Des ours errant dans un état second ont été aperçus dans la région d’Amour, en Sibérie. Cet étrange comportement serait dû à une perturbation de leur cycle d’hibernation provoquée par un hiver anormalement chaud. Alors que l’hibernation aurait dû débuter il y a environ un mois, ils se promènent à moitié endormis hors de leurs tanières, leur métabolisme ayant déjà enclenché la transition en prévision de l’hiver.
L’hibernation est une stratégie d’adaptation évolutive aidant à survivre aux conditions environnementales rigoureuses, notamment à l’hiver lorsque les températures chutent et les ressources diminuent. Afin d’économiser de l’énergie au cours de la période de jeûne prolongé hivernal, les animaux qui hibernent accumulent des réserves de graisse en automne et les consomment ensuite très lentement en ralentissant leurs cycles métaboliques. Cela se traduit notamment par une inactivité physique, une réduction du rythme cardiaque et respiratoire et de la température corporelle. Dans ce contexte, l’hibernation des ours représente un phénotype extrême pouvant durer entre 6 et 7 mois. Une période au cours de laquelle les animaux restent inactifs, ne mangent et ne boivent pas, ne défèquent et n’urinent pas.
Cependant, les cycles d’hibernation peuvent être perturbés par différents facteurs tels que les changements de température. Les ours de la région d’Amour, à la frontière entre l’Extrême-Orient russe et la Chine, semblent subir de plein fouet les conséquences des conditions météorologiques extrêmes récemment enregistrées dans cette région. Les mois d’octobre et novembre y auraient notamment été anormalement chauds, ce qui semble avoir perturbé l’hibernation des ursidés. Selon une annonce du département de la protection de la faune de la région, des ours à moitié endormis se promènent encore hors de leurs tanières et auraient été aperçus errant dans un état second, un mois après leur habituel début d’hibernation.
Arborez un message climatique percutant 🌍
Un phénomène affectant surtout les mâles
Des études ont montré que lorsque les températures hivernales sont plus élevées que la normale et que les hivers sont plus courts, la période d’hibernation des ours est raccourcie. Pour ces animaux, la fluctuation des températures pourrait notamment être un signe trompeur que l’hiver n’a pas encore débuté et que des ressources sont encore disponibles. Les zoologistes estiment que les tanières détrempées à cause de la fonte de la neige pourraient aussi empêcher les ours d’hiberner.
Il est intéressant de noter que les perturbations observées chez les ours de la région d’Amour concernent surtout les mâles, tandis que les femelles accompagnées de leurs oursons ont commencé à hiberner selon le timing habituel. Cela pourrait probablement s’expliquer par le fait que les oursons sont moins sensibles à la chaleur, en raison de leur petite taille leur permettant d’évacuer la chaleur plus rapidement. Toutefois, cela signifie également que leur métabolisme est accéléré en comparaison de celui des adultes et qu’ils seraient ainsi plus vulnérables aux perturbations des cycles d’hibernation. De ce fait, il est impératif pour eux de minimiser les dépenses énergétiques et de se conformer aux périodes d’hibernation habituelles.
Les ours mâles adultes quant à eux peuvent continuer à maintenir une activité diurne au cours des premiers mois d’hiver, en augmentant leur métabolisme lorsqu’ils sont en mouvement et en le ralentissant lorsqu’ils se reposent. Ceux de la région d’Amour sont « à moitié endormis » probablement parce qu’ils ont déjà enclenché une transition physiologique vers l’hibernation. En d’autres termes, ils continuent à être actifs tout en ayant un métabolisme ralenti.
En revanche, les ours vivant au niveau des régions où les températures hivernales sont douces et les ressources toujours disponibles, n’hibernent que très peu voire pas du tout, comme ceux des zones côtières de l’Alaska. L’agriculture et l’urbanisation pourraient aussi influencer le cycle d’hibernation des ours. Des recherches ont montré que ceux vivant à proximité des villes ou des villages et qui ont accès aux poubelles, auraient tendance à se caler sur des périodes d’hibernation plus courtes. Ces spécimens ne constitueraient d’ailleurs pas de réserves de graisse en prévision de l’hiver.
La perturbation de l’hibernation des ours pourrait entraîner des relations conflictuelles avec les humains. Ces conflits sont particulièrement fréquents au niveau des corridors reliant les zones urbaines aux zones sauvages, car les animaux n’hésitent pas à pénétrer dans les villes lorsque la nourriture se fait rare dans leur habitat. Cela engendre des problèmes de sécurité publique ainsi que d’importants dommages matériels. D’un autre côté, cela constitue également un problème de conservation menaçant à la fois les ours et d’autres espèces — dont les populations devraient normalement se régénérer pendant que les ours hibernent. La dépendance des ours aux zones urbaines pourrait aussi contribuer à l’augmentation de leur mortalité.