pour minimiser la formation de défauts dans les pavés. Les prochaines études pourraient également explorer l’ajout de matériaux de renforcement ou l’adaptation des méthodes de production pour augmenter la résistance des pavés produits.
VIDÉO : démonstration de l’utilisation du laser pour la production de pavés de régolithe. © ESA