Un nouvel anticorps a permis de réduire efficacement les plaques amyloïdes dans le cerveau de souris atteintes d’Alzheimer tout en atténuant les anomalies comportementales. Il agit notamment en réactivant les microglies, les cellules immunitaires cérébrales responsables de l’élimination de molécules toxiques. La thérapie pourrait potentiellement s’étendre à d’autres maladies neurodégénératives, telles que Parkinson et la sclérose latérale amyotrophique (SLA).
L’une des principales caractéristiques de la maladie d’Alzheimer est l’accumulation de plaques amyloïdes dans le cerveau. Cette accumulation entraîne une cascade d’événements conduisant à la neurodégénérescence et au déclin cognitif. Plus récemment, d’autres caractéristiques associées à la maladie ont été mises au jour, telles que la dérégulation mitochondriale, la présence de micro-ARNs toxiques, l’accumulation de lipides cérébraux et un dérèglement immunitaire.
En explorant la dérégulation immunitaire associée à la maladie, des études ont démontré que les microglies — la principale population de cellules immunitaires du système nerveux central — entourent les protéines toxiques et créent une barrière contrôlant leur propagation. Ce processus est suivi d’une élimination par phagocytose de ces protéines. Cependant, chez les personnes souffrant d’Alzheimer, les microglies ne parviennent pas à éliminer les plaques amyloïdes.
Des chercheurs de l’Université de Washington à Saint-Louis (aux États-Unis) ont récemment découvert que l’origine de cette passivité est une protéine appelée APOE, située au niveau des agrégats amyloïdes. En se liant à un récepteur appelé LILRB4, cette protéine désactive les microglies et entrave leur capacité à éliminer les molécules toxiques. Ce récepteur est fortement exprimé au niveau des microglies des patients atteints d’Alzheimer.
Dans leur nouvelle étude récemment parue dans la revue Science Translational Medicine, les scientifiques proposent une nouvelle stratégie thérapeutique intervenant directement au niveau de cette voie, avec un anticorps ciblant LILRB4. Cela permettrait de réactiver les microglies de sorte à restaurer leur capacité à éliminer les plaques amyloïdes. Cette stratégie pourrait également avoir des implications pour d’autres maladies neurodégénératives caractérisées par l’accumulation de protéines toxiques, telles que Parkinson, la SLA et la maladie de Huntington.
« En activant les microglies de manière générale, notre anticorps peut éliminer les plaques bêta-amyloïdes chez la souris et pourrait potentiellement éliminer d’autres protéines dommageables dans d’autres maladies neurodégénératives », explique Marco Colonna, coauteur principal de l’étude, dans un communiqué de l’Université de Washington.
Une capacité inédite d’atténuer les déficits comportementaux
Pour explorer les effets de l’anticorps, les chercheurs de la nouvelle étude ont sélectionné des souris présentant une accumulation de plaques amyloïdes au niveau de leur cerveau et portant un gène codant pour le récepteur LILRB4. Après avoir constaté une surexpression du récepteur au niveau de leurs microglies, les experts ont réactivé ces dernières avec succès après administration de l’anticorps (un anticorps monoclonal anti-LILRB4).
La restauration de la capacité phagocytaire des microglies a permis de réduire significativement la charge de protéines amyloïdes. En outre, le composé a atténué les anomalies comportementales chez les souris — ce qui constitue une capacité inédite de restauration comportementale. En effet, bien que les précédentes thérapies permettent de réduire les plaques amyloïdes et de ralentir la progression de la maladie, peu d’entre elles parviennent à en atténuer les symptômes.
Toutefois, il est important de savoir que les médicaments ciblant les plaques amyloïdes peuvent entraîner de graves effets secondaires. Chez les patients Alzheimer, ces plaques s’accumulent en partie au niveau des parois (externes) des artères cérébrales. Leur élimination peut ainsi provoquer des gonflements au niveau de ces artères ainsi que des hémorragies cérébrales (un groupe d’effets secondaires connu sous le nom de « amyloid-related imaging abnormalities », ou ARIA).
Ces effets indésirables surviennent surtout après l’administration de médicaments à base d’anticorps monoclonaux anti-amyloïdes, tels que le lécanemab, récemment approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) américaine pour le traitement d’Alzheimer. De leur côté, Colonna et ses collègues n’ont pas encore exploré cet aspect, étant donné qu’ils ont travaillé sur des modèles murins qui ne présentaient pas de plaques amyloïdes au niveau de leurs artères cérébrales.
D’un autre côté, le stade ultérieur de la maladie d’Alzheimer est caractérisé par l’enchevêtrement anormal d’une autre protéine : la protéine tau. L’accumulation de cette protéine entraîne la perte des neurones et conduit à l’apparition des premiers symptômes de déclin cognitif. Colonna et ses collègues ont constaté des niveaux élevés de LILRB4 et d’APOE chez les patients présentant un stade avancé de la maladie. La prochaine étape de l’étude consistera ainsi à évaluer les effets de l’anticorps anti-LILRB4 sur la protéine tau.