Des chercheurs suggèrent que de minuscules trous noirs primordiaux, nés peu après le Big Bang, pourraient se cacher au cœur de certaines étoiles et influencer leur durée de vie. Des preuves suggèrent qu’il est possible de les détecter en analysant leurs vibrations à la surface de l’étoile hôte. En outre, en grand nombre, ils pourraient même expliquer en partie la matière noire, selon l’étude.
Les trous noirs naissent généralement à la suite d’explosions d’étoiles massives (lorsque le noyau s’effondre sur lui-même) ou de fusions d’étoiles à neutrons. L’objet devient ainsi si dense que même la lumière ne peut échapper à l’attraction gravitationnelle générée.
Cependant, Stephen Hawking a suggéré en 1971 que les trous noirs ne proviennent pas nécessairement de l’effondrement stellaire. Certaines régions à haute densité de la « soupe » de particules présente dans l’Univers peu après le Big Bang, auraient notamment pu donner naissance à des trous noirs allant d’une taille microscopique à des dimensions extrêmes. Ces trous noirs dits « primordiaux » (PBH) seraient ainsi nés d’une hétérogénéité dans l’état initial de l’Univers.
Il a notamment été suggéré que si ces PBH ont été produits en assez grand nombre, ils pourraient constituer une partie ou l’intégralité de la matière noire de l’Univers. Si on compte environ 100 millions de trous noirs ordinaires dans la Voie lactée, les PBH quant à eux seraient beaucoup plus nombreux, bien que plus espacés que les étoiles. Cela signifie qu’ils pourraient être présents dans les nuages de gaz protostellaires (le nuage moléculaire dans lequel naissent les étoiles) et ainsi être capturés par des étoiles au moment de leur formation.
Dans le cadre d’une nouvelle étude publiée dans la revue The Astrophysical Journal, des chercheurs suggèrent que ces PBH peuvent gagner le cœur des étoiles. Cela implique que ces dernières seraient alimentées par un trou noir central au lieu de la fusion nucléaire (comme cela est le cas pour une étoile ordinaire). Ces objets pourraient ainsi potentiellement alimenter des étoiles comme le Soleil et influencer leur durée de vie. L’objectif de l’étude consistait à déterminer comment ce processus pourrait se dérouler.
D’autre part, ce type d’étoile pourrait potentiellement constituer un nouveau moyen de détecter les PBH. Les techniques actuelles consistent par exemple à détecter des effets de microlentille gravitationnelle qu’ils pourraient induire. Ces effets se produiraient lorsqu’un trou noir passerait devant un objet brillant (une galaxie ou un amas stellaire par exemple), courbant la lumière provenant de l’objet en arrière plan et révélant ainsi sa présence. Cependant, aucune technique n’a permis de les détecter jusqu’ici.
Une étoile alimentée par l’énergie d’un trou noir
D’après les calculs de l’équipe de la nouvelle étude, la présence d’un PBH microscopique au cœur d’une étoile n’affecterait pas profondément cette dernière au début de sa vie. En effet, malgré la densité extrêmement élevée en son cœur, le noyau d’une étoile est en grande majorité vide et ne contient que très peu d’atomes. De ce fait, un trou noir d’une taille microscopique aurait du mal à trouver de la matière à « consommer ». Cela impliquerait une croissance extrêmement lente. Pour engloutir son étoile hôte, « il prendrait ainsi plus de temps que la durée de vie de l’Univers », explique l’auteur principal de l’étude, Earl P. Bellinger, chercheur à l’Institut Max-Planck d’astrophysique (Allemagne), à l’Université Yale (États-Unis) et d’Aarhus (Allemagne).
En revanche, des PBH un peu plus massifs, par exemple de la taille de l’astéroïde Cérès ou de Pluton, auraient une croissance plus rapide — sur quelques centaines de millions d’années seulement. Au fil du temps, la matière composant l’étoile hôte s’enroulerait en spirale autour du trou noir (phénomène de « spaghettification »), formant progressivement un disque d’accrétion émettant un rayonnement intense. Lorsque le trou noir atteindrait à peu près la masse de la Terre, il produirait d’importantes quantités de rayonnement, qui perturberaient le cœur de l’étoile. À ce stade, celle-ci deviendrait ce qu’on appelle une « étoile de Hawking », alimentée par l’énergie du trou noir en son centre plutôt que par la fusion nucléaire.
En outre, pour refroidir, les couches extérieures de ces étoiles de Hawking enfleraient progressivement pour former une géante rouge — le sort du Soleil à terme. Cependant, les géantes rouges renfermant un PBH en leur cœur seraient légèrement plus froides que celles ordinaires. Ces résultats semblent concorder avec de récentes observations du télescope spatial Gaïa, rapportant environ 500 géantes rouges anormalement froides. Ces objets, appelés « retardataires rouges », pourraient potentiellement cacher des PBH en leur cœur.
Afin de détecter les retardataires rouges pouvant potentiellement être des étoiles de Hawking, les experts suggèrent d’orienter les futures observations sur l’analyse des fréquences de vibration. En effet, si une géante rouge ordinaire émet des vibrations dans ses couches supérieures, les étoiles de Hawking quant à elles vibreraient jusqu’à leur centre. On pourrait ainsi s’attendre à ce qu’elles émettent une combinaison de fréquences particulière.
Toutefois, il est important de noter que l’équipe de recherche n’a pas pu répondre à la question des fréquences que pourraient émettre ces PBH enfermés dans des étoiles — un paramètre essentiel à déterminer pour permettre une éventuelle détection. Les experts espèrent prochainement en savoir davantage sur cet aspect.