Les données nuancées provenant du cœur de notre galaxie ont été traduites en une symphonie musicale. Intitulée « Where Parallel Lines Converge » (« Là où les lignes parallèles convergent »), la composition s’inspire notamment d’un portrait d’une partie de cette région, capturé dans diverses longueurs d’onde par les puissants télescopes spatiaux Chandra X, Hubble et Spitzer. La prouesse permet d’interpréter ces données spatiales autrement que par le rayonnement et avec une subtile touche artistique.
Pour parvenir jusqu’à nos oreilles, les vibrations sonores se propagent à travers les atomes flottant dans l’air qui nous entoure. C’est-à-dire que les ondes sonores ont besoin de supports physiques pour se propager. Étant donné que l’espace est en grande partie composé de vide, les ondes sonores ne peuvent s’y déplacer librement. Même si le centre de notre galaxie émettait de puissantes ondes sonores, il n’y a pas suffisamment d’atomes environnants pour les transporter jusqu’à nous.
Lancé en 2020, le projet de « sonification » de données « The Universe of Sound » du centre radiographique Chandra X-ray de la NASA, vise à contourner cet obstacle. Il consiste notamment à traduire les données numériques capturées par les télescopes en notes et en sons. Cela permet aux auditeurs d’apprécier l’immensité de l’Univers autrement que par le biais des images. Alors que plusieurs sonifications astronomiques ont été depuis proposées, le projet franchit un nouveau cap en abordant les données d’une manière différente.
En collaboration avec la compositrice Sophie Kastner, l’équipe a interprété les données numériques sous la forme d’une véritable symphonie musicale, pouvant être interprétée par tous les musiciens. « C’est comme écrire une histoire fictive largement basée sur des faits réels », explique-t-elle dans un communiqué. « Nous récupérons les données de l’espace qui ont été traduites en son et y apportons une touche nouvelle et humaine », ajoute-t-elle. Pour être clair, il ne s’agit de pas de sons provenant littéralement de l’espace, mais d’interprétations de données visuelles en notes sonores.
Une symphonie harmonieuse et agréable à écouter
La nouvelle composition s’inspire d’une image composite issue de 627 heures d’observations d’une petite région de notre centre galactique, s’étendant sur environ 400 années-lumière. Capturée dans les longueurs d’onde X, infrarouge et optique, elle représente des tourbillons et des stries poussiéreuses aléatoires, des bulles de gaz brillantes, des millions d’étoiles rougeoyantes, ainsi que Sagittarius A* — la radiosource associée au trou noir supermassif au centre de notre galaxie.
Plutôt que d’essayer d’interpréter cette image dans son intégralité, la compositrice a abordé une nouvelle approche en se concentrant sur trois principaux éléments clés, ainsi que sur des détails plus subtils qui auraient pu échapper aux observateurs non professionnels. « Je voulais attirer l’attention de l’auditeur sur des événements plus petits au sein d’un plus grand ensemble de données », explique-t-elle. Le premier élément principal est un système d’étoile binaire révélé dans la longueur d’onde X et représenté par l’orbe bleu vif à gauche de l’image. Le second est le regroupement filandreux en forme d’arc au milieu de l’image et le troisième est Sagittarius A*, le halo brillant en bas à droite.
Dans les sonifications précédentes, des algorithmes étaient utilisés pour convertir les données numériques en sons. Cependant, cette nouvelle interprétation a bénéficié d’une touche artistique, offrant ainsi une symphonie beaucoup plus harmonieuse et agréable à écouter. « J’aime penser à cela comme à la création de courtes vignettes de données, et à l’approcher presque comme si j’écrivais une musique de film pour l’image », a déclaré Kastner.
La symphonie est divisée en plusieurs parties : la lumière des objets situés en haut de l’image correspond aux sonorités plus élevées, tandis que l’intensité de cette lumière en contrôle le volume. Les étoiles et autres sources compactes sont converties en notes individuelles, tandis que les étendues de gaz et de poussière produisent une sonorité qui se diffuse et évolue. L’ensemble atteint son crescendo à Sagittarius A*, la région la plus brillante sur l’image.
Le premier concerto dédié à la composition a été donné par des musiciens jouant du piano, du violon, du violoncelle, des percussions, de la clarinette et de la flûte. À la fin de la musique, les interprètes sont restés immobiles dans leur position de jeu, comme si le temps s’était soudainement arrêté. À l’écoute, le résultat est spectaculaire et donne un véritable sentiment d’émerveillement. Pour les musiciens qui voudraient interpréter la composition, une partition complète et celles pour les instruments individuels sont disponibles sur le site de Chandra. En outre, Kastner projette prochainement d’étendre sa technique à d’autres collections de la base de données Chandra X-ray.
Vidéo d’interprétation de « Where Parallel Lines Converge » :