La récente découverte d’un système de six exoplanètes en synchronisation presque parfaite autour d’une même étoile pourrait révéler des dynamiques planétaires jusqu’ici inconnues. Cette configuration, stable depuis plus d’un milliard d’années, défie les perturbations courantes observées dans de tels systèmes, permettant potentiellement aux scientifiques d’en savoir plus sur des processus clés peu étudiés jusqu’ici, impliqués dans la formation des planètes.
Dans l’Univers, chaque étoile est potentiellement un soleil pour d’autres mondes. La découverte récente d’un système de six exoplanètes autour de l’étoile HD 110067 pourrait occuper les astronomes spécialisés en exoplanètes durant de longues années. En effet, les chercheurs ont mis en lumière un rare phénomène de résonance orbitale. Les observations, décrites dans la revue Nature, sont issues d’une collaboration internationale impliquant les satellites TESS de la NASA et Cheops de l’ESA.
Une résonance orbitale inattendue
Le satellite TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) de la NASA, conçu pour scruter les étoiles et détecter les exoplanètes, a joué un rôle clé dans la découverte du système planétaire autour de HD 110067. En observant cette étoile, TESS a enregistré des diminutions périodiques de sa luminosité, un indice classique de la présence de planètes passant devant leur étoile hôte. Ces baisses de luminosité, appelées « transits », ont permis d’identifier initialement deux planètes potentielles orbitant autour de HD 110067. Cependant, la nature exacte et la configuration complète du système restaient encore à déterminer.
C’est ici que le satellite Cheops (CHaracterising ExOPlanet Satellite) de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) entre en scène. Cheops, spécialisé dans l’étude détaillée des exoplanètes déjà connues, a permis de confirmer l’existence d’une troisième planète dans le système de HD 110067. Plus important encore, Cheops a révélé que ces trois planètes étaient en résonance orbitale, un phénomène où les planètes exercent une influence gravitationnelle régulière et prévisible les unes sur les autres, se traduisant par des rapports précis entre leurs périodes orbitales. Cette découverte a été un tournant, car comprendre la résonance orbitale des trois planètes a permis aux scientifiques de prédire l’existence et les orbites des trois autres planètes du système.
Hannah Osborne, co-auteure de l’étude, explique dans un communiqué : « Ce qui est vraiment étonnant dans cette découverte, c’est le processus utilisé pour trouver ces six planètes. Initialement, deux candidats ont été trouvés avec TESS, puis des observations ciblées avec Cheops ont révélé une troisième planète et confirmé les deux premières (bien qu’à des périodes orbitales différentes de celles initialement prévues) ». Elle ajoute : « Mais certaines des signatures de transit n’étaient toujours pas prises en compte, donc en analysant le rapport de périodes des planètes déjà trouvées, il a été possible de prédire que trois autres planètes doivent exister dans le système afin de prendre en compte les signaux supplémentaires ».
Un ballet cosmique
Le système planétaire de HD 110067 se distingue par une caractéristique remarquable : les six planètes, toutes classées comme « sous-Neptunes » (sub-Neptunes) principalement en raison de leur taille inférieure à celle de Neptune (et d’une masse similaire ou supérieure), sont en résonance orbitale. Cette résonance se manifeste, comme déjà mentionné, par des rapports précis entre les périodes orbitales des planètes.
Les quatre planètes les plus proches de leur étoile suivent une résonance de 3:2, ce qui signifie que pour chaque trois orbites complétées par une planète, la planète suivante en complète deux. Cette synchronisation crée un motif rythmique et prévisible dans leurs mouvements. Plus loin de l’étoile, les deux planètes restantes sont en résonance 4:3, une autre coordination harmonieuse des orbites. Cette configuration, où les périodes orbitales des planètes maintiennent des rapports entiers simples, est extrêmement rare et témoigne d’une interaction gravitationnelle complexe et délicate entre les corps célestes.
Ce qui rend le système de HD 110067 encore plus remarquable est sa stabilité exceptionnelle à travers le temps. Les données suggèrent que ce système est resté inchangé pendant plus d’un milliard d’années. Cette durée est significative, car dans l’univers, qui se veut chaotique, les systèmes planétaires sont souvent sujets à des perturbations majeures qui peuvent altérer leur configuration.
Des événements comme les collisions planétaires, les interactions gravitationnelles avec d’autres corps massifs, ou même les effets de géantes gazeuses proches peuvent perturber l’équilibre délicat d’un système. Cependant, HD 110067 a échappé à de telles perturbations, conservant sa structure originelle.
En effet, Osborne souligne : « Le système lui-même est une découverte clé pour la science des exoplanètes : comme les six planètes sont dans une chaîne de résonance, nous savons que l’architecture du système n’a pas pu beaucoup changer depuis sa formation. En étudiant HD 110067, nous obtenons une rare fenêtre sur le passé pour comprendre comment ces types de systèmes ont pu se former et évoluer ».
Le Dr R. Luque, co-auteur de l’étude, ajoute : « Nous pensons que seulement 1% environ de tous les systèmes restent en résonance. [Cette étude] nous montre la configuration originelle d’un système planétaire qui a survécu intacte ».
Que réserve l’avenir ?
Il est important de préciser que HD 110067, remarquable par sa luminosité, est l’étoile la plus brillante connue avec plus de quatre planètes. Cette particularité la rend idéale pour l’observation par des télescopes spatiaux avancés comme James Webb de la NASA.
Ce dernier pourra examiner minutieusement les atmosphères des exoplanètes de HD 110067, révélant des détails sur leur composition chimique et leur température, et potentiellement des biomarqueurs. L’analyse de la lumière traversant les atmosphères pourrait aussi apporter des informations sur la structure interne et l’histoire géologique des planètes, enrichissant notre compréhension de HD 110067 et d’autres systèmes exoplanétaires.
Source : Nature
VIDÉO : la résonance orbitale des 6 exoplanètes récemment découvertes. © University of Bern