Des chercheurs américains, affiliés au Centre national pour la prévention des maladies chroniques et la promotion de la santé, ont entrepris d’estimer la proportion de décès attribuables à une consommation excessive d’alcool. Les résultats de leur étude montrent que l’alcool est responsable d’un décès sur cinq parmi les adultes âgés de 20 à 49 ans ; les hommes sont davantage concernés que les femmes.
La consommation d’alcool provoque des dommages importants sur la santé. Une consommation excessive (plus de 2 verres par jour pour les femmes et plus 3 verres par jour pour les hommes) favorise la survenue de maladies graves : certains cancers (bouche, gorge, œsophage, colon-rectum, etc.), des maladies du foie et du pancréas, des maladies cardiovasculaires, des troubles psychiques, etc. Selon le ministère des Solidarités et de la Santé, la consommation abusive d’alcool est ainsi à l’origine de 49 000 décès par an en France. Il en est de même en Europe, où elle est responsable de plus de 7% des maladies et décès prématurés.
Même constat aux États-Unis, où les taux de décès dus à des causes entièrement imputables à l’alcool (par exemple, les maladies alcooliques du foie) ont augmenté au cours de la dernière décennie. Mais jusqu’à présent, il n’existait pas d’évaluation complète des décès liés à l’alcool au sein des adultes américains âgés de 20 à 64 ans, y compris des causes partiellement imputables à l’alcool (telles que les cancers). Une équipe de chercheurs a exploité les données de l’application en ligne Alcohol-Related Disease Impact (ARDI) proposée par les Centers for Disease Control and Prevention pour réaliser une première estimation. L’étude couvre la période 2015-2019.
Les hommes et les jeunes sont les plus concernés
L’alcool est généralement associé à un moment convivial ou festif, passé en famille, entre amis ou entre collègues. Pourtant, au niveau mondial, il est aujourd’hui considéré comme le troisième facteur de risque de morbidité, après l’hypertension artérielle et le tabac. Outre ses conséquences sur la santé, l’usage abusif de l’alcool entraîne des pertes économiques et sociales importantes pour les individus. Mais il apparaît que peu de personnes posent un regard éclairé et objectif sur leur propre consommation. En 2017, près d’un Français sur deux pensait qu’offrir de l’alcool ou en boire « faisait partie des règles du savoir-vivre ».
Outre-Atlantique, le rapport des individus à l’alcool semble tout aussi malsain : « Nos estimations suggèrent que les décès attribuables à l’alcool étaient responsables de 1 décès sur 8 chez les adultes âgés de 20 à 64 ans, dont 1 décès sur 5 chez les adultes âgés de 20 à 49 ans », résument les auteurs de l’étude. Plus précisément, sur les 694 660 décès moyens par an, recensés entre 2015 et 2019, la consommation excessive d’alcool représentait 12,9% du total des décès chez les adultes âgés de 20 à 64 ans ; il apparaît que ce pourcentage était plus élevé chez les hommes (15,0%) que chez les femmes (9,4 %).
Les décès attribuables à l’alcool représentaient environ 20,3% du total des décès chez les adultes âgés de 20 à 49 ans. Les auteurs de l’étude soulignent que cette cause de décès représentait une plus grande proportion du total des décès dans les groupes plus jeunes : 25,4% chez les 20-34 ans et 17,5% chez les 35-49 ans.
Les chercheurs soulignent que les résultats différaient également selon les États : la proportion de décès attribuables à l’alcool chez les adultes âgés de 20 à 64 ans variait de 9,3% au Mississippi, à 21,7% au Nouveau-Mexique. Et là encore, les chiffres augmentent chez les plus jeunes : la proportion de décès liés à l’alcool chez les 20-34 ans variait de 22,4% dans l’Utah à 33,3% au Nouveau-Mexique.
Des chiffres qui pourraient être encore plus élevés
L’équipe a par ailleurs identifié les trois principales causes de décès imputables à l’alcool par groupe d’âge : autres empoisonnements (par ex. overdose de médicaments), accidents de la route et homicides chez les 20-34 ans ; autres empoisonnements, maladies alcooliques du foie et accidents de la route, chez les 35-49 ans. Ces causes étaient les mêmes pour les deux sexes.
Les chercheurs notent que les taux de décès impliquant l’alcool comme cause sous-jacente ou contributive du décès ont augmenté au cours de la première année de la pandémie de COVID-19, en 2020. Les chiffres pourraient donc être encore plus élevés aujourd’hui que ceux rapportés dans cette étude — d’autant plus que l’alcool a probablement contribué à d’autres décès qui n’ont pas été inclus dans les estimations. « Ces décès prématurés pourraient être réduits par une mise en œuvre accrue de politiques de lutte contre l’alcoolisme fondées sur des données probantes (par exemple, augmentation des taxes sur l’alcool, réglementation de la densité des points de vente d’alcool), ainsi que par le dépistage de l’alcoolisme », conclut l’équipe.
La consommation d’alcool est l’une des principales causes de décès évitables. Mais les motivations à en boire sont nombreuses (et diffèrent selon l’âge) : certains apprécient simplement le goût, d’autres s’en servent pour nouer des liens sociaux ou le perçoivent comme un soutien en cas de stress ou de déprime ; certains l’associent à des fêtes mieux réussies et/ou apprécient la sensation d’ivresse qu’il procure — la raison pour laquelle le binge drinking (qui consiste à boire beaucoup en peu de temps) est une pratique courante chez les jeunes.
Les CDC définissent la consommation « modérée » d’alcool comme deux verres ou moins par jour pour les hommes ou un verre ou moins par jour pour les femmes. Les nouveaux repères de consommation d’alcool préconisés en France depuis 2017 sont « maximum deux verres par jour et pas tous les jours ». Réduire sa consommation n’est pas toujours aisé et peut avoir un effet similaire à un régime : « Plus vous vous restreignez, plus vous en voulez », a déclaré à CNN Natalie Mokari, diététicienne-nutritionniste. Elle recommande ainsi de réduire progressivement sa consommation, comme boire chaque jour un verre de moins qu’à l’habitude, et de boire de l’eau ou une boisson sans alcool entre chaque verre d’alcool.