L’ADN (enfin séquencé) de l’un des derniers Néandertaliens, baptisé Thorin, révèle une forte consanguinité due à un isolement génétique de 50 000 ans

Il appartiendrait à une lignée jusqu’ici inconnue qui a divergé il y a 105 000 ans.

adn thorin consanguinite neandertalien
| Pixabay
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Thorin, l’un des derniers Néandertaliens, ferait partie d’une lignée jusqu’ici inconnue et qui est restée génétiquement isolée pendant 50 000 ans, révèle une étude. L’analyse de son génome indique que sa lignée a divergé de celle des autres néandertaliens il y a environ 105 000 ans et présente un taux élevé de consanguinité, ceci malgré la présence d’autres communautés néandertaliennes vivant à proximité à la même époque. Cette découverte pourrait fournir des indices sur le mystère de l’extinction de l’espèce.

Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer l’extinction des Néandertaliens il y a environ 40 000 ans. Certaines avancent par exemple une origine environnementale, allant du changement climatique aux éruptions volcaniques. D’autres suggèrent une origine interne, basée notamment sur les structures sociales et comportementales des populations elles-mêmes — des aspects largement sous-explorés.

Ces hypothèses s’appuient sur des études paléogénomiques et ostéologiques, révélant une faible densité démographique ainsi que de fortes signatures de consanguinité chez les Néandertaliens sibériens et européens tardifs. Cela suggère une structure sociale caractérisée par des groupes de petite taille et un faible taux d’échange entre ces groupes.

:: LE T-SHIRT QUI SOUTIENT LA SCIENCE ! ::

Cependant, des travaux plus récents ont révélé des résultats contradictoires, indiquant notamment que les premiers humains modernes eurasiens présentaient de faibles taux de consanguinité ainsi qu’une forte mobilité intergroupe, malgré la petite taille des communautés. Toutefois, il n’est pas clair si ces données reflètent l’organisation sociale de leurs ancêtres néandertaliens.

D’autre part, la théorie conventionnelle avance qu’il n’y avait qu’une seule population néandertalienne génétiquement homogène jusqu’au moment de leur extinction. Cependant, l’équipe de recherche qui a mis au jour les restes de Thorin en 2015 suggère que celui-ci appartient à une lignée différente de celle des régions voisines. Cette hypothèse était uniquement basée sur les différences observées dans les outils en pierre retrouvés dans la grotte où le fossile a été exhumé. Thorin et ses proches ne semblaient pas avoir adopté le style de fabrication moderne d’outils de l’époque.

Les nouvelles analyses génomiques effectuées par la même équipe ont confirmé cette hypothèse, ainsi que celle avançant un manque de diversité génétique chez les Néandertaliens. « Il s’avère que ce que j’avais proposé il y a 20 ans était prédictif », a déclaré l’auteur principal de l’étude, Ludovic Slimak, du Centre d’Anthropobiologie et de Génomique de Toulouse de l’Université Paul Sabatier, à Live Science. « La population de Thorin avait passé 50 millénaires sans échanger un seul gène avec les populations néandertaliennes classiques », a-t-il ajouté. Les résultats de la recherche sont détaillés dans la revue Cell Genomics.

Une lignée différente de celle des autres Néandertaliens

Les restes de Thorin (surnommé ainsi en référence à l’un des nains dans la série de livres « Le Hobbit » de J.R.R Tolkien) ont été découverts en 2015 à l’entrée de Mandrin, dans la vallée du Rhône dans le sud de la France, un réseau de grottes bien étudié qui a également abrité les premiers Homo sapiens. En se basant sur sa localisation dans les couches de sédiments de la grotte, les archéologues ont initialement supposé qu’il a vécu il y a environ 40 000 à 45 000 ans, ce qui en fait un « Néandertalien tardif ».

Afin de déterminer son âge exact, l’équipe a analysé l’ADN extrait de ses dents et de sa mâchoire et comparé son génome avec celui d’autres Néandertaliens. De manière étonnante, son génome est très différent de celui des Néandertaliens tardifs et est plus proche de celui des Néandertaliens primitifs (qui ont vécu il y a 100 000 ans).

dents thorin
En haut : image de la mandibule in situ lors de sa découverte. En bas : reconstruction virtuelle de la mâchoire et des éléments dentaires de Thorin en vues inclinées (en haut à gauche), antérieures (en haut à droite) et latérales (en bas à droite et à gauche). © Ludovic Slimak

Une analyse isotopique des os et des dents a confirmé que Thorin appartient bel et bien à la catégorie des Néandertaliens tardifs, car il vivait dans le climat très froid de la dernière période glaciaire, contrairement à ceux primitifs qui bénéficiaient d’un climat beaucoup plus chaud. Il serait ainsi plus probable qu’il ait vécu il y a environ 42 000 ans, ce qui en ferait l’un des derniers Néandertaliens. Ces constats suggèrent en outre qu’il appartient à une lignée différente de celle des autres Néandertaliens tardifs.

Un isolement génétique ayant conduit à l’extinction des Néandertaliens ?

En comparant le génome de Thorin avec celui d’autres Néandertaliens tardifs, les chercheurs ont détecté une homozygotie élevée (signe d’une consanguinité récente) s’étalant sur plus de 50 000 ans et aucune preuve de croisement avec des humains modernes. Cela signifie que la lignée de Thorin a passé 50 millénaires sans échanger de gènes avec d’autres populations. Or, les archives fossiles ont montré que d’autres communautés néandertaliennes résidaient à une dizaine de jours de marche, au cours de la même période.

Cet isolement marqué soulève de nouvelles questions quant aux raisons ayant mené à l’extinction de l’espèce. « Lorsqu’on est isolé pendant une longue période, on limite la variation génétique dont on dispose, ce qui signifie qu’on a moins de capacité à s’adapter aux changements climatiques et aux agents pathogènes, et cela nous limite également sur le plan social, car on ne partage pas les connaissances et on n’évolue pas en tant que population », explique dans un communiqué Tharsika Vimala, coauteure principale de l’étude et généticienne des populations à l’Université de Copenhague.

adn thorin
Résumé graphique de l’étude, montrant à quel moment la lignée de Thorin a divergé de celle des autres Néandertaliens. © Ludovic Slimak

D’autre part, la lignée de Thorin semble s’être séparée de celle des autres Néandertaliens tardifs il y a environ 105 000 ans. Son génome présente en outre de fortes similitudes avec celui des Néandertaliens exhumés à Gibraltar. L’équipe de Slimak en a donc déduit que la population a migré vers la France depuis Gibraltar, ce qui signifierait qu’il existait une population méditerranéenne inconnue de Néandertaliens dont la répartition s’étendait de l’extrémité occidentale de l’Europe jusqu’à la vallée du Rhône, en France.

Ces résultats suggèrent aussi que l’isolement génétique et culturel des communautés néandertaliennes aurait pu contribuer à leur extinction. Toutefois, davantage de génomes néandertaliens doivent être séquencés afin de potentiellement confirmer ces résultats et de comprendre la véritable origine de l’extinction de l’espèce. « Je suppose que si nous avions davantage de génomes provenant d’autres régions au cours de cette période similaire, nous trouverions probablement d’autres populations profondément structurées », conclut Martin Sikora de l’Université de Copenhague, qui a également participé à l’étude.

Source : Cell Genomics

Laisser un commentaire