La recherche, depuis un quart de siècle, a conduit à l’élaboration de l’hypothèse calcique quant à l’origine de la maladie d’Alzheimer. Elle serait ainsi provoquée entre autres par un excès de calcium intracellulaire, ce qui lancerait les mécanismes responsables des pertes de mémoire caractéristiques de la maladie. Même si des doutes existaient depuis longtemps sur les effets néfastes des téléphones portables sur notre corps, et notamment notre cerveau, jamais une étude n’avait pu mentionner l’exposition aux objets connectés parmi les causes d’Alzheimer. Récemment, des scientifiques sembleraient avoir pu établir le lien entre des diagnostics « précoces », chez des individus âgés de 30 à 40 ans, et l’exposition aux champs électromagnétiques pulsés, générés électroniquement par nos téléphones portables. Si elle est confirmée, cette découverte impliquerait que le nombre de cas d’Alzheimer pourrait doubler d’ici 25 ans, alors que notre génération, bien plus exposée aux ondes, avance en âge.
Selon l’OMS, la démence est la maladie la plus coûteuse du XXIe siècle pour la société. On estime le coût mondial à 1300 milliards de dollars américains, en 2019. Il devrait s’élever à 1700 milliards de dollars américains d’ici 2030, ou à 2800 milliards de dollars américains si l’on tient compte de la hausse du coût des soins. En effet, 55,2 millions de personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée dans le monde. Selon les estimations, ce nombre devrait atteindre les 78 millions en 2030 et 139 millions en 2050, avec le vieillissement de la population. D’ailleurs, chaque année, on dénombre près de 10 millions de nouveaux cas. C’est pourquoi l’étude de cette maladie, des causes à l’origine, est d’une importance capitale, afin de mettre en place des campagnes de santé publique préventives, autant que faire se peut.
Depuis près de 25 ans, les chercheurs étudient l’effet du calcium sur la maladie d’Alzheimer. Le lien ? Le calcium agit au niveau de nos synapses, c’est-à-dire les connexions électrochimiques qui se créent entre nos neurones. Celles-ci s’appuient sur des neurotransmetteurs pour former le maillage de notre réseau cérébral. Notamment, le glutamate est indispensable au fonctionnement du système nerveux, mais peut devenir toxique lorsqu’il est en excès, du fait d’un taux de calcium intracellulaire trop élevé. La défaillance de nos synapses est impliquée dans la maladie d’Alzheimer.
Dans ce contexte, une étude inédite, publiée dans la revue Current Alzheimer Research, établit un premier rapprochement entre les cas précoces de maladie d’Alzheimer et l’exposition aux champs électromagnétiques pulsés générés électroniquement (CEM) par nos smartphones. Ils produisent des forces électriques et magnétiques qui agissent sur les cellules du corps en activant les canaux calciques voltage-dépendants (VGCC), et induisent une augmentation du calcium intracellulaire.
Surexposition aux CEM et excès de calcium
Le professeur Martin L. Pall, de la Washington State University, auteur principal de l’article, étudie ce phénomène depuis une décennie. Il explique dans un communiqué : « Les champs électromagnétiques agissent via des pics électriques et des forces magnétiques variant dans le temps à une échelle de temps de la nanoseconde. Ces pics sont considérablement augmentés à chaque augmentation de la modulation d’impulsions produite par des téléphones portables, des compteurs intelligents, des villes intelligentes et des radars dans les véhicules autonomes ».
Les champs électromagnétiques pulsés générés électroniquement (CEM), utilisés pour la communication sans fil, produisent donc des forces électriques et magnétiques activant des canaux calciques voltage-dépendants (VGCC). L’activation des VGCC engendre une augmentation rapides des taux de calcium intracellulaire. Ces augmentations ont été démontrées dans des modèles animaux de la maladie d’Alzheimer et ont mis au jour l’implication de deux voies qui mènent à la maladie d’Alzheimer. Chacune des deux voies produisant des effets physiopathologiques suite à une exposition aux CEM est importante dans l’étiologie de la maladie d’Alzheimer : la voie de signalisation excessive du calcium et la voie peroxynitrite/stress oxydatif/inflammation.
