Une équipe internationale de chercheurs, dirigée par l’University College de Londres (UCL), révèle dans une nouvelle étude que les abeilles appliquent naturellement la distanciation sociale lorsqu’elles se sentent menacées par un parasite ayant intégré leur ruche. Ainsi, elles protègent l’ensemble de la colonie, et surtout les individus les plus importants.
La distanciation sociale est une pratique naturelle que l’on peut retrouver chez de nombreuses espèces animales, des plus petites aux plus grandes. Les fourmis par exemple, lorsqu’elles sont infectées par un champignon pathogène, se relèguent instinctivement à la périphérie des fourmilières pour protéger les autres individus et ainsi éviter la catastrophe.
Dans une expérience, les chercheurs ont constaté — après avoir introduit un acarien ectoparasite de l’espèce Varroa destructor dans une colonie d’abeilles européennes (Apis mellifera) — que les animaux augmentaient rapidement la distance sociale afin de se protéger mutuellement contre l’infection. Ils appellent ce comportement « l’immunisation organisationnelle ».
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Distanciation sociale : une pratique plus « naturelle » qu’il n’y parait
Il faut savoir que les colonies d’abeilles sont organisées en deux compartiments principaux : le compartiment extérieur occupé par les butineuses, et le compartiment intérieur habité par les nourrices, la reine et le couvain. Cette ségrégation spatiale au sein de la colonie entraîne une fréquence d’interactions entre les deux compartiments inférieure à celle des interactions à l’intérieur de chaque compartiment, et permet aux individus les plus précieux (reine, jeunes abeilles et couvain) d’être protégés de l’environnement extérieur et donc de l’arrivée de maladies.
Dans leur étude, les chercheurs souhaitaient évaluer si la présence de V. destructor induirait des changements dans l’organisation sociale susceptibles de réduire la propagation du parasite dans la ruche. L’acarien Varroa est l’un des principaux ennemis des colonies d’abeilles, car il provoque un certain nombre d’effets néfastes au niveau individuel et de la colonie, notamment la transmission de virus.
Les abeilles agissaient notamment en modifiant l’utilisation de l’espace et les interactions entre les compagnons de nidification, afin d’augmenter la distance sociale entre les cohortes d’abeilles jeunes (nourrices) et âgées (butineuses). Les détails ont été publiés dans la revue Science Advances.
Un comportement exemplaire ?
En comparant des colonies infestées ou non par l’acarien V. destructor, les chercheurs ont constaté qu’un comportement en particulier, les « danses » de butinage, qui peuvent augmenter la transmission de l’acarien, se produisait moins fréquemment dans les parties centrales de la ruche si elle était infestée. Ils ont également constaté que les comportements de toilettage étaient plus concentrés dans la ruche centrale.
Selon les chercheurs, il semble qu’en réponse à une infestation, dans l’ensemble, les butineuses (abeilles plus âgées) se déplacent vers la périphérie du nid, tandis que les jeunes abeilles nourricières et toiletteuses se déplacent vers son centre, afin d’augmenter la distance entre les deux groupes.
« L’augmentation observée de la distance sociale entre les deux groupes d’abeilles au sein d’une même colonie infestée de parasites représente un aspect nouveau et, d’une certaine manière, surprenant, de la façon dont les abeilles domestiques (et semi-domestiques) ont évolué pour combattre les agents pathogènes et les parasites », déclare dans un communiqué l’auteur principal de l’étude, le Dr Michelina Pusceddu du Département d’agriculture à l’Université de Sassari (Italie). « Leur capacité à adapter leur structure sociale et à réduire les contacts entre individus en réponse à une menace de maladie leur permet de maximiser les avantages des interactions sociales lorsque cela est possible, et de minimiser le risque de maladie infectieuse lorsque cela est nécessaire ».
« Ces résultats suggèrent fortement une stratégie comportementale qui n’a pas été rapportée auparavant chez les abeilles domestiques pour limiter la transmission d’un parasite intracolonie », écrivent les chercheurs dans leur document. De plus, « les colonies d’abeilles constituent un modèle idéal pour étudier la distanciation sociale et pour comprendre pleinement la valeur et l’efficacité de ce comportement », ajoute Pusceddu. Devrions-nous donc nous en inspirer pour les mois (voire années) à venir ?