À l’heure actuelle, la méconnaissance des mécanismes biomoléculaires impliqués dans les maladies neurodégénératives est un obstacle majeur dans la recherche de traitements adaptés. Et bien que la théorie de « la cascade amyloïde » en tant que cause principale de la maladie d’Alzheimer soit de plus en plus controversée, des chercheurs ont tenté d’utiliser l’outil CRISPR pour ralentir la progression de l’accumulation de la protéine au niveau des neurones. La suppression d’un fragment spécifique d’un gène a alors réduit de 44% la formation de plaques amyloïdes chez des souris. Toutefois, ce résultat reste relativement mitigé dans la mesure où il n’y a pas encore de preuves solides indiquant une diminution des symptômes de démence.
La technologie CRISPR a permis de fournir de nombreux indices sur les mécanismes biomoléculaires induisant Alzheimer. Elle a notamment permis d’identifier des gènes précurseurs de la formation des plaques amyloïdes, l’une des caractéristiques de la maladie. Des chercheurs ont alors tenté antérieurement de cibler ces gènes afin de traiter la maladie. Malgré ces découvertes, aucun traitement n’a encore réussi à ralentir efficacement la progression des symptômes de la pathologie.
Il s’agirait notamment d’un obstacle commun à la plupart des maladies neurodégénératives. De façon étonnante, des groupes de neurones spécifiques sont en effet plus sensibles à la neurodégénérescence, que d’autres plus résilients. Des efforts de recherche se concentrent alors sur la façon dont ces neurones sont sélectivement impliqués dans la progression des maladies comme Alzheimer. Les thérapies géniques potentielles pourront peut-être conférer la même capacité de résilience à tous les neurones.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que la plupart des recherches antérieures axées sur l’édition génétique (pour la recherche de traitements contre Alzheimer) se concentraient sur l’élimination de séquences ADN impliquées dans la formation de plaques amyloïdes. Or, cette « amputation » drastique pourrait avoir des conséquences négatives imprévisibles, étant donné l’utilité des gènes en question.
La nouvelle étude de l’Université de Californie à San Diego (États-Unis) cible particulièrement le gène APP, un précurseur de la synthèse de la protéine amyloïde au niveau des synapses. En éliminant le gène chez les souris, une neuroinflammation, des troubles cognitifs et une diminution du nombre de neurones ont été observés. Pour pallier ces risques et conserver les fonctions « utiles » du gène APP, les chercheurs ont alors opté pour sa modification partielle en n’en éliminant qu’un infime fragment au niveau cellulaire.
Une réduction des plaques amyloïdes de 44%
Grâce à la technique CRISPR, les chercheurs de la nouvelle étude ont éliminé un fragment situé à l’extrémité du gène APP chez quatre souris d’un mois et demi. Quatre autres souris ont reçu des séquences brouillées de CRISPR, c’est-à-dire qu’aucun gène en particulier n’a été modifié ou supprimé au niveau de leurs cellules cérébrales. Pour les tests, toutes les souris ont été génétiquement modifiées de sorte à développer des symptômes et des caractéristiques de la maladie d’Alzheimer, vers l’âge de deux mois.
Une fois l’âge de deux ans et demi atteint, les souris ont été euthanasiées afin d’examiner leurs cerveaux dans le cadre d’une nécropsie. Les chercheurs ont alors découvert que celles traitées avec le gène APP modifié présentaient en moyenne 44% moins de plaques amyloïdes que celles non traitées. De plus, les niveaux de protéines induisant la neuroinflammation étaient inférieurs de 40% environ. Et comme les caractéristiques spécifiques à la maladie seraient plus exacerbées chez les souris, les chercheurs estiment que les résultats de leur traitement seraient potentiellement plus importants chez l’Homme.
Par ailleurs, les résultats seraient les mêmes chez les souris modifiées pour développer la maladie même un an après l’administration du traitement. Aucun effet secondaire n’a été observé, même chez des souris modifiées génétiquement avant la naissance pour être dépourvues du segment du gène APP, impliqué dans la maladie. Ces dernières montraient au contraire des fonctions cognitives améliorées.
Afin de pouvoir franchir la barrière hématoencéphalique pour administrer le traitement génique, les chercheurs ont utilisé un virus inoffensif baptisé virus adéno-associé (AVV). Toutefois, la capacité du virus à traverser la barrière protectrice du cerveau n’est pas encore totalement efficiente, et les chercheurs tenteront encore d’en déterminer le nombre exact à introduire dans l’organisme afin de pouvoir délivrer efficacement le traitement. La prochaine étape de la recherche consistera aussi à déterminer si le traitement peut induire une réduction des symptômes de démence. Cette étape sera déterminante, car les traitements visant à réduire la formation de plaques amyloïdes échouent généralement à améliorer la cognition chez les personnes souffrant d’Alzheimer.