Des recherches antérieures ont tenté d’élucider le lien insoupçonné entre la consommation d’alcool et le quotient intellectuel (QI), mais aucune conclusion claire n’avait été établie jusqu’à présent. Récemment, une étude menée par des chercheurs américains a révélé une corrélation entre le QI et la consommation d’alcool. Plus précisément, les lycéens affichant un QI supérieur à la moyenne seraient plus enclins à devenir des consommateurs modérés ou excessifs à l’âge adulte, comparés à ceux avec un QI inférieur (moyen ou bas).
En 2010, les résultats de deux études — l’une américaine et l’autre britannique — rapportés notamment par le magazine Psychology Today, révélaient que les adultes avec un QI élevé consomment environ 80 % plus d’alcool que ceux avec un QI moyen ou faible. Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs avaient sélectionné des adolescents âgés de moins de 16 ans (au début de l’étude). Les participants ont été classés en cinq catégories selon leur niveau d’intelligence, allant de très faible à très élevée. La cohorte américaine a été recontactée sept ans plus tard, tandis que celle du Royaume-Uni a été suivie jusqu’à l’âge de 40 ans.
Dans une récente étude, des chercheurs de l’UT Southwestern Medical Center, sous la direction du Dr E. Sherwood Brown, se sont intéressés aux facteurs prédictifs des habitudes de consommation d’alcool. Le Dr Brown, avec ses collègues, avait déjà conduit de nombreuses recherches visant à identifier les facteurs et troubles liés à la consommation d’alcool. Certaines de ces études avaient d’ailleurs révélé que l’abus d’alcool peut non seulement provoquer une hypertension, mais aussi augmenter les risques d’accident vasculaire cérébral (AVC) et de cancer. Selon Brown, ces résultats suggéraient aussi un lien entre les capacités cognitives et la consommation d’alcool.
Motivé par cette observation, il a décidé d’approfondir ses recherches pour tenter d’expliquer ce phénomène. Dans un communiqué de l’UTSW, il a déclaré : « Je me suis demandé : si l’alcool influence la cognition, la cognition pourrait-elle influencer la consommation d’alcool ? ». Pour répondre à cette question, Brown et ses collègues ont analysé les données d’une étude longitudinale du Wisconsin (WLS), débutée par l’Université du Wisconsin-Madison en 1957. L’étude initiale impliquait des étudiants nés vers 1939 et diplômés du lycée du Wisconsin à partir de 1957.
Parmi les données de 10 317 lycéens, les chercheurs ont sélectionné au hasard 8 254 participants. Les scores de QI ont été recueillis durant leur seconde année de lycée, tandis que leurs habitudes de consommation d’alcool ont été enregistrées en 2004, alors qu’ils étaient âgés de 53 à 65 ans. L’équipe a défini la consommation modérée d’alcool comme allant de 1 à 29 verres par mois pour les femmes et de 1 à 59 pour les hommes. La consommation excessive a été définie comme allant de 30 verres et plus par mois pour les femmes et 60 verres et plus pour les hommes.
Pour analyser le lien entre le QI et les habitudes de consommation d’alcool, les chercheurs ont utilisé une régression logistique multinomiale. Ils ont ensuite appliqué une régression de Poisson pour examiner le nombre d’épisodes de consommation excessive d’alcool. Les résultats, publiés dans la revue Alcohol and Alcoholism, ont révélé qu’un point supplémentaire de QI était associé à une augmentation de 1,6 % de la probabilité qu’un participant ait consommé de l’alcool (que ce soit de manière modérée ou excessive). En outre, les chercheurs ont constaté que les participants avec un QI plus élevé que la moyenne ne se livraient pas souvent à des épisodes de consommation excessive (cinq verres et plus en une seule fois).
« Nous ne prétendons pas que votre QI au lycée détermine votre destin, mais les niveaux de QI pourraient influencer des facteurs sociaux qui affectent la consommation d’alcool, et c’est un mécanisme important à explorer », a déclaré Brown. Il a ajouté : « Un QI plus élevé semble prédire une plus grande probabilité d’être un buveur modéré ou excessif, mais pas uniquement un buveur excessif ».
Le revenu, un facteur clé dans la consommation excessive d’alcool ?
Dans le cadre de l’étude, les scientifiques ont aussi tenu compte de l’éducation et du revenu des participants comme médiateurs potentiels. Ils ont émis l’hypothèse que les participants avec un QI élevé sont plus susceptibles de mener une carrière stressante, conduisant à une consommation excessive d’alcool.
En parallèle, ils ont estimé que ceux avec des revenus élevés avaient davantage d’opportunités pour boire. Jayme Palka, co-auteur de l’étude et professeur de psychiatrie, a déclaré : « Bien qu’il soit impossible de saisir tous les mécanismes sous-jacents régissant la relation entre la consommation d’alcool et le QI, nous savons que le revenu explique en partie ce lien ».
Bien que l’étude du Dr Brown et de son équipe ait mis en lumière une relation entre un QI élevé et la consommation d’alcool, elle a été limitée par un échantillon homogène, notamment en ce qui concerne l’ethnicité des participants. Les chercheurs ont ainsi souligné la nécessité de recherches futures incluant des échantillons plus diversifiés.