Les scientifiques peuvent enfin expliquer pourquoi la nébuleuse du Boomerang est plus froide que le vide de l’espace.
À quelque 5000 années-lumière de la Terre, dans la constellation du Centaure, il existe une étrange et mystérieuse nébuleuse dont la température moyenne avoisine les -272.15°C, ce qui fait d’elle l’objet naturel le plus froid de l’Univers connu.
Cela fait maintenant plusieurs décennies que les scientifiques ont lutté pour expliquer comment ce nuage de gaz peut maintenir des températures plus froides que celles du fond diffus cosmologique. Mais à présent, les scientifiques ont finalement une réponse : une autre étoile a plongé dans le coeur de l’étoile mourante.
La nébuleuse de Boomerang est une nébuleuse protoplanétaire, une phase de transition dans la vie d’une étoile mourante qui se situe entre le stade de géante rouge gonflée celui de nébuleuse planétaire finale. Ce stade intermédiaire survient lorsqu’une étoile a consommé la totalité de son hydrogène et s’attaque alors à l’hélium : cela provoque la libération d’un nuage de gaz excité par le rayonnement de l’étoile.
Le Soleil finira par suivre ce processus au cours des prochains milliards d’années lorsqu’il manquera d’hydrogène (son carburant) : il se gonflera et deviendra une géante rouge, puis endurera la phase protoplanétaire intermédiaire pendant pas plus de 10’000 ans, et continuera sa transformation en une nébuleuse. Son noyau continuera à se rafraîchir et à se rétrécir jusqu’à devenir une naine blanche : une étoile stable sans combustible nucléaire. Puis, après des milliards d’années, la naine blanche perdra toute sa chaleur restante et deviendra une étoile morte, froide et noire.
Mais que se passerait-il si notre système solaire ne possédait pas un, mais deux Soleils ? Les chercheurs se sont basés sur les nouvelles informations récoltées par l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), une série de radiotélescopes situés dans le désert d’Atacama au nord du Chili, afin d’expliquer la température extrêmement froide de la nébuleuse du Boomerang.
En effet, les chercheurs suggèrent que la nébuleuse est si froide car une autre petite étoile se serait littéralement jetée au cœur de la géante rouge, ce qui a comme conséquence l’éjection de la majeure partie de la matière (une sorte de mélange de gaz et de poussière ultra-froid) de la géante rouge.
Il s’agit de la première fois que les scientifiques ont pu réaliser des calculs précis de l’âge, de la masse et de l’énergie cinétique de la nébuleuse. « Ces nouvelles données nous prouvent que la majeure partie de l’enveloppe stellaire de l’énorme étoile géante rouge a été éjectée dans l’espace à des vitesses bien supérieures que s’il s’agissait d’une géante rouge unique », explique le chercheur principal, Raghvendra Sahai, un astronome du Jet Propulsion Laboratory de la NASA.
« Le seul moyen d’éjecter autant de masse et à des vitesses si extrêmes, résulte de l’énergie gravitationnelle de deux étoiles qui interagissent, ce qui expliquerait les propriétés déroutantes de ces éjections ultra-froides », ajoute-t-il.
De plus, ce flux de matière éjectée s’agrandit 10 fois plus rapidement que pour une seule étoile, voyageant à plus de 150 kilomètres par seconde et plongeant la nébuleuse protoplanétaire à des températures de -272.15°C.
Afin de mettre cela en perspective, il faut savoir que le zéro absolu (valeur fixée à -273.15°C), est un point potentiellement inatteignable auquel tous les mouvements thermodynamiques s’arrêtent. La nébuleuse est également plus froide que le fond diffus cosmologique ainsi que l’environnement naturel de l’espace vide, qui possède une température moyenne de -270.4°C.
« Les propriétés extrêmes de la nébuleuse du Boomerang remettent en question les idées classiques sur ce type d’interactions et nous fournissent l’une des meilleures opportunités pour tester la physique des systèmes binaires qui contiennent une étoile géante », explique l’un des chercheurs, l’astronome Wouter Vlemmings de l’École polytechnique Chalmers, à l’Université de Göteborg, en Suède.
À présent, les scientifiques vont chercher des preuves supplémentaires afin de confirmer leurs suppositions. Une chose qui est certaine, est que la nébuleuse ne maintiendra pas cette température extrême pour toujours : l’équipe a constaté que la nébuleuse protoplanétaire commence à se réchauffer, et ils pensent que nous pourrions trouver d’autres objets similaires dans l’Univers.
« Nous observons cet objet remarquable à une période très spéciale et très courte de sa vie », explique un membre de l’équipe de recherche, Lars-Åke Nyman, de l’observatoire ALMA au Chili. « Il est possible que ces véritables « super-congélateurs » cosmiques soient assez communs dans l’Univers, mais ils ne peuvent maintenir des températures extrêmes que pendant un durée relativement courte », ajoute-t-il.