Les observations récentes remettent en question le modèle standard de la cosmologie ΛCDM (« lambda – matière noire froide ») par la mise en évidence d’écarts entre les prédictions et lesdites observations, notamment pour la vitesse d’expansion de l’univers et le mouvement des galaxies. Ces anomalies suggèrent que des forces ou des phénomènes inconnus influencent l’univers. Récemment, des chercheurs de l’Université de St Andrew ont proposé une nouvelle hypothèse pour les expliquer : nous pourrions nous situer dans un « vide cosmique géant », plus précisément dans une zone de densité inférieure à la moyenne de l’ordre de 20%.
En cosmologie, les scientifiques font face à un défi majeur de longue date : la divergence des mesures de la constante de Hubble. Ce paramètre essentiel, qui définit la vitesse d’expansion de l’univers, présente des valeurs contradictoires selon les méthodes d’observation utilisées. Cette situation, connue sous le nom de « tension de Hubble », remet en question les fondements de notre compréhension actuelle de l’univers et ouvre la porte à de nouvelles hypothèses et théories.
Récemment, des chercheurs de l’Université de St Andrew ont proposé une nouvelle hypothèse : nous pourrions nous situer dans un « vide cosmique géant », plus précisément dans une zone de densité inférieure à la moyenne de 20%. Leurs travaux sont publiés dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
La tension de Hubble et le vide KBC : un défi pour le modèle standard
La « tension de Hubble » est donc un terme utilisé pour décrire l’écart observé entre les mesures de l’expansion de l’univers et les prédictions du modèle ΛCDM (Lambda Cold Dark Matter). Ce modèle intègre la constante cosmologique Λ, représentant l’énergie noire et la matière noire, pour expliquer l’expansion et la structure de l’univers. Selon ce modèle, la vitesse à laquelle les galaxies s’éloignent les unes des autres devrait être en accélération constante.
Or, une étude récente basée sur les données du catalogue CosmicFlows-4, qui recense les vitesses et positions de milliers de galaxies, montre que ces dernières se déplacent à des vitesses 10% plus élevées que celles prédites par le modèle ΛCDM. De plus, le vide Keenan–Barger–Cowie (KBC) ajoute une couche supplémentaire à ce mystère. Il s’agit d’une immense région de l’univers où la densité de galaxies est nettement inférieure à la moyenne.
S’étendant sur environ 300 mégaparsecs (Mpc) — un mégaparsec équivalant à environ 3,26 millions d’années-lumière — ce vide représente une anomalie significative par rapport aux prédictions du modèle ΛCDM. Selon ce dernier, la matière dans l’univers devrait être répartie de manière relativement uniforme à grande échelle, mais la présence du vide KBC suggère que ce n’est pas le cas. Ces incohérences majeures remettent en question la compréhension actuelle de la dynamique de l’univers.
Flux de vitesse et modèle de vide semi-analytique
Le modèle de vide semi-analytique développé par Moritz Haslbauer et ses collègues de l’Université de St Andrews, et expliqué dans un article de The Conversation, propose une approche innovante pour expliquer les vitesses élevées des galaxies observées et la tension de Hubble.
Ce modèle s’écarte du cadre traditionnel de ΛCDM en suggérant que nous vivons dans une sorte de « vide », une région de l’univers où la densité de matière est inférieure à la moyenne cosmique de l’ordre de 20%. Dans ce contexte, les galaxies situées à proximité de ce vide se déplaceraient plus rapidement en raison des différences de densité de matière et des forces gravitationnelles qui en résultent.
Ce modèle semi-analytique prédit que les flux de vitesse des galaxies, c’est-à-dire la vitesse à laquelle elles se déplacent en groupe à travers l’univers, seraient naturellement plus élevés dans et autour de ce vide. Cette prédiction s’aligne remarquablement bien avec les observations récentes de vitesses anormalement élevées dans le catalogue CosmicFlows-4, et offre une explication cohérente pour la tension de Hubble et l’existence du vide KBC.
Implications pour les modèles standards et la recherche cosmologique
Pour vérifier leur hypothèse de vide spatiale, les auteurs ont incorporé dans leur modèle la théorie Modified Newtonian Dynamics (MOND). Contrairement au modèle ΛCDM, MOND ne repose pas sur l’existence de la matière noire pour expliquer les vitesses de rotation des galaxies. Elle suggère plutôt que les lois de la gravité de Newton pourraient ne pas s’appliquer uniformément, en particulier dans les régions où la force gravitationnelle est faible, comme à la périphérie des galaxies.
Dans ce cadre, MOND postule que les anomalies observées dans les vitesses de rotation des galaxies pourraient être expliquées par une modification des lois de la gravité plutôt que par la présence de matière noire. Bien que l’expansion globale de l’univers dans MOND soit similaire à celle prédite par le modèle standard, la formation des structures, telles que les amas de galaxies, se ferait à un rythme plus rapide.
En adoptant cette perspective, il devient possible d’expliquer les variations locales dans le taux d’expansion de l’univers en fonction de la position de l’observateur. Cela est particulièrement pertinent lorsqu’on considère le « flux massif » des galaxies, une mesure de la vitesse moyenne de la matière dans une sphère donnée. Les observations récentes indiquent que ce flux massif est bien plus important que ce que le modèle standard prévoit, surtout à des échelles atteignant un milliard d’années-lumière.
Pour les auteurs, l’adéquation entre les prédictions de MOND et les observations récentes du flux massif des galaxies est frappante. Elle confirme leur hypothèse selon laquelle nous pourrions vivre près du centre d’un grand vide cosmique, où la densité de la matière est plus faible.
Par ailleurs, ces découvertes soulèvent des questions cruciales concernant la théorie de la gravité et la théorie de la relativité générale d’Einstein. En particulier à des échelles supérieures à un million d’années-lumière, où les effets de la gravité sont immenses et complexes, les modèles actuels pourraient ne pas saisir pleinement les dynamiques à l’œuvre. Cette remise en question des fondements de la théorie de la gravité pourrait conduire à une nouvelle ère dans la recherche cosmologique. Ces avancées pourraient non seulement résoudre les tensions actuelles dans les modèles cosmologiques, mais aussi nous fournir une compréhension plus profonde et plus précise de l’univers dans son ensemble.