L’aigle des Philippines est le plus grand rapace forestier des Philippines et l’oiseau national du pays. Il est également l’un des aigles les plus rares au monde, ne vivant que sur 4 îles dans le pays. Récemment, la mise à jour de l’état des populations sonne l’alerte, avec un nombre estimé de seulement 400 couples à l’état sauvage, renforçant leur statut IUCN de « en danger critique d’extinction ». Des actions concrètes et rapides sont nécessaires.
L’aigle des Philippines ne se trouve que sur quatre îles du pays, toutes dans les régions du Nord et de l’est, alors que ce dernier se compose de plus de 7000 îles. Ces aigles rares ont été poussés à la limite de l’extinction par la déforestation et les tirs des populations locales pour protéger leur bétail — les aigles devant s’éloigner de plus en plus de leur territoire à cause de la déforestation.
Bien que l’aigle des Philippines puisse passer du temps le long des lisières de la forêt et ait même été observé dans des zones où la forêt a été exploitée, cette espèce est un véritable rapace forestier, et s’appuie donc sur la forêt primaire vierge pour chasser, construire son nid et élever ses petits. En effet, un couple d’aigles des Philippines a besoin d’environ 4000 à 11 000 hectares de terres forestières pour prospérer à l’état sauvage, en fonction du nombre de proies dans la région.
Arborez un message climatique percutant 🌍
En tant qu’espèce au sommet de la chaîne alimentaire, ce rapace a un rôle crucial à jouer dans l’équilibre de l’écosystème. Il aide à réguler naturellement la population d’autres espèces et à fournir un parapluie de protection à toutes les autres formes de vie sur son territoire. Une population abondante d’aigles des Philippines signifie une forêt saine.
Déclarée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comme étant « en danger critique d’extinction » depuis 1996, le grave manque d’informations scientifiques nécessaires à la prise de décision limite également l’efficacité des actions de conservation. Récemment, des scientifiques ont voulu pallier cette lacune. Leurs résultats sont alarmants, faisant état de seulement 800 individus à l’état sauvage. Leur étude est publiée dans la revue Animal Conservation.
Une forêt particulière pour un aigle majestueux
La première étape d’un « bon programme de conservation » est qu’il soit en adéquation avec le milieu de vie réel d’une espèce. Comme mentionné précédemment, tous les types de forêts ne sont pas utilisés par les aigles. Il faut savoir que depuis 2008, la Philippine Eagle Foundation a installé des traqueurs GPS miniatures sur les aigles nicheurs à l’aide de harnais à dos. Grâce à ces techniques de télémétrie par satellite, les schémas de déplacement des aigles sont bien mieux compris.
S’appuyant sur des images satellites de la zone (végétation et activités humaines), les auteurs ont utilisé un « modèle de distribution des espèces », ou approche SDM. Ils ont mis en évidence que les aigles semblent chasser et nicher dans des forêts qui ont une biomasse de plantes vertes dense et saine, des arbres anciens et une canopée multicouche.
Au contraire, ces rapaces semblent éviter les parties des forêts qui ont des canopées épaisses ou fermées. Ils préfèrent généralement les zones avec 70 à 80% de couvert forestier comme habitat. Ils évitent également les zones aux grandes infrastructures humaines, mais tolèrent de petits villages isolés.
Selon l’étude, un total de 2 862 400 hectares de forêt a été prédit comme convenant aux aigles. Cette « zone d’habitat », ou AOH, ne couvre que 10% de la superficie terrestre totale de l’archipel des Philippines.
En associant ces données à la taille moyenne du domaine vital d’un couple d’aigles, les auteurs estiment que la superficie d’habitat estimé précédemment pourrait supporter entre 318 et 447 couples d’aigles.
Établir un réseau d’aires protégées plus pertinent et impliquer la population
Le second point d’un « bon programme de conservation » est de pouvoir établir des zones de conservation pertinentes et efficaces. Elles doivent être pérennes dans le temps sans que cela n’augmente les conflits hommes-animaux, aboutissant à un abattage des aigles par les éleveurs par exemple. Les populations locales doivent ainsi être impliquées pour qu’un tel programme puisse perdurer.
Concrètement, les auteurs ont cartographié à l’aide du système d’information géographique (SIG) les zones prioritaires de conservation. Le réseau actuel d’aires protégées des Philippines ne couvre que 32% de l’aire de répartition potentielle des aigles. C’est 13% de moins que l’objectif standard minimum (45%), basé sur l’estimation de la taille de l’aire de répartition de l’espèce.
Ces nouvelles zones prioritaires pour la conservation pourront également servir de site de réintroduction du rapace. De plus, assurer la sécurité de la population d’aigles des Philippines dans les hautes terres peut constituer une source de revenus supplémentaire pour les communautés marginalisées. Les actions doivent être hiérarchisées.
Jayson Ibanez, directeur de la recherche et de la conservation à la Philippine Eagle Foundation et co-auteur de l’étude, explique dans un communiqué les trois priorités d’actions : « (i) Suivre autant que possible ces 392 couples d’aigles à travers le pays grâce à des enquêtes systématiques sur les nids, (ii) protéger le maximum de sites de nidification d’aigles menacés grâce à une meilleure sensibilisation, à l’application des lois sur la faune et à la conservation communautaire, et (iii) assurer le succès de la reproduction et la survie de chaque couple adulte et de chacun des jeunes, grâce à la télémétrie et à la surveillance sur le terrain ».