La délivrance de molécules thérapeutiques au niveau du cerveau a toujours représenté un véritable défi pour l’industrie pharmaceutique. L’hyper imperméabilité de la barrière hématoencéphalique constitue notamment un obstacle majeur. De ce fait, l’efficacité des traitements pour les maladies neurodégénératives se retrouve entravée. Pour pallier ce problème, des chercheurs ont eu pour idée d’administrer, par le biais d’un spray nasal, des anticorps promouvant la réparation des lésions post-AVC (accident vasculaire cérébral). Plus « directe », cette voie a permis une guérison à 60% chez des rats après seulement deux semaines de traitement.
Pour rappel, un AVC survient lorsqu’une artère dans le cerveau est (souvent partiellement) bouchée par un caillot de sang, entravant l’irrigation de plusieurs zones du cerveau, selon la position du caillot. Ainsi privés d’oxygène, les neurones meurent et peuvent provoquer des handicaps moteurs ou sensitifs. Les médecins préconisent généralement une rééducation pour aider les patients à récupérer (complètement ou partiellement), en stimulant la plasticité du cerveau. Des recherches antérieures ont notamment montré qu’il est possible de réparer, dans une certaine mesure, les lésions cérébrales résultant d’un AVC.
Les AVC déclenchent en effet une cascade de processus de démyélinisation, qui finissent par détruire les axones et in fine les neurones. Ces processus sont régis par une protéine appelée Nogo-A — un inhibiteur de croissance axonale —, dont la surexpression est observée dans diverses maladies neurologiques, dont la sclérose en plaques. De ce fait, les anticorps monoclonaux anti-Nogo-A constituent un domaine de recherche très actif. Ces molécules auraient déjà montré une certaine efficacité dans la neuro-régénération, sur des modèles animaux.
Cependant, le mode d’administration de ces anticorps reste un défi, dans la mesure où ce sont des molécules malheureusement trop volumineuses pour pouvoir traverser la barrière hématoencéphalique. Les chercheurs de la nouvelle étude ont alors testé l’hypothèse selon laquelle la voie nasale serait un meilleur moyen pour délivrer des médicaments, sans qu’ils ne soient trop « filtrés » par la barrière. Les voies neuronales de l’odorat sont en effet régies par des cellules nerveuses spécifiques, dont les axones particulièrement longs s’étendent directement de la partie supérieure du nez vers le cerveau.
Une diminution des symptômes allant jusqu’à 60%
Dans la nouvelle étude, décrite dans la revue PNAS, les chercheurs ont testé leur spray nasal sur des rats chez lesquels l’on a préalablement induit un AVC. Les AVC étaient tous conditionnés de la même manière, de sorte à provoquer un handicap au niveau des pattes avant uniquement. Le spray contenant les anticorps a ensuite été administré tous les jours pendant deux semaines. La coordination des mouvements des rats a été analysée avant et après l’AVC et l’administration du médicament, par le biais de divers exercices.
Après les deux semaines de tests, les chercheurs ont constaté une diminution des symptômes d’AVC chez l’ensemble des animaux. Ceux qui ont reçu les anticorps ont vu une amélioration de 60% en moyenne de leur capacité à exécuter des tâches. « Nous avons atteint un niveau d’anticorps qui est efficace pour réparer une grande lésion d’AVC », déclare Martin Schwab, chercheur affilié au Département des sciences et technologies de la santé de l’Institut fédéral suisse de technologie, et co-auteur principal de la nouvelle étude.
Ceux qui ont reçu un placebo ont eu une amélioration de 30%. En analysant les cerveaux des rats ayant reçu le spray d’anticorps, les chercheurs ont constaté que de nouvelles fibres nerveuses (axones) ont été générées, montrant que les lésions post-AVC avaient été réparées. « Cela montre qu’il existe un pouvoir de régénération naturelle dans le cerveau et qu’il suffit de relâcher les freins pour que cela se produise », estime Schwab.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que même administrés par voie nasale, les anticorps empruntent tout de même la circulation sanguine par le biais de capillaires tapissant les fosses nasales, ce qui signifie que les molécules peuvent tout de même être en grande majorité filtrées par la barrière hématoencéphalique. Pour cette raison, on ne sait pas encore quelle quantité exacte est parvenue au niveau des neurones des rats.