Faire dans la dentelle pour éviter le marteau-pilon du confinement national : telle est la stratégie que semble suivre le gouvernement à l’heure où les chiffres font craindre une recrudescence de l’épidémie de COVID-19. Dans ce paysage sous tension, une méthode a fait ses preuves : l’analyse des eaux usées. Au point que plusieurs acteurs se positionnent sur les rangs, en voyant au-delà de l’épidémie en cours.
Repérer la présence locale du virus avant que les populations ne voient apparaître les premiers symptômes : depuis le déclenchement de l’épidémie de COVID, voici plus d’un an, la faculté prédictive de l’analyse des eaux usées a rarement été prise en défaut. En théorie, elle doit permettre aux autorités de prendre des décisions rapides, sans attendre la confirmation des tests visant à mesurer le fameux taux d’incidence. Avec la COVID, cette avance est d’environ six jours, un laps de temps qui peut faire la différence quand on sait que des décisions prises assez tôt suffisent à empêcher la flambée épidémique.
En France, un nom symbolise cette approche : le réseau Obépine (Observatoire Épidémiologique des Eaux Usées). Un consortium de chercheurs qui s’est structuré à partir de mars 2020, avant de se voir confier des moyens supplémentaires par le ministère de la Recherche. Les données du réseau sont désormais intégrées à la décision publique. Aux derniers jours de février, elles témoignaient d’une situation contrastée, faisant apparaître « des endroits avec une circulation stationnaire et d’autres où la circulation est très forte », selon Yvon Maday, membre du réseau, professeur en mathématiques appliquées à Sorbonne-Université.
Des retombées potentielles qui intéressent les entreprises
Mais la recherche publique n’est pas la seule à développer cette approche dont les retombées potentielles dépassent le cadre de l’épidémie en cours. La méthodologie employée permet de repérer d’autres agents pathogènes (grippe, gastro-entérite…) et de renforcer en conséquence les actions préventives. À la faveur de l’épisode COVID, l’épidémiologie des eaux usées est en train de s’imposer comme un domaine d’avenir, dont le rôle de vigie dans les futures crises sanitaires pourrait s’avérer déterminant.
Parmi les entreprises à s’être engouffrées dans la brèche figure Veolia. Il y a quelques semaines, le géant du secteur de l’eau mettait sur le marché une solution permettant de quantifier la présence des variants avec une méthodologie PCR. D’après le journal Le Monde, sept ou huit collectivités locales ont déjà eu recours à ce service, une dizaine d’autres étant sur le point de signer. Dans le cadre de cette prestation, l’opérateur travaille en collaboration étroite avec des experts scientifiques. D’abord l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire pour la partie séquençage, puis une société spécialisée dans l’analyse biologique environnementale pour la quantification.
Veolia fait aussi état de sa collaboration avec le réseau Obépine, qui, de son côté, préfère rester prudent quant à son implication. Si le réseau tient à son ancrage public et à son statut d’organe de recherche, le développement de partenariats public-privé pourrait contribuer à pérenniser son action.
Marseille : expérimentation grandeur nature avec les marins-pompiers, OpenHealth et SICPA
De tels partenariats sont déjà en cours de déploiement sur le terrain, à l’image du consortium formé à Marseille entre les marins-pompiers de la ville, la société française OpenHealth et le suisse SICPA, spécialisé dans les solutions d’authentification, d’identification et de traçabilité. On se souvient qu’à l’automne dernier, les marins-pompiers de la cité phocéenne avaient été les premiers à tirer la sonnette d’alarme devant une remontée du virus, ce qui avait poussé les autorités à adopter des mesures restrictives localisées. En quelques mois, ils ont acquis une expertise reconnue, au point d’être dépêchés en Moselle pour soutenir les autorités sanitaires dans leurs opérations de détection.
Le dispositif mis en place avec OpenHealth et SICPA intègre un protocole de prélèvement, d’approvisionnement sécurisé en réactifs de tests et d’analyse ainsi qu’une plateforme de traitement et de restitution en temps réel des résultats, accessibles en ligne par les autorités. Il se veut adaptable à n’importe quel territoire, en France et à l’international, et pourra être livré pratiquement clés en main aux autorités qui en feront la demande.
Ainsi se mettent en place dans une relative discrétion des protocoles et des technologies promis à essaimer dans un monde en risque épidémique permanent. Dans ce domaine, la France a une carte à jouer en tirant le meilleur parti de sa recherche, de son tissu d’entreprises et de ses capacités d’intervention régaliennes.