Les preuves s’accumulent contre nos smartphones
Le professeur Pall résume dans son article les 18 types de preuves liant excès de calcium, surexposition aux ondes et diagnostic précoce d’Alzheimer.
Parmi ces preuves, des études génétiques et pharmacologiques humaines montrent qu’une activité élevée des VGCC entraîne une augmentation de l’incidence de la maladie d’Alzheimer. Par conséquent, ce n’est pas seulement le calcium qui est important. L’activité VGCC, directement augmentée par l’exposition aux champs électromagnétiques, est également importante dans l’apparition de la maladie d’Alzheimer.
Dans un deuxième temps, 12 évaluations récentes de l’exposition aux CEM professionnellement ont révélé une incidence plus élevée de la maladie d’Alzheimer. Certaines études suggèrent que les CEM raccourcissent la période de latence normale de 25 ans de la maladie d’Alzheimer. De plus, une durée d’exposition plus longue aggraverait les troubles, car cela s’ajouterait à la neurodégénérescence dite normale de notre cerveau. En d’autres termes, plus nous sommes exposés longtemps à nos téléphones, ce qui est le cas pour la génération de 25-30 ans actuelle, plus la maladie se déclarerait tôt et avec des symptômes plus graves.
Par suite, les auteurs relèvent qu’en 2013 et 2016, des chercheurs ont découvert des changements spécifiques à la maladie d’Alzheimer dans le cerveau de rats exposés à des impulsions électromagnétiques. Ces changements se sont produits dans l’hippocampe, une région du cerveau sur laquelle la maladie d’Alzheimer a un impact destructeur.
Néanmoins, le professeur Pall note que le bloqueur des canaux calciques VGCC, l’amlodipine, a réduit 11 changements cérébraux différents et quatre changements de comportement chez les rats, ce qui montre le lien entre les niveaux de calcium et leur impact sur l’apparition de la démence. Il pourrait donc être une voie intéressante dans la lutte contre Alzheimer.
Finalement, l’un des points principaux relevés par le professeur Pall est que l’âge d’apparition de la maladie d’Alzheimer a diminué au cours des 20 dernières années. Ceci coïnciderait avec l’augmentation des expositions aux CEM liées aux communications sans fil. Des études récentes rapportent des cas d’Alzheimer chez les 30 à 40 ans. D’ailleurs, un rapport de 2008 a révélé que deux heures d’exposition quotidienne à un rayonnement de station de base de téléphonie mobile de faible intensité entraînaient une « neurodégénérescence massive » dans le cerveau de jeunes rats. De plus, un tiers des rats sont morts en un mois.
Démence numérique
C’est pourquoi les auteurs de l’étude soulignent clairement : « Les très jeunes personnes exposées aux ondes des téléphones portables ou du Wi-Fi pendant de nombreuses heures par jour peuvent développer une démence numérique ». De manière simple, les données montrent une dégradation inhabituelle de la mémoire, du raisonnement, du comportement et de l’aptitude à réaliser les activités quotidiennes.
Même si le nombre d’études est encore marginal, pour les chercheurs il est urgent de réaliser des examens des signes précoces de la maladie d’Alzheimer chez les personnes vivant à proximité des antennes de type petites cellules depuis un an ou plus. De manière similaire, ces examens devraient être utilisés pour les individus diagnostiqués de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce, âgés de 30 à 40 ans et exposés aux champs électromagnétiques. Les auteurs déclarent : « Ces évaluations doivent comparer le rayonnement des tours de téléphonie cellulaire, le rayonnement Wi-Fi, les compteurs intelligents et les niveaux de rayonnement de l’électricité sale avec les contrôles normaux ».
Ils recommandent également d’analyser les marqueurs cérébraux de la maladie d’Alzheimer et de pratiquer des IRM du cerveau pour les anomalies chez les jeunes qui présentent des signes de démence numérique. Ils concluent : « Les résultats de chacune de ces études devraient être partagés avec le grand public afin que chacun puisse prendre les mesures nécessaires pour réduire l’incidence de l’apparition précoce de la maladie d’Alzheimer ».