Une enquête incluant plus d’un million de patients révèle que le sémaglutide, un médicament courant contre le diabète de type 2 et l’obésité, est associé à un risque significativement réduit (jusqu’à 70 %) d’Alzheimer. Cet effet serait observé quels que soient l’état d’obésité, l’âge et le sexe. Bien que préliminaires, ces résultats pourraient potentiellement ouvrir la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques et préventives pour la maladie neurodégénérative.
On estime que 55 millions de personnes souffrent de démence dans le monde, dont 35,6 millions sont des cas d’Alzheimer. Rien qu’aux États-Unis, la maladie est chaque année responsable de plus de décès que les cancers du sein et de la prostate réunis. Le nombre de patients devrait doubler environ tous les 20 ans en raison du vieillissement de la population mondiale.
Alors qu’il n’existe à ce jour aucun traitement curatif contre la maladie, environ 40 % des cas seraient associés à des facteurs de risque modifiables. Il a été suggéré qu’il pourrait être possible de cibler ces facteurs par le biais de médicaments tels que le sémaglutide (commercialisé sous les noms d’Ozempic ou de Wegovy), couramment utilisés pour le diabète de type 2 et pour la perte de poids. Ces deux maladies constituent en effet d’importants facteurs de risque d’Alzheimer. D’autre part, le médicament a montré des effets bénéfiques contre les maladies cardiovasculaires, le tabagisme, l’alcoolisme et la dépression, également associés au risque d’Alzheimer.
Étant donné son association avec ces facteurs de risque, l’étude, codirigée par l’Université Case Western Reserve (aux États-Unis) suggère qu’il pourrait réduire le risque d’Alzheimer. À noter que des essais évaluent actuellement les effets neuroprotecteurs du médicament au stade précoce de la maladie, mais aucun essai clinique n’a jusqu’à présent indiqué de manière claire s’il pourrait la prévenir ou ralentir sa progression.
Un risque réduit de 40 à 70 % par rapport aux autres médicaments
Le sémaglutide agit sur les récepteurs de type glucagon (GLP-1R) afin de réguler à la fois l’appétit et la glycémie. Une récente étude a montré que le liraglutide, un autre agoniste de GLP-1, est associé à un ralentissement du déclin cognitif chez les patients souffrant d’Alzheimer précoce et qui étaient non diabétiques.
Dans le cadre de la nouvelle étude — détaillée dans la revue Alzheimer’s & Dementia: The Journal of the Alzheimer’s Association —, les chercheurs ont comparé le sémaglutide (Ozempic) avec 7 autres médicaments contre le diabète de type 2, tels que la metformine et l’insuline, ainsi que d’autres agonistes de GLP-1 comme le liraglutide.
1 094 761 patients âgés d’au moins 60 ans, souffrant de diabète de type 2 et qui n’avaient initialement pas reçu de diagnostic d’Alzheimer, ont été sélectionnés pour l’étude. Les participants devaient également souffrir d’au moins une pathologie sous-jacente (obésité, hypertension ou maladie cardiaque) et ne pas avoir pris de médicament contre le diabète au cours des six derniers mois avant l’étude. Les diagnostics d’Alzheimer ont ensuite été posés au cours des trois années de suivi de l’étude. L’approche statistique utilisée par les chercheurs est similaire à celle d’un essai clinique randomisé.
Les résultats ont révélé que les patients traités au sémaglutide présentaient un risque d’Alzheimer réduit de 40 à 70 %, par rapport à ceux prenant d’autres médicaments contre le diabète. La plus grande différence a été observée chez les patients traités avec de l’insuline, qui présentaient notamment 70 % plus de risques de développer Alzheimer par rapport à ceux traités au sémaglutide. Les patients traités avec les autres agonistes de GLP-1, y compris le liragutide, présentaient également un risque plus élevé d’Alzheimer. Ces effets étaient les mêmes quels que soient le sexe, l’âge et le poids des participants.
« Cette nouvelle étude fournit des preuves concrètes de son impact sur la maladie d’Alzheimer, même si les recherches précliniques ont suggéré que le sémaglutide pourrait protéger contre la neurodégénérescence et la neuroinflammation », indique dans la revue The Daily de l’Université Case Western Reserve, Rong Xu, coauteur principal de l’étude. Il est en outre intéressant de noter que la dose maximale d’Ozempic est de 2 milligrammes, tandis que le Wegovy est disponible à une dose de 2,4 milligrammes. L’effet de ce dernier sur l’incidence d’Alzheimer pourrait ainsi être différent.
Toutefois, des essais cliniques randomisés doivent être effectués avant de pouvoir tirer des conclusions définitives, ainsi qu’une comparaison des effets du sémaglutide avec d’autres médicaments anti-diabétiques. Norodisk, le fabricant d’Ozempic et de Wegovy, effectue actuellement des essais cliniques de phase 3 contrôlés par placebo des deux médicaments sur plus de 3 000 patients souffrant de troubles cognitifs légers ou d’Alzheimer précoce. Les résultats devraient être publiés d’ici l’année prochaine. Si les essais sont concluants, le sémaglutide pourrait potentiellement devenir le premier traitement préventif pour Alzheimer, sans compter l’extension de la gamme de traitements visant à en ralentir la progression